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Sahara Occidental : La poésie sahraouie renaît en castillan

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Pour certaines cultures, c'est la nourriture, pour d'autres, c'est la musique, et beaucoup de cultures affirment leur caractère à travers leur architecture. L’une des principales caractéristiques culturelles du Sahara Occidental [1], c’est la tradition orale, et la poésie a beaucoup d'importance aux yeux des Sahraouis [2][en espagnol] . Cette littérature occupe maintenant une place prépondérante dans leur vie. Selon  Atrapadordesueños [en espagnol]  :

Si vous questionnez à l'improviste un Sahraoui sur la poésie, ce qui est certain, c’est qu’il ne lui viendra à l’esprit ni le titre d'un recueil de vers, ni le titre d'un poème. Toutefois, il est très probable qu'il pourra citer les noms des poètes les plus connus, et même qu’il récitera plusieurs vers de mémoire. L’explication en est que la poésie traditionnelle sahraoui en hassania, la langue des Sahraouis, est encore orale, même si ces dernières années, on a essayé de l'écrire et d'archiver les écrits pour éviter qu'un jour elle ne disparaisse en emportant avec elle ses auteurs. Pendant la domination coloniale espagnole, la poésie était marginalisée. Personne ne se souciait de poésie, ni ne se préoccupait de la culture sahraouie en général. Isolée de toute influence externe, la poésie a poursuivi son voyage à bord de son véhicule traditionnel, c'est-à-dire le « bouche à oreille », en incorporant à la prodigieuse mémoire de celui-ci des poètes, des chanteurs et des amoureux de la poésie.

Parfois, la poésie est associée à la musique, au sein d'une tradition familiale, explique la blogueuse sahraouie Aziza Brahim [3] [en espagnol], une célèbre chanteuse. Elle décrit ses rapports avec sa grand-mère, une poétesse sahraouie célèbre, qui vit dans le camp de réfugiés de Ljadra Mint Mabruk :

Pour moi, ce qui ne changera jamais, c’est boire le thé chez ma grand-mère Ljadra. Depuis que je suis petite, nous passons toujours beaucoup de temps ensemble. Nous discutons, je la coiffe, nous partageons des secrets, d’autant plus qu’elle est ma confidente et ma source d’inspiration. Je puise ma musique dans la poésie de ma grand-mère, c’est naturel. Souvent, je me mets à chanter, elle commence à réciter sa poésie, ou le contraire.

 Ariadna [4] présente sur son site [en espagnol] sept poètes sahraouis qui composent des vers en deux langues, le castillan étant la deuxième langue parlée de la région. L'Institut Cervantes [5], chargé de  l'étude et de l'enseignement de la langue castillane dans le monde, leur a toujours refusé son soutien [6], comme le rappelle le blogueur Haz Lo que Debas [en espagnol]  :

N’est-il pas plus urgent d’aider un enfant sahraoui qui souhaite apprendre l'espagnol à l'école, et qui éprouve  beaucoup de difficultés, que de financer l'installation de nouveaux sièges de l’Institut Cervantes à Pékin, Saint-Pétersbourg… ou même sur la 5ème Avenue de New York ?

Le blogueur estime qu'il s'agit d'une question importante car la littérature sahraouie existe également en castillan :

La littérature sahraouie en castillan, encore au stade embryonnaire, avance toutefois d’un pas ferme. C’est une littérature peu soutenue par les médias et inconnue du grand public. Elle a également été oubliée par les institutions espagnoles comme l'Institut Cervantes ou la Casa Arabe, qui ne s'intéressent pas à la culture de ce peuple arabo-africain qui s’exprime aussi en espagnol, et qui, un jour, appartint à l'Espagne. C'est grâce à l'aide d’auteurs, d’universités et d’associations solidaires que le peuple sahraoui parvient à abattre ce mur érigé contre un peuple qui combat pacifiquement pour sa liberté,  et appelle “à la paix et au dialogue” pour récupérer la terre qui lui a été injustement arrachée.

Voici trois ans, un groupe de poètes et d'écrivains sahraouis se sont associés pour fonder la Generación de la Amistad Saharaui [7] (Génération des amis des Sahraouis) [en espagnol].

C'était le 9 juillet, un jour de grande chaleur, au centre de Madrid. Un groupe de poètes sahraouis venus de différents endroits, soutenus par plusieurs auteurs et intellectuels espagnols, entamait un combat qui portait alors ses premiers fruits et qui a permis depuis la publication d'une douzaine de livres. Depuis les camps de réfugiés sahraoui, d'autres compagnons se sont joints à la naissance de ce «rêve humble» qui, trois ans plus tard, reste un projet modeste mais bien réel.

La poésie est également une langue. Les Sahraouis continuent à s’exprimer pour préserver leur histoire et leur culture grâce à la construction de ponts entre langues sarahouie et castillane.