Les cyberactivistes ont passé des journées entières à discuter de l'affaire du blogueur marocain Mohammed Erraji, qui a été arrêté, jugé, condamné – puis libéré, rejugé et finalement acquitté.
Son crime ? Poster cet article, dont une partie est traduite en anglais ici, sur Hespress [arabe], dans lequel il décrit comment la charité du roi du Maroc et ses libéralités pour son peuple bénéficient aux «heureux fils et filles des riches de ce pays et oublient les autres.»
Il avait expliqué son point de vue :
Les pays qui respectent leurs citoyens ne les transforment pas en mendiants sous les pieds de la noblesse. Au contraire, ils développent des usines et des ateliers où ils peuvent travailler et gagner leur vie dans la dignité. Même si nous supposons que de telles libéralités ne sont distribuées qu'aux citoyens qui les méritent, tels les handicapés et les pauvres, ce qui est de toute façon impossible, cela ne peut pas donner la fierté aux Marocains. Le droit au travail, aux soins médicaux et à l'éducation sont garantis par la Constitution. C'est pourquoi l'Etat devrait procurer à ses citoyens des moyens d'existence décents – au lieu de les humilier d'une manière aussi éhontée.
Et les blogueurs de toute la région ont approuvé – car ils pourraient aussi bien remplacer le mot «Maroc» de cet article par les noms de leurs pays.
Qui est Mohammed Erraji ? Pourquoi a-t-il écrit cela, sachant parfaitement que dans de nombreux pays du Moyen-Orient, critiquer les vastes familles régnantes aboutit avec quasi-certitude à des répercussions et un châtiment ? Le blogueur saoudien Fouad Al Farhan, qui s'est lui-même récemment retrouvé derrière les barreaux en Arabie Saoudite pour ses écrits, visite le blog de Mohammed Erraji à la recherche de réponses.
Après avoir appris l'arrestation d'Erraji, Al Farhan a visité son blog :
زرت مدونته لأول مرة وحرصت على الذهاب لأول تدويناته لأنها في العادة تتكلم عن نظرة المدون تجاه التدوين وسبب رغبته في الإلتحاق بهذا الركب وطموحاته التي ينوي تحقيقها من خلال هذه المدونة. وجدته يقول في أحد أوائل تدويناته:
“أريد أن أملأ صفحات هذه المدونة بكل الأفكار التي تثور في رأسي مثل بركان هائج تارة ، وتارة أخرى مثل نسمات برد لطيفة باردة ، أريد أن أجلس طويلا أمام الحاسوب ، أريد أن أكتب حول كل شيء عن حياتي الخاصة ، عن السياسة ، عن الرياضة ، عن الدين ، عن كل شيء ، أريد أن أكتب بلا توقف..”..
بهذه الكلمات بدأ الأخ المدون المغربي محمد الراجي رحلته مع عالم التدوين. هذه الرحلة التي بدأت ولن تنمحى من ذاكرته وذاكرة عائلته وأصدقائه ما بقي من أعمارهم. محمد الراجي مثله كمثل الكثير من الشباب المبدع الذين لا نلتفت إليهم إلا وقت المصائب.J'ai visité son blog pour la première fois et j'étais curieux de voir ses premiers billets, qui parlent d'habitude de l'idée que se fait le blogueur de cette activité (bloguer), et de ses raisons de se joindre à la vague. Ils expliquent aussi quelles sont leurs objectifs et ce qu'il espère accomplir en bloguant. J'ai trouvé qu'il disait dans un de ses premiers billets :
«Je veux remplir les pages de ce blog de toutes les idées qui sont parfois en éruption dans ma tête comme un volcan en activité , et parfois comme des brises rafraîchissantes. Je veux rester assis de longues heures devant l'ordinateur. Je veux écrire sur tout dans ma vie privée, et sur la politique, le sport, la religion, sur tout. Je veux écrire sans m'arrêter…»
C'est avec ces mots que le blogueur marocain Mohammed Erraji a commencé son voyage dans le monde des blogs. Ce voyage, qui a commencé et ne sera jamais effacé de sa mémoire, ni de celle de sa famille et de ses amis, pour le restant de leurs jours. Mohammed Erraji, comme c'est souvent le cas avec nos jeunes gens créatifs, est de ceux à qui nous ne prêtons guère attention jusqu'à ce que les ennuis les frappent.
Al Farhan dit, à propos d'Erraji :
محمد الراجي عمره ٢٩ عاماً وعمر مدونته سنة ونصف. لولا أنه ذكر بنفسه بأنه لم يتجاوز المرحلة السادسة في مستواه التعليمي لما صدقت. هو “أمازيغي وعربي في نفس الآن” كما عرف عن نفسه. أما توجهه الفكري فيلخصه كما يلي: “مستقل بأفكاري ولا أحب أن أكون تابعا لأحد ، عندما يكون لدي موقف من قضية ما ، أدافع عنه بشراسة، وفي المقابل أستمع بأذن صاغية الى الآخرين ، وأقبل الحوار مع الجميع ، عندما أختلف مع شخص ما ، أختلف معه حول أفكاره ومواقفه فقط ، وليست لدي خلافات شخصية مع أحد”. في آخر تدويناته يصرخ في وجه “الجبناء” كما أسماهم مطالباً “بحماية سمعة وطنه” الذي يحبه ويعشقه. أوطاننا العربية التي نعشقها ويحاول البعض بكل جد وإجتهاد وبكل طريقة ممكنة أن يفقدنا الأمل في إصلاحها إما بتهوين المخاطر التي نمر بها أو بإقناعنا بشرعية “الخطوط الحمراء” التي هي في الأصل خطوط حمراء تحمي “المستفيدين” من أوضاع حرياتنا المفقودة في أوطاننا العربية.
Mohammed Erraji a 29 ans et son blog a un an et demi. S'il n'avait pas mentionné qu'il n'est pas allé au-delà de la 6ème à l'école, je ne l'aurais pas cru. Il se décrit comme «Amazigh (berbère) et Arabe en même temps.» Il résume ainsi son idéologie : «Je pense de façon indépendante, et je ne veux être le disciple de personne. Quand j'ai une position nette sur une question, je la défends férocement. En retour, j'écoute les autres, j'accepte le dialogue avec tout le monde, et si je suis en désaccord avec quelqu'un, c'est avec ses idées et positions uniquement, et je n'ai aucun conflit personnel avec quiconque.» Dans un de ses derniers billets, il crie à la face des «couards» comme il les a appelés, leur demandant instamment de «défendre la réputation de sa nation,» qu'il aime – notre nation arabe que nous aimons, alors que certains appliquent tous leurs efforts, de toutes les manières à leur disposition, à nous faire perdre l'espoir de la réformer, soit en exagérant les dangers auxquels nous sommes confrontés, soit en nous persuadant de la légalité des «lignes rouges», qui en réalité sont des lignes rouges protégeant ceux qui tirent profit de notre liberté perdue dans notre monde arabe.
Al Farhan dit qu'il a passé toute la journée à lire le blog d'Erraji. Il note :
أعجبني نقده وأفكاره وإستقرائه وحججه وقوة لغته. أعجبتني جرأته وتسميته الأشياء بأسمائها. وجدته يعبر عن وجهة نظره بكل صراحة حول الإرهاب وغيرته على الإسلام من تصرفات المتطرفين وأطروحاتهم. تناول “أسامة بن لادن” بالإسم ونقده وأختار أن لا يؤجر عقله لكل من يستغل سوء أوضاعنا بطرح حلول تدميريه وإرهابية لا تقود إلا لمجتمعات خوف وعنف وظلام.
محمد الراجي لم يختبيء تحت معرفات وهمية في منتديات الإنترنت ليعبر عن رأيه بطرح متطرف أو صراخ لا يسمن ولا يغني من جوع. محمد الراجي فهم التدوين جيداً ولديه ثقة إيجابيه في ذاته وعقله وفكره نهلها من محيطه العائلي وتربيته التي يفتخر بها.
ولذلك قرر محمد الراجي أن يدون.
J'ai admiré son esprit critique, ses idées, analyses, arguments, et la beauté de son style. J'ai admiré le courage avec lequel il appelle les choses par leur nom. J'ai trouvé qu'il exprimait avec franchise ses idées sur le terrorisme et son inquiétude pour l'Islam et les réactions des extrémistes et leurs actes. Il a écrit sur Oussama ben Laden, en l'appelant par son nom et en le critiquant. Il a choisi de ne pas vendre son esprit à ceux qui abusent de notre situation en proposant des solutions terroristes, qui ne font que mener les sociétés à la peur, à la violence et aux ténèbres.
Mohammed Erraji ne s'est pas caché derrière des pseudonymes sur les forums Internet pour exprimer une opinion extrémiste ou clamer des idioties. Mohammed Erraji a compris ce que c'est que bloguer, et il a une confiance positive en lui-même et en ses idées, qu'il a apprise de sa famille et de son éducation, dont il est fier. Voilà pourquoi Mohammed Erraji a décidé de bloguer.
Pour Al Farhan, si Erraji avait décidé de ne pas bloguer, il aurait eu le choix entre :
1.
المضي في حياته اليومية بحثاً عن لقمة عيشه فاقداً الأمل في إمكانية أن يحدث تعبيره عن رأيه أي فرق في تحسين الواقع أو إيضاح مواطن الظلم. وبذلك ينضم للملايين من الشباب العربي المحبط
2.
تأجير عقله لمتطرف يقول له بأن حمل السلاح والعنف هو الحل والمخرج من هذا الواقع العربي المظلم مثلما فعل الكثير من الشباب العربي المحبط أيضاً للأسف الشديد.
3.البحث عن مواطن أخرى ليخرج “كل الغضب الذي يتزاحم في صدره مثل حمم بركان هائج” من مخدرات وحشيش ومتع مدمرة وقع فيها الملايين من الشباب العربي المحبط.
1.Poursuivre sa vie de travail sans aucun espoir qu'exprimer sa pensée améliorerait la réalité et mettrait en évidence l'injustice. Il serait ainsi au nombre des millions de jeunes Arabes déprimés.
2.Louer son esprit à un extrémiste qui lui demandera de porter les armes et de s'adonner à la violence comme un moyen de sortir de cette réalité arabe injuste, comme l'ont malheureusement fait beaucoup de jeunes hommes.
3.Trouver d'autres voies pour exprimer toute cette colère qui bout en lui comme un volcan, telles que les drogues, le haschich et d'autres divertissements dangereux dont ont été victimes des millions de jeunes Arabes déprimés.
Al Farhan explique que Mohammed Erraji a rejeté toutes ces options et s'est plongé au contraire dans son activité de blogueur.
Tournant son attention vers l'allergie de certains gouvernements à la liberté d'expression, Al Farhan écrit :
مشكلة الحكومات العربية مع الجيل الجديد من الشباب أنها لم تستوعب بعد أن الوقت تغير. هذا الجيل مشتعل بالغيرة وببراكين الغضب والأسئلة التي تتزاحم في عقله تبحث عن إجابات لحال وضعنا العربي المحبط.
Le problème qu'ont les gouvernements arabes avec la nouvelle génération, c'est qu'ils n'ont pas compris que les temps ont changé. Cette génération est enflammée de sentiments pour leur nation, des volcans débordants de colère et de questions se ruent dans leur tête à la recherche de solutions à notre condition déprimante d'Arabes.
Expliquant en quoi le monde a changé, Al Farhan écrit :
في زمن ما، كان العربي في المغرب يسمع عن ما يحصل في المشرق عن طريق إذاعة لندن أو مونت كارلو أو صحيفة بائتة هنا أو هناك. بعد عالم الإنترنت، أصبحنا نعرف كل صغيرة وكبيرة إما عن طريق الفضائيات أو الإذاعات أو مواقع الإنترنت أو البريد الإلكتروني أو تويتر أو الفيسبوك. لم يعد هناك شيء مخفي.
Autrefois, les Arabes du Maghreb apprenaient ce qui se passait au Moyen-Orient par les stations de radio de Londres ou de Monte-Carlo, ou dans de vieux journaux par-ci par-là. Depuis qu'Internet existe, nous savons maintenant tout ce qui se passe par les chaînes satellite, les stations de radio, les sites web, les courriels, Twitter et Facebook. Il n'y a plus rien qu'on puisse encore cacher.
L'accès à Internet, ajoute Al Fahran, a fait du monde un endroit différent. C'est pourquoi il pose la question :
إذا كانوا لا يريدون منا أن نحلم وأن نتكلم ونطرح أفكارنا وأحلامنا للحوار والنقاش فلماذا يسمحون بإدخال الإنترنت في بلداننا العربية؟
S'ils ne voulaient pas que nous rêvions et parlions et exprimions nos idées et nos aspirations dans des conversations ou que nous en discutions, alors pourquoi ont-ils autorisé Internet dans nos pays arabes ?