Lettonie : Échec du référendum

Comme l'écrit [en anglais] le blogueur Julian Frisch, “il y a encore des référendums au sein de l'Union Européenne qui sont sans rapport avec l'Europe“. Le 2 août 2008, un référendum s'est tenu en Lettonie à propos d'amendements à la Satversme – la Constitution lettone – qui permettrait au peuple d'initier la dissolution du Saeisma – le parlement letton. Ce référendum résulte d'un long processus engagé il y a plusieurs mois, pour la première fois dans l'histoire de la Lettonie. Asier Blas, un Espagnol vivant à Riga, explique sur son blog Cartas del Este [en espagnol] :

El primero es reunir unas 10.000 firmas. Posteriormente, estas son comprobadas por Comité Central Electoral, y si estas son verificadas de forma satisfactoria, el Gobierno letón pasa a hacerse cargo de la recogida de firmas habilitando lugares de recogida de firmas en todos los pueblos y ciudades del país para que la gente pueda firmar a favor de la propuesta del referéndum. Si en un mes, el 10% del censo electoral firma, el referéndum se celebra. Al respecto, no está de más recordar que en Letonia hay aproximadamente 500.000 personas de origen ruso o descendientes de rusos que no tienen ciudadanía letona y por lo tanto, no tienen derecho a voto en ningún tipo de elección.

La première [étape] est de réunir 10 000 signatures. Ensuite, celles-ci sont vérifiées par le Comité électoral central, et, si elles sont validées, le gouvernement letton a la charge de rassembler des signatures, de mettre en place des lieux appropriés dans chaque ville et chaque village du pays, de telle sorte que les gens puissent signer en faveur de la proposition de référendum. Si en un mois, 10% des électeurs inscrits sur les listes électorales signent, le référendum a lieu. À ce propos, il n'est pas de trop de rappeler qu'en Lettonie vivent approximativement 500 000 personnes d'origine russe ou descendant de Russes qui n'ont pas la nationalité lettone, et qui n'ont le droit de voter dans aucun type d'élection.

Ces 10 000 signatures ont été recueillies durant l'automne et l'hiver 2007, pendant les manifestations contre la corruption. Le blog All About Latvia décrit [en anglais] une de ces manifestations dans un article d'octobre 2007, intitulé “Nous avons oublié que nous sommes une démocratie” :

Foreigners here observed that to make Latvians come out in such large numbers, you have to really piss them off.

And people are pissed.

When the government played political intrigues in the run-up to presidential elections and people protested outside the parliament and their calls fell on deaf ears, the people patiently took that in.

When the government have ignored signs of overheating economy from the Latvian Central Bank, international credit agencies and local macroeconomic experts, the people patiently took that in.

When the government decided to deal with the Loskutovs factor, attempting to circumvent the law regulating the anti-corruption agency that have been successfully fighting corruption, they’re pissed and they want blood.

Les étrangers ici ont fait observer que pour faire sortir des Lettons en si grand nombre, il faut réellement les faire sortir de leurs gonds.

Et les gens sont sortis de leurs gonds.

Quand le gouvernement a mené des intrigues politiques dans la course pour les élections présidentielles, quand les gens ont manifesté à l'extérieur du Parlement et que leurs appels n'ont pas été entendus, les gens ont patiemment absorbé l'information.

Quand le gouvernement a ignoré des signes d'une surchauffe de l'économie donnés par la Banque centrale lettone, les agences internationales de crédit et les experts locaux en macroéconomie, les gens ont patiemment absorbé l'information.

Quand le gouvernement à décidé [d'écarter le directeur de l'Agence anti-corruption Aleksejs] Loskutovs, tentant de contourner la loi régissant l'Agence qui a lutté avec succès contre la corruption, ils sont sortis de leurs gonds et [maintenant] ils voient rouge.

Pēteris Cedriņš, du blog Marginalia est devenu l'un des 213 000 signataires d'une demande d'amendements à la Constitution en avril 2008, pendant le mois de recueil des signatures par la commission électorale. Il justifie [en anglais] ce choix par les mots suivants :

I signed… because I trust our people — our nation — a lot more than I trust our so-called elite. When the Government threatens us with “chaos” — the only response can be that the Government has long been dragging us into a half-light oozing lies and sinister lucre. As Laila Pakalniņa suggested, we — the people — could at least have an instrument with which to respond in extremity.

J'ai signé (…) parce que je fais davantage confiance à notre peuple – à notre nation – qu'à notre soi-disant élite. Quand le gouvernement agite la menace du “chaos” – la seule réponse possible est que le gouvernement nous traîne depuis longtemps dans de sombres mensonges et un esprit de lucre sinistre. Comme Laila Pakalniņa l'a suggéré, nous – le peuple – pourrions avoir au moins un instrument avec lequel répondre dans des cas extrêmes.

Cependant, il exprime ses inquiétudes à propos de tels amendements à la Constitution :

… the proposed changes are risky. As experts in the law and politics have pointed out, rallying the people to “throw the bums out” will probably always be pretty easy. The next time we choose from our 60-odd parties in a flurry of kompromat, slick advertising and shady financing, assuming that the people are given this power, it's possible that someone can fund a “throw the bums out” campaign the next day. In this country, smaller than many a city, “political technologies” can be employed like shots in the dark, from guns without serial numbers.

[Les] changements proposés sont risqués. Comme l'ont fait remarquer des juristes et des spécialistes des sciences politiques, mobiliser le peuple pour “mettre à la porte les bons à rien” sera toujours très facile. La prochaine fois que nous choisissons parmi nos quelque soixante partis dans un tourbillon de kompromat, de publicités habiles et de financements troubles, si ce pouvoir est réellement donné au peuple, il est possible que quelqu'un puisse financer une campagne pour “metre à la porte les bons à rien” dès le lendemain [de l'élection]. Dans ce pays, plus petit que bien des villes, les “technologies politiques” peuvent être utilisées au hasard, et sans réelle responsabilité.

Il y a quelques jours, Veiko Spolitis du blog Baltic a écrit un article sur les avantages et les inconvénients du référendum, à partir d'un article de presse qui demandait à différents hommes politiques de donner leur point de vue sur cette question. Il conclut en disant [en anglais] :

…so called political elite in this country with rather few exceptions really think that their voters are stupid, and thus the politicians are locked into their imaginary power bubble.

[La] soi-disant élite politique du pays pense réellement, à quelques exceptions près, que leurs électeurs sont stupides, et de cette manière les hommes politiques sont enfermés dans leur bulle imaginaire de pouvoir.

En dépit de l'excitation générale à propos du référendum et des espoirs placés par de nombreux Lettons dans les changements positifs qu'il devait apporter à la scène politique du pays, le référendum a finalement été déclaré invalide en raison d'une participation insuffisante [en anglais]. Pour qu'un référendum soit légal en Lettonie, pas moins de 756 000 votants doivent y participer, alors que seuls 627 530 électeurs se sont rendus aux urnes samedi. Vitaliy Voznyak du blog The 8th Circle est revenu [en anglais] sur ces résultats décevants :

The low turnout, around 40%, doomed the grassroots effort.

Nevertheless in a country with 1.5 million eligible voters when 607,901 of its citizens so directly register their discontent with political behavior of their politicians, those in Saeima better straighten out.

Even if they did not succeed, Latvians have laid out an example for others in the Baltic region and beyond on participatory democracy, an example that hopefully will be followed elsewhere.

La faible participation, autour de 40%, a sonné le glas de la mobilisation populaire. 

Néanmoins, quand dans un pays de 1,5 million d'électeurs, 607 901 votants font état si directement de leur mécontentement envers les comportements politiques de leurs élus, les parlementaires ont intérêt à redresser la barre.

Même s'ils ont échoué, les Lettons ont montré l'exemple d'une démocratie participative à d'autres Pays Baltes et au-delà, un exemple qui, espérons-le, sera suivi ailleurs.

Pēteris Cedriņš de Marginalia a attribué [en anglais] la faible participation au beau temps :

Summer in Latvia is short and sweet, not conducive to traipsing to polling stations — many people head for the countryside on the limited number of balmy weekends. Still, with 995 of 998 precincts reporting, 608 202 persons voted in favor of the amendments, 18 831 against.

That means, however, that the “servants of the people,” as our Members of Parliament so love to describe themselves, can relax and return to misrule unhindered.

L'été letton est court et doux et il n'incite pas à traîner dans les bureaux de vote –  nombreux sont ceux qui partent à la campagne lors de ce petit nombre de week-ends au temps clément. Même dans ces conditions, d'après les rapports de 995 des 998 bureaux de vote, 608 202 personnes se sont prononcées en faveur des amendements et 18 831 ont voté contre. 

Cela signifie cependant que les “serviteurs du peuple”, comme nos parlementaires aiment tant se décrire, peuvent se détendre et reprendre sans entrave leur mauvaise administration.

Il y a quelques semaines, All about Latvia avait déjà prédit le problème de la participation [en anglais] :

…the August 2 referendum, when Latvians decide for what they care more – their country or their summer holidays. For holiday-loving Latvians, it’ll be a tough choice to make.

[Le] référendum du 2 août, où les Lettons décideront ce qu'ils chérissent le plus : leur pays ou leurs vacances. Pour les Lettons amateurs de vacances, ce sera un choix difficile.

D'après Baltic Features, le soleil a permis au gouvernement d'éviter le scénario catastrophe [en anglais] :

Thank god it was a sunny day on Saturday, which persuaded enough people to have a day at the beach instead of a day kicking the administration out.
Why? Because whoever is at the helm for the next few months is going to preside over the most painful period in Latvian history since independence was won back in 1991. Unemployment will soar, homes will be repossessed, prices will continue to rise and it’s now too late to do anything about it thanks to the government’s dithering.
[…]
It’s not pleasant to want the worst case scenario to unfold – real people will experience real pain – but unless it happens there’s a nasty chance the usual suspects may have been able to rehabilitate themselves by the time the next general elections come around.

Heureusement qu'il faisait beau samedi, cela a convaincu suffisamment de personnes de passer la journée à la plage plutôt qu'à virer l'administration.
Pourquoi ? Parce que quiconque se trouvera à la barre pour les prochains mois va gérer la période la plus douloureuse de l'histoire lettonne depuis que l'indépendance a été conquise en 1991. Le chômage va monter en flêche, des maisons seront saisies, les prix vont continuer d'augmenter et il est désormais trop tard pour y remédier à cause des hésitations du gouvernement.
[…]
Il n'est pas plaisant de souhaiter que le scénario catastrophe se produise – des personnes réelles connaîtront une douleur réelle – mais s'il ne s'était produit, il y avait une forte chance pour que la même équipe parvienne à se réhabiliter d'ici la prochaine élection.

Photographie du Parlement letton par khoogheem

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