Angola-Brésil : Un choc culturel

Un esclave noir.

Bois sculpté polychrome de Luiz Paulino da Cunha.

Photo de Children At Risk Foundation.

L'Angola et le Brésil entretiennent une relation particulière, en partie à cause de leur langue commune, le portugais, de leur passé parallèle d'anciennes colonies portugaises, et des liens culturels provenant de cette histoire partagée. Depuis 2000, le commerce entre ces deux états a commencé à croître et il est maintenant en plein essor. Selon l'Association des Entreprises Brésiliennes en Angola (AEBRAN), le commerce [en anglais] entre eux a été multiplié par six entre 2002 et 2007.

La présence des entreprises brésiliennes en Angola s'est aussi accrue avec cette augmentation du commerce, de 70 % ces cinq dernières années. En conséquence, l'immigration de Brésiliens en Angola a également augmenté : on estime à environ 5 000 leur nombre. Ils travaillent surtout dans les secteurs du bâtiment et des travaux publics, des mines et de l'agriculture. Ce phénomène nouveau, dans un pays historiquement plutôt habitué à l'émigration de l'autre côté de l'Atlantique, provoque inévitablement un choc culturel pour les Brésiliens expatriés comme pour les Angolais.

Pour l'illustrer, voici en intégralité deux articles, issus de deux blogs, qui montrent les points de vue différents des uns envers les autres, soulevant les problèmes de l'immigration, du racisme et du respect mutuel. Surtout, ils montrent les relations complexes et diverses, avec leurs inévitables ressemblances et différences, entre ces peuples frères séparés par l'océan.

Un esclave noir.

Bois sculpté polychrome de Luiz Paulino da Cunha.

Photo de Children At Risk Foundation.

Migas [en portugais], une Brésilienne qui vit à Luanda, écrit :

Sempre vi as eleições em Setembro de forma positiva. Optimista de que os episódios de violência do passado não voltarão a acontecer. Qualquer um é unânime em concordar que o país precisa de paz para prosseguir com o crescimento económico, desenvolvimento, qualidade de vida dos cidadãos. Talvez este último seja o objectivo mais “esquecido”. Contudo, o acontecimento aproxima-se. 5 de Setembro foi a data escolhida e qualquer um está com muita expectativa. Angolano ou estrangeiro.

J'ai toujours considéré les élections [en anglais] de septembre [qui doivent se tenir les 5 et 6 septembre 2008] de façon positive. Je suis optimiste quant au fait que les violences du passé ne se reproduiront pas. Tout le monde est unanime pour penser que le pays a besoin de paix pour continuer son développement, économique et humain (même si ce dernier est l'objectif le plus “oublié”). L'évènement approche, et tout le monde l'attend dans une grande anxiété, qu'il soit Angolais ou étranger.

Vivo num condomínio em que sou a única estrangeira. Todos os outros vizinhos são negros, pertencentes a uma classe que eu não consigo identificar. Não são ricos nem pobres. Mas também não são classe média. Eu diria que são mais pobres do que ricos, segundo os meus padrões. Mas, são ricos o suficiente para terem água nos reservatórios, gerador, carros e comida na mesa. Num dos últimos fins-de-semana, houve festa numa das casas do condomínio. Ao que parece, um aniversário. Arrependi-me da minha opção em ficar em casa, nessa noite de Sábado.

J'habite une copropriété où je suis la seule étrangère. Tous mes voisins sont noirs, et appartiennent à une classe que je n'arrive pas à identifier. Ils ne sont ni riches ni pauvres. Mais ils ne font pas non plus partie de la classe moyenne. Je dirais qu'ils sont plus pauvres que riches, selon mes critères. Mais ils sont assez riches pour avoir de l'eau dans leurs réservoirs, des générateurs électriques, des voitures et de la nourriture à leur table. Un de ces derniers week-ends, il y a eu une fête dans une des maisons de la copropriété. Apparemment un anniversaire. J'ai regretté d'être restée à la maison ce samedi.

A festa prolongou-se até de madrugada com o DJ a esmerar-se na escolha das músicas. Para meu desespero já que tinha decidido ficar em casa para dormir cedo. Depois de chegar das compras, por volta das 10h da noite, vi que no meu lugar de estacionamento tinha outro carro. Não pedi para tirarem mas antes, para darem um “jeitinho” (à boa maneira do Norte) para que pudessem ficar os dois. O meu e o do convidado. O convidado, nitidamente bêbado, mandou-me esperar e voltou à festa, supostamente em busca da chave. Minutos depois, tinha-se esquecido do meu pedido e já dançava junto com os outros.

La fête s'est prolongée jusqu'à l'aube avec un DJ s'appliquant dans ses choix musicaux. À mon grand désespoir, j'avais décidé de rester à la maison pour me coucher tôt. Après être rentrée de mes courses, vers 22 heures, j'ai constaté qu'il y avait une voiture à ma place de stationnement. Je n'ai pas demandé qu'on l'enlève, mais de trouver un “arrangement” (suivant les “bonnes manières du Nord”) de façon à ce que les deux voitures puissent se partager l'emplacement, la mienne et celle de l'invité. Celui-ci, visiblement éméché, m'a demandé d'attendre et il est retourné à la fête, soi-disant pour chercher la clé. Quelques instant plus tard, il avait oublié ma demande et il dansait avec les autres.

Consegui resolver a questão de outra forma mas, confesso que não gostei da atitude. Esta história ilustra a minha verdadeira preocupação. Não tenho dúvidas que as eleições vão dar lugar a muita bebedeira, festa, comportamentos exagerados. E isso preocupa-me. Se até agora nunca tinha sentido desconforto por morar num local onde a minha casa é a única de “brancos”, nessa noite percebi que as “biricocas” podem desencadear episódios desconfortáveis mesmo em locais onde nos sentimos bem.

J'ai réussi à résoudre ce problème d'une autre façon, mais j'avoue que je n'ai pas apprécié cette attitude. Cette histoire illustre ma véritable préoccupation. Je n'ai aucun doute que les élections vont être l'occasion de beaucoup d'ivresse, de fêtes, et de comportements excessifs. Et ça me fait souci. Si jusqu'à présent je ne me suis jamais sentie mal à l'aise d'habiter dans un endroit où ma maison est la seule habitée par des “blancs”, j'ai ressenti cette nuit-là que les “biricocas” (bières) pouvaient déclencher des épisodes désagréables, même dans les endroits où nous nous sentons bien.


Naomi Leonardo de Queiros, 12 ans.

Photo de Children At Risk Foundation.

Voici un point de vue différent, sur d'autres fêtards et sur l'immigration brésilienne dans son ensemble, celui de Gil Gonçalves [en portugais], un Angolais :

Em Luanda, as empresas brasileiras praticam o subimperialismo americano. O Brasil é uma colónia dos EUA. Muitos… mas mesmo muitos brasileiros chegaram, chegam a Luanda, como sardinhas enlatadas.

À Luanda, les entreprises brésiliennes pratiquent un sous-impérialisme américain. Le Brésil est une colonie des États-Unis. Beaucoup… vraiment beaucoup trop de Brésiliens sont arrivés et continuent d'arriver à Luanda comme des sardines en boîte.

Na Movicel, empresa de telecomunicações onde detêm as garras no marketing, mandam vir os seus irmãos e irmãs, como técnicos altamente especializados. Os luandenses ensinam-nos a trabalhar, pois os pobres chegam aqui analfabetos. No Brasil parece não existirem universidades, ou então as existentes não funcionam. Ganham milhares de dólares, com direito a milhares de mordomias. E os luandenses míseros dólares. Há que manter o legado colonial.

À Movicel, une entreprise de télécommunications où on tient par dessus tout au marketing, ils font venir leurs frères et leurs sœurs, en tant que techniciens hautement spécialisés. Les Luandais leur apprennent à travailler, parce que les pauvres arrivent ici presque analphabètes. On dirait qu'il n'y a pas d'universités au Brésil, ou alors que celles qui existent ne fonctionnent pas. Ils gagnent des milliers de dollars, et ont droit à des tas d'avantages. Et les Luandais n'ont que quelques malheureux dollars. Il faut conserver l'héritage colonial.

Brasileiros e brasileiras infestaram um hotel, é só deles e delas. Elas fumam bwe, parecem vulcões em permanente actividade. De vez em quando dão festa no terraço. Como bons analfabetos sociais imprimem desalmado som musical que permite aos colonizados luandenses não dormirem. Eles e elas não sabem, fingem não saberem, que em Luanda poluição sonora é crime. Estrangeiros que não respeitam as leis do país de acolhimento tem direito à expulsão. Mas como isto é deles e de alguns amigos luandenses…

Les Brésiliens et les Brésiliennes ont envahi un hôtel, il est seulement pour eux et pour elles. Elle fument beaucoup, elles ont l'air de volcans en activité permanente. De temps en temps, ils font la fête sur la terrasse. Comme de bons analphabètes sociaux, ils diffusent une musique inhumaine qui empêche les colonisés luandais de dormir. Ils et elles ne savent pas, font semblant de ne pas savoir, qu'à Luanda la pollution sonore est un délit. Les étrangers qui ne respectent pas les lois du pays d'accueil méritent l'expulsion. Mais comme l'hôtel leur appartient, ainsi qu'à quelques amis luandais…

O espanto nisto tudo é que eles e elas “brasileirada” são todos… brancos e brancas. Cadê os negros? As negras? Fugiram para o quilombo do Zumbi dos Palmares? Foram deportados para um campo de concentração nazi? Esconderam-nos na floresta do Amazonas? Exterminaram-nos? Estão proscritos? Enfeitam algum jardim zoológico? Deitaram-nos ao mar?

La surprise dans tout ça, c'est que ces Brésiliens et Brésiliennes sont tous et toutes… blancs et blanches. Où sont les noirs ? Et les noires ? Ils se sont enfuis pour le quilombo de Zumbi de Palmares [tous ces liens sont en anglais] ? Ils ont été déportés dans un camp de concentration nazi ? On les a cachés dans la forêt amazonienne ? On les a exterminés ? Ils sont exilés ? Ils décorent un zoo ? On les a jetés à la mer ?

Porque não tem a coragem de afirmar publicamente que negro brasileiro não existe no Brasil!

Pourquoi n'a-t-on pas le courage de déclarer publiquement qu'il n'y a pas de Brésiliens noirs au Brésil !

Les photos qui illustrent cet article sont issues de la page Symbols and Symbolism (Symboles et Symbolisme) sur Flickr de la Children At Risk Foundation (Fondation Enfant en Danger), et elles sont utilisées sous licence Creative Commons. Elle décrivent les trois siècles d'esclavage au Brésil et son influence sur ce pays, comme la présence du Candomblé. Voici leur commentaire :

Le Noir a été déraciné de sa terre et vendu comme marchandise, asservi. Au Brésil il est arrivé comme esclave, objet ; il a quitté sa terre en tant qu'homme libre. Pendant le voyage, la traite, il a perdu sa personnalité, mais sa culture, son histoire, son paysage, ses expériences, sont venus avec lui.

Trois siècles d'esclavage africain au Brésil ont influencé ce pays. Le Candomblé est l'une de ces influences, une religion remplie de beaucoup de secrets, de symboles et de rituels connus seulement des initiés, mais c'est aussi une partie essentielle de l'expression culturelle du Brésil. Il n'y a pas de chiffres certains sur le nombre d'adeptes du Candomblé au Brésil. Les autorités estiment, de façon classique, qu'il y a plus de 300 000 lieux de culte consacrés aux religions afro-brésiliennes, parmi lesquelles le Candomblé. On pense qu'au moins un tiers des Brésiliens participe à l'un de ces cultes. Beaucoup pratiquent à la fois le Catholicisme et le Candomblé.

Bahia, l'état brésilien qui a la plus forte proportion de Noirs, est le centre de cette religion, qui est proche de ses racines africaines, des traditions des Yorubas du Nigeria et des Bantous de l'Angola et du Congo. Les traditions des Yorubas, qui comprennent les noms des Orishas (dieux du panthéon africain) les plus employés habituellement, dominent.
Actuellement le Candomblé est reconnu officiellement et protégé par le Brésil. Mais à l'époque de l'esclavage, et encore pendant longtemps après son abolition en 1888, la pratique du Candomblé était interdite par les autorités et par l'Église Catholique, et ses adeptes étaient sévèrement punis.

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