Hommages à Aimé Césaire

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Aimé Césaire – poète, Martiniquais , politicien et caraïbéen passionné – s'est éteint le 17 avril à l'âge de 94 ans. Il est rare que la politique et la poésie fassent bon ménage, mais quand elles le font, les Caraïbes leur offrent à l'une et à l'autre un terrain fertile. Aimé Césaire a intégré son amour de la langue, des idées et de l'écriture dans sa vie politique, qui aura duré presque soixante ans.
Comme beaucoup d'intellectuels caribéens de son temps, il était passionné par la redéfinition de son identité noire et de celle de ses frères face aux stéréotypes coloniaux. Il fut attiré par l'Union Soviétique comme modèle alternatif de progrès humain. Il semble avoir perdu ses illusions sur le communisme mais était resté un anti-colonialiste déterminé.

Aujourd'hui, une nouvelle génération de Caribéens, qui doivent certaines de leurs libertés à l'impact qu'ont eu ses écrits et ses succès politiques, lui rend hommage.

Beaucoup de blogueurs lui rendent hommage par des citations ou des extraits de ses oeuvres. En Martinique, le blog de [moi]  reproduit un extrait de Cahier d'un retour au pays natal. A La Trinité, Nicholas Laughlin [anglais] cite un passage du poème Mémorandum de ma Martinique, tandis que  Antilles, le blog de la revue The Caribbean Review of Books publie un extrait de Corps perdu.

Cap 21 Outre-Mer écrit que Césaire était “l’icône de tout un peuple dans sa quête identitaire post-coloniale”.
 qui ne restera pas dans les mémoires uniquement pour sa poésie, mais pour ses engagements politiques.

A côté de son engagement littéraire et culturel, je tiens à saluer également son très fort engagement en politique, où, maire de Fort-de-France pendant 56 ans, Aimé Césaire aura été un exemple pour tous les hommes politiques antillais, l’exemple d’un homme politique qui a toujours gouverné avec grandeur, pour ses idées, pour ses concitoyens, pour son peuple et surtout pour un idéal commun.C’est un grand homme qui nous quitte aujourd’hui ; la France, l’Outre-Mer, nous lui sommes tous reconnaissants.

Naturellement, la réputation de Césaire s'étend bien au-delà de sa Martinique natale ou des Antilles.

Le blogueur sénégalais Souleymane Dieye  a écrit plusieurs billets en hommage à Césaire et mis en ligne une photo du poète durant une visite au Sénégal.

Dans un billet intitulé” Notre Césaire aimé“, Souleymane Dieye écrit “Le Papa poète est un homme magnifique. Il est glorieux. C'est un homme du social qui a rendu à la Martinique sa dignité…”  . Il cite l'écrivain et philosophe sénégalais Hamidou Dia, qui a confié aux médias  “Aimé Césaire nous a rendu notre fierté d'Africains”.

Au Congo-Kinshasa, Forum Réalisance écrit :

A mon frère le plus doué, mon maître, la voix de ma conscience et celle de notre éternel combat humain ; c´est bien de peine que tu ne sois plus des nôtres ! Et déjà, devant notre champ de bataille aux duels acharnés, ton départ nous attriste et nous esseule…Repose en paix, enfant aimé du continent éternel. Puisse nos prières émues et attendries te bercer ce voyage silencieux et sans retour qui est maintenant le tien. Nous ne t'oublierons jamais, car au fond de l´amour chaleureux de tous les femmes et hommes de bonne foi, ta droiture restera légendaire.

Les blogueurs américains  Pierre Joris et Matthew Cheney  [anglais] lui rendent tous deux hommage :

Keith Walker m'a raconté un jour une histoire dont je ne me souviens que vaguement, mais je vais essayer de la restituer ici. Il me racontait comment il était tombé lui-même amoureux des oeuvres de Césaire. Il étudiait en France et son compagnon de chambre avait recouvert le plafond au-dessus de son lit avec des écrit, des mots très beaux, étonnants, étranges.  Keith lui a demandé ce que c'était et a appris qu'il s'agissait de vers du grand poème de Césaire “Carnet d'un retour au pays natal”. Son camarade avait écrit ces mots au-dessus de son lit pour les voir avant de s'endormir et être acceuilli par eux chaque matin. Keith était stupéfait de voir qu'un poème pouvait avoir un tel pouvoir sur une personne. Il s'est mis en quête des oeuvres de Césaire (et, plus tard, de Césaire lui-même). Il racontait qu'en Martinique, il avait assisté à un meeting politique qui tenait autant d'une soirée interactive de poésie que d'une réunion politique et qu'il avait été étonné de voir à quel point ces écrits réputés “difficiles” étaient chers à des gens très simples.

Au début de la semaine, au Togo, alors que la nouvelle de l'hospitalisation d'Aimé Césaire et de sa santé déclinante se répandait autour du monde, l'écrivain Kangi Alem se demandait comment il conviendrait d'honorer le grand homme . Kangi Alem ne soutient pas l'idée de certains hommes politiques français d'accueillir Césaire au Panthéon (où reposeront peut-être d'autres hommes noirs célèbres.

Bien sûr qu’il va mourir, le poète rebelle, mais bien sûr, à cet âge-là, il ne reste aux poètes qu’à passer à l’immortalité. Pas finir au Panthéon, idée curieuse que certains brandissent ces jours-ci, et qui me paraît fumeuse et inutilement polémique, tant la stature de Césaire, son combat sont aux antipodes de ce type de reconnaissance-là. M’étonnerait d’ailleurs que le poète lui-même fût sensible à cet honneur. Mais trêve de blabla au chevet de l’illustre poète pas encore disparu. Mais il mourra, Césaire, et nous le célébrerons!

Kangi Alem poursuit :

Avec sa mort, disparaîtra la dernière figure du trio fondateur de la Négritude, mouvement littéraire et idéologique qui a tant fait couler et nous a tous marqué, artistes et écrivains africains, d’une manière ou d’une autre. Comment dire merci et adieu au poète martiniquais? Sur ce blog, Timba m’a donné l’idée. Et si chacun nous donnait une citation d’un texte d’Aimé Césaire qui l’a marqué? Façon de se souvenir de lui et de parcourir à notre façon son héritage en théâtre, poésie et essai. Adieu, poète, déjà immortel même de ton vivant. (K.A)

Kangi Alem choisit un extrait de La tragédie du Roi Christophe, une pièce de théâtre de Césaire sur le chef révolutionnaire haïtien qui se proclama roi de Haïti en 1811 et instaura dans le pays un système féodal. Kangi Alem a joué dans cette pièce au Festival d'Avignon.

Les mots du Roi Christophe, s’adressant à sa femme inquiète de le voir malmener son peuple, résonnent encore dans ma tête, violents, conjuratoires, inoubliables. Du grand Césaire, du bon Césaire, immanquablement poète même lorsqu’il écrit pour le théâtre.

Racisme et Histoire: Le Tabou écrit :

Aimé Césaire est mort aujourd'hui. J'espère que son héritage ne sera ni sali, ni banni. Monsieur Césaire, votre Humanité reste bien vivante dans mon coeur.

Caribbean Free Radio [anglais] a mis en ligne une photo avec trois mots : 

 Adieu, Aimé Césaire.

Comment vous souviendrez-vous de lui ?

Jennifer Brea

3 commentaires

  • Je me souviens de lui comme d’une rencontre littéraire qui a éveillé ma conscience de Martiniquaise en 1995.

  • Hebert Logerie

    Notre Frère Et Ami, Aimé Césaire, N’est Pas Mort

    Dans ma pensée, je pensais très souvent à lui,
    Je me demandais s’il était encore vivant ;
    Mais s’il vivait, il devait avoir au moins cent ans.
    Je pensais fort souvent à lui, il était celui
    Qui luisait indirectement dans mes poèmes.
    Il aimait ses frères et sœurs venus des pays d’ébène.
    Il aimait aussi, comme moi, toute l’humanité de la Bohème.
    Il luisait toujours dans ma pensée, il me rappelait des chaînes,
    Des grosses et lourdes chaînes qu’on utilisait pour restreindre
    Nos innocents et vaillants Ancêtres sur le Négrier.
    Il vivait toujours dans mon cœur, il savait vraiment peindre
    Les hontes et les injustices, jusqu’à présent, adressées
    A nos frères. Mon Dieu ! La radio vient d’annoncer
    Que l’auteur du retour au pays natal
    Est à l’hôpital.
    Quel choc ! Oh ! Wow ! Il est hospitalisé.
    Il vivait encore. Il était un vaillant combattant,
    Un marathon man. Ce géant-là était notre cher Césaire.
    Il était un rêveur, un réaliste, un homme compétent.
    La situation est grave, les nouvelles sont amères.
    Oh ! Il a poussé son dernier soupir sans lancer son dernier sourire.
    Non, il n’est pas mort. Comme Toussaint Louverture, il vit ;
    Il luit dans notre cœur, il récite muettement des dires
    De nos aïeux, caresse et repasse les plis,
    Les cicatrices des injustices répulsives de notre histoire.
    Il était trop vaillant pour mourir. Notre frère n’est pas mort.
    Il est resté dans l’univers, dans les racines et dans les foires ;
    Comme Martin Luther King Junior, il n’est pas mort,
    Comme le Roi Henri Christophe, il n’est pas mort.

    Copyright© Juin 2008 Hébert Logerie
    New Jersey, États-Unis

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