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Egypte : Pourquoi tant de divorces ?

Catégories: Egypte, Education, Femmes et genre, Jeunesse, Liberté d'expression, Média et journalisme, Religion

Récemment, cette question a été posée souvent et dans des contextes différents. Des statistiques [1] [en anglais] montrent que 75.000 couples égyptiens ont divorcé entre 2006 et 2007.

Wandering Scarab [2][en anglais] tente ici d'apporter des réponses :

Un constat récent montre que le taux de divorce en Egypte est très clairement en hausse. Ceci, en dépit du fait que les Egyptiens considèrent généralement le mariage comme un moyen d'obtenir leur indépendance, d'entrer librement dans la vie sexuelle et aussi de prendre leur place dans la société. Cette envolée du nombre de divorces s'explique peut-être par les fausses idées que les couples se font du mariage, qui sont dues tant aux messages des médias qu'aux idées préconcues distillées par les parents dans l'esprit de leurs enfants au sujet du mariage. 

Parmi les exemples de fausses idées sur le mariage figurent celles-ci:

Les Egyptiens sont souvent fans des mariages mythiques comme ceux d'Hollywood : des sagas grand public et des comédies romantiques, sans oublier les soap operas superficiels et trompeurs, dans lesquels on entend à l'envie des phrases telles que “L'amour est plus fort que tout” et “Ce qui compte le plus, c'est l'amour”. La mère égyptienne typique dit encore à son fils de  tenir la bride serrée à sa nouvelle épouse, comme si celle-ci faisait partie de son cheptel. Cette même mère va aussi dire à sa fille que la seule responsabilité d'une femme est de faire tourner son ménage tant que l'homme peut assurer financièrement.  Dans les faits, un mariage demande beaucoup plus d'efforts que cela. Les mots-clés qui viennent à l'esprit sont Engagement, Compromis et Communication. Il semblerait qu'en général, les jeunes Egyptiens ne comprennent pas vraiment de quoi il s'agit.

Bien que son jugement puisse paraître dur, Wandering Scarab le défend fermement:

Les jeunes mariés égyptiens ne semblent pas suffisamment préparés au mariage. Les jeunes égyptiennes sont élevées avec l'idée que la vie est un voyage dont le mariage est la destination. Les femmes ne sont pas encouragées à devenir indépendantes et n'ont pas l'occasion d'être responsables de leurs propres actions. Chaque fois qu'une femme fait un choix, celui-ci rejaillit sur sa famille, d'où une pression constante et des partis pris qui s'infiltrent dans toute prise de décision. Elle grandit dans un foyer, où le père est le chef de famille et assure la responsabilité financière pour chacun de ses enfants, jusqu'à ce que chacun d'entre eux soit marié. 

Aujourd'hui, certains parents vont même jusqu'à aider financièrement leurs enfants, alors qu'ils sont déjà mariés. Il n'y a rien de pire pour l'équilibre d'un mariage. Cette aide retarde l'épanouissement de l'union en privant les mariés du sentiment d'indépendance et de responsabilité et en altérant leur façon d'appréhender leur mariage. Les deux époux se sentent alors contraints d'obéir à certaines pressions et de répondre aux exigences, surtout celles venant du parent qui apporte cette aide. Le mari en veut alors à sa nouvelle épouse et celle-ci perd tout respect pour lui car il apparait comme incapable d'assumer son foyer. Le fait que les parents exigent de nous que nous leur restions attachés jusqu'au mariage, conditionne la femme à penser que son mari va prendre soin d'elle, comme l'aura fait son père.  En ce qui concerne le fils jeune marié, il devra en 24h devenir responsable de tout dans un foyer alors qu'il n'a assumé aucune responsabilité auparavant. Ces attentes manquent totalement de réalisme, tant à l'égard de l'homme que de la femme. En Egypte, les parents ne donnent pas à leurs enfants suffisamment de champ pour devenir des adultes.

Une autre idée est avancée par l'immigrante égyptienne:

De plus, les Egyptiens grandissent avec une batterie de préjugés que la société maintient même lorsqu'ils deviennent adultes. Les hommes recherchent souvent des épouses qui ressemblent à leur mère. Ils veulent d'un foyer à l'image de celui qu'ils viennent de quitter. Ils se plaignent que les femmes ne cuisinent pas et ne s'occupent pas leur foyer aussi bien que le fait leur mère. Appelez cela comme vous le voulez, la nostalgie ou la sensation d'insécurité. C'est l'environnement auquel ils sont habitués et il fonctionne, d'où leur difficulté à comprendre que leur nouveau foyer est différent, et que leur épouse, est justement une épouse, une partenaire de vie, une égale. De l'autre côté, les femmes attendent de leur partenaire, qu'il soit un chevalier en armure et qu'il représente tout dans leur vie. Leur mari devient le centre du monde et en son absence, elles perdent tout repère. Ceci est aussi irréaliste qu'injuste, car on ne peut attendre de nos hommes qu'ils soient des super héros, ils sont humains et personne n'est parfait. Attendre de l'un ou l'autre des partenaires, qu'il agisse conformément à un standard pré-établi (et irréaliste) conduit inéluctablement à l'échec. A cet égard, les deux époux manquent des capacités de communication nécessaires au fonctionnement d'un mariage. Au lieu de cela, ils se reposent sur les traditions et les idées transmises de génération en génération, en espérant que celles-ci deviendront concrètes, comme par magie.

Au sujet du compromis ou du manque de compromis, elle écrit:

Le compromis fait aussi cruellement défaut.
Une fois les couples mariés, les femmes s'attendent encore à recevoir le même traitement que pendant les fiançailles, pourtant les choses ne sont jamais si simples. Les deux partenaires assumaient moins de responsabilités avant le mariage. Il est totalement inhumain de la part d'une femme, d'attendre que son mari qui travaille 18h par jour, rentre à la maison et lui fasse l'amour comme un étalon ou l'emmène dîner au restaurant et ne parlons même pas du fait de l'écouter dans cesse parler des mêmes banalités. Les femmes ne semblent pas prêtes à faire la part des choses; elles interprètent la fatigue de l'homme comme un signe de désamour ou de désintérêt. Pourtant, même si ces hommes ont des sentiments forts, ils ne peuvent les exprimer de crainte de sembler moins virils. Les femmes semblent oublier que leur époux jonglent avec deux emplois pour les rendre heureuses. Lorsqu'un homme n'arrive pas à rendre son épouse heureuse, il voit son mariage partir à vau-l'eau. Ces hommes qui ne réussissent pas à satisfaire leur épouse ou à la rendre heureuse, se considèrent souvent comme des ratés. En plus, l'éducation des hommes égyptiens les conduit à prendre leur épouse pour acquise, en pensant qu'elle sera toujours à la maison à les attendre. Ils oublient qu'une femme ainsi considérée devient amère et cherche des alternatives pour montrer son mécontement, qui se manifeste alors de diverses manières. 

Après le compromis, elle s'attaque à la communication:

Lorsque les deux partenaires refusent de faire des compromis et se braquent l'un contre l'autre, la communication est inévitablement rompue. Un mariage qui manque de communication est un bateau sans capitaine, un train qui va au devant de la collision.

Wandering Scarab traite de l'aspect tabou du mariage, le sexe:

Il est tout de même important de remarquer que l'incompatibilité sexuelle et la frustration sont souvent à l'origine du divorce. De nombreux couples pensent que le sexe va résoudre leurs problèmes ou le vivent comme une récompense pour avoir été célibataires si longtemps, et qu'il est suffisamment puissant pour arranger toutes les situations. Rien n'est plus faux. Le sexe dans un mariage devient souvent une marque d'affection, que l'on appelle “faire l'amour” et le sexe torride est considéré comme la vraie passion. Le sexe n'est que le sexe. Ce peut-être un acte d'amour entre deux personnes, mais finalement, c'est toujours un besoin physique que les humains doivent satisfaire.

Le sexe ne peut pas résoudre les problèmes conjugaux et ne peut pas créer de l'affection quand il n'y en a pas. En fait, les problèmes qui ne sont même pas liés au sexe parviennent souvent jusqu'à la chambre conjugale et s'exprime sous forme de piètres relations sexuelles ou d'absence de relations sexuelles. Les couples égyptiens semblent comprendre le rôle du sexe mais ne parviennent pas à le considérer comme un baromètre qui évalue l'état du mariage. Les couples, qui souffrent de problèmes sexuels, ne font que transposer dans leur chambre les problèmes qu'ils ont à l'extérieur. Beaucoup de couples en Egypte, surtout des jeunes mariés, sont envahis pas la frustration quand ils ont des difficultés d'ordre sexuel.

Ils vivent cela comme un tromperie ou une récompense qui leur échappe après un célibat de si longue durée. Cette frustration peut les conduire à l'abandon, en effet ils en arrivent à “déserter le navire”. Il y a aura toujours des problèmes entre les époux, c'est pourquoi, l'engagement est la clé du succès dans le mariage. Les couples qui s'attèlent à résoudre leurs problèmes et à faire la part des choses, sont ceux qui réussissent leur union.  Malheureusement, les couples égyptiens semblent ne fournir que des efforts à courte vue, ceci parce que les époux s'unissent avec des idées préconçues ou fausses, des attentes peu réalistes et surtout n'accordent pas assez de place à l'autre.

Elle conclut en écrivant:

Le mariage se résume au trois mots-clé. A ses débuts, un mariage est une chose fragile, qui a besoin d'être soignée pour grandir et s'épanouir. Dans un mariage heureux, il y a deux partenaires consentants, qui ont réussi à donner une place à l'autre, à mettre de côté leur idées fausses et à ajuster leurs attentes à la réalité, tout cela en communiquant. Malheureusement, Je ne connais pas beaucoup de couples en Egypte qui correspondent à cette description. Leur solution, basée sur une réflexion à court terme, est de divorcer ou de rester mariés mais malheureux.