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Azerbaïdjan : Les volontaires du Peace Corps racontent l'Azerbaïdjan

Catégories: Amérique du Nord, Azerbaïdjan, Etats-Unis, Développement, Environnement, Femmes et genre, Médias citoyens, Relations internationales

L’U.S. Peace Corps [1] [Corps de la Paix américain [2]] a commencé à travailler en Azeraïdjan en 2002. Auparavant, il en avait été empêché par les efforts du lobby Arménien-Américain, à cause du conflit non résolu entre les deux pays au sujet du territoire disputé du Nagorno Karabakh. Cela a changé quand le Président américain George Bush a abrogé une disposition [3] (anglais, comme tous les liens de cet article) du Freedom Support Act [Loi sur le soutien à la liberté] de 1992 qui interdisait pareille assistance.

Depuis, selon le Wiki du Peace Corps [4], plus de 190 Volontaires du Peace Corps ont servi en Azerbaïdjan, et comme cela avait été le cas en Arménie [5], nombre d'entre eux ont ouvert des blogs à partir du début 2006. Opérant en-dehors de la capitale, Bakou, leurs blogs chroniquent la vie dans les régions d'un pays pétrolier que peu de gens pourraient connaître sans cela.

Chris Sensei en Azerbaïdjan est, cette année, un nouveau volontaire du Peace Corps. Dans un long billet accompagné de photos, le blogueur présente son lieu de travail aux lecteurs [6].

Nous sommes installés à Soumgait et dans les environs. Un endroit qui aurait pu être une magnifique villégiature sur la Caspienne, au lieu de quoi, les Soviétiques y ont construit des raffineries et des usines chimiques. C'était l'un des endroits les plus pollués de la terre depuis plus de 20 ans, avec une mortalité infantile et par cancers qui atteint des taux astronomiques. Mais l'indépendance a entraîné l'effondrement de ces industries. C'est devenu beaucoup plus propre depuis. Il reste beaucoup d'oléoducs et d'usines en ruines mais les rues sont plus propres que celles que j'ai vues en Inde et en Chine rurale, et l'eau est assez propre pour qu'on puisse la boire sans la filtrer. […] 

Dans les faubourgs, la plupart des rues ne sont pas pavées et manquent aussi de drainage. Il avait plu ce matin-là, aussi, quand on nous a déposés nous avons dù nous débrouiller avec des rues boueuses et des flaques d'eau grandes comme de petites mares. La plupart des habitations ici sont de petits ensembles d'appartements de béton brun construits à la soviétique, et des enclos familiaux entourés de murs, faits de béton brun, de calcaire et de métaux de récupération rouillés. Les extérieurs sont déprimants de prime abord, les années d'oppression soviétique ont appris aux gens à laisser l'extérieur terne et peu attrayant, alors que les intérieurs sont généralement très jolis et accueillants.

Outre la description des problèmes, cependant, les blogueurs-volontaires du Peace Corps tels que Eric's Peace Corp Adventure in Azerbaijan ont aussi détaillé les mesures prises pour les traiter [7].

Les choses se sont bien passées dernièrement. Hier, les recrues ont participé à une initiative de nettoyage de l'environnement sponsorisée par une nouvelle entreprise locale de recyclage. Jusqu'à présent, aucun système n'avait été mis en place pour le recyclage des bouteilles en plastique dans la région de Soumgaït. On se débarrassait des bouteilles, tout comme des autres détritus, en les brûlant. Avec l'aide de cette nouvelle entreprise, cependant, les gens auront la possibilité de se débarrasser de leurs déchets plastiques d'une manière environnementalement saine.

Les recrues se sont retrouvées hier sur la plage au bord de la Caspienne, armées de gants en caoutchouc et de sacs-poubelle, avec pour mission de ramasser les bouteilles en plastique. Bien que le grand camion ait été vite rempli, nous n'avons fait qu'effleurer le problème global du plastique sur la plage . Mais l'important, c'était de commencer, et la couverture médiatique de l'événement pourrait faire de la publicité aux dangers des plastiques pour l'environnement.[…]

Avec le système patriarcal qui prévaut dans tout le Sud du Caucase, certains billets pourraient bien irriter certains Azéris. Début octobre, par exemple, Jeff, sur 27 Months in Azerbaijan décrit une des meilleures élèves qui assistent à son cours d'anglais.

Mon élève s'appelle Fidan. Elle est géniale. […] Quand elle a rouspété contre un garçon de la classe qui faisait l'idiot, je lui ai dit qu'elle devait se calmer un tout petit peu. Elle a répondu : «M. Jeffrey, aujourd'hui je suis calme comme un chat».

«Wouaw ! A quoi ressembles-tu quand tu es en colère ?»

«A un tigre.»

J'en suis presque tombé à la renverse tellement c'était excellent. Pour le contexte, personne dans mon cours ne parle aussi bien l'anglais. Non seulement elle connaissait les mots qu'elle employait, mais elle les a prononcés avec une facilité et une sûreté qui manquaient à mes autres élèves. […]

Elle avait aussi une magnifique confiance en elle. La plupart des jeunes femmes azéries sont timides et réservées, conformément à la mentalité «sois belle et tais-toi» (c'est vrai en tous cas pour les jeunes femmes dans un entourage masculin, ce qui est par définition leur cas avec moi). […]

[…]

[…] La famille de Fidan penche du côté plus «russifié» du mélange, qui semble leur donner une mentalité plus occidentale. Elle a écouté d'autres musiques que les jeunes de son âge, elle critique les injustices de la société et a une forte curiosité intellectuelle. […]

Un lecteur Azéri masculin, Atilla, désapprouve ce billet et a attaqué le blogueur du Peace Corps dans la section des commentaires.

Dis-donc mon vieux, je te suggère d'être un peu prudent dans le choix de tes mots pour décrire la culture et les femmes d'Azerbaïdjan. Oui, mon mode de vie, mon style de vie et ma conception de l'honneur sont très différents de ceux des hommes américains (Dieu merci), mais cela ne rend pas ma culture ou mon mode de vie anormaux. […] Je te suggère de t'abstenir de juger les cultures et les femmes d'autres pays. Je suis fier d'être un Azéri et d'être un homme véritable et non un homme efféminé comme les créatures aux USA qui n'ont aucune notion de l'honneur et [sont] extrêmement immoraux. Alors, garde ta morale et ta propagande pour les femmes américaines. Personne ici ne veut écouter tes «précieux» conseils, hautement subjectifs et illogiques. […]

27 Months in Azerbaijan a répondu à ce commentaire dans un billet distinct [8] et souligne pourquoi il est si important d'avoir des informations en provenance de la province, dans ce pays :

[…] Je peux me tromper complètement, mais je suis sûr à 95% que cet Atilla est un habitant de Bakou. Quand je vais à Bakou, surtout après être resté longtemps en province, [j'ai l'impression] que je vais dans un autre pays. Les gens bougent autrement. Ils agissent autrement et ont accès à plus d'informations, de distractions et d'opportunités que ceux en province. Comme Atilla vient d'un environnement de ce genre (encore une fois, je le suppose), ma description de l'Azerbaïdjan ne correspond pas à la sienne. […] Pourtant, je persiste à dire que je ne pense pas que tout le monde à Bakou soit au courant de la situation en province. Si tout le pays était comme Bakou, ils n'auraient pas besoin des Volontaires du Peace Corps. Les choses sont très différentes là-bas, et cela ne vaut pas seulement pour le développement qui s'est produit au cours des dernières années, mais aussi pour la mentalité des gens et la culture. C'est pourquoi, s'il peut être convenable à Bakou que des jeunes femmes puissent faire des choses telles que sortir seules, ou utiliser Internet, ou passer un examen pour voir si elles sont qualifiées pour étudier une année en Amérique, la situation peut être bien différente en province.

Le thème de la condition de la femme est aussi traité sur un autre blog [9] tenu par une volontaire du Peace Corps en Azerbaïdjan, KZ in AZ.

[…] En fait, le projet informe les femmes sur le code de la famille d'Azerbaïdjan [et est] financé par l'ambassade de Norvège. En quelques mots, si une femme divorce ici, la loi dispose que le mari reçoit 100% de tout. Peu importe à qui la faute ou qui a demandé le divorce (dans cette culture, de toute façon, ce ne sont que les hommes). Les femmes qui ont vécu un divorce sont souvent obligées de mettre leurs enfants à l'orphelinat et de retourner chez leurs parents. Ceci parce qu'elles n'ont pas d'argent pour nourrir leurs enfants et qu'une femme divorcée est «abîmée» et ne pourra plus jamais être épousée. C'est une situation vraiment tragique et bien qu'elle soit taboue, elle se produit beaucoup plus souvent que les gens ne voudraient le croire.

Notre projet vise à informer plus de 150 jeunes femmes des régions de Khachmaz, Mingachevir, Zagatala et Lankaran sur le Code de la Famille et à encourager des discussions sur ce thème à l'intérieur de la population dans ces régions. […] Nous parlons de la famille et du mariage en expliquant les aspects juridiques. Nous informons ces femmes sur le Code de la Famille et les contrats de mariage. […] Nous espérons que cela [les] conduira à participer à la restauration des droits bafoués des femmes et que cela aidera les femmes à prendre confiance en elles. […]

Veemo in the Azerbaïdjan a aussi abordé le sujet [10].

Les discussions avec d'autres volontaires à propos des blogs m'ont fait sentir que je parle très peu de ma perception de la culture locale. En vérité, il y a tellement de nuances que j'essaie encore de saisir à propos de la culture azérie, et on nous a enfoncé dans la tête que ce n'est pas notre rôle de changer ou juger leur culture (ce n'est certes pas mon intention, si j'étais du pays je n'apprécierais pas trop qu'un étranger vienne me dire que je fais erreur dans tout ce que je sais). Certes, mais pour moi, femme farouchement indépendante, célibataire, élevée dans le monde occidental, il y a beaucoup de choses que j'ai du mal à digérer.

[…]

Récemment j'ai rencontré une jeune femme, probablement plus jeune que moi, que j'ai essayé de réconforter à Bakou. Une collègue volontaire et moi marchions derrière elle et son escorte masculine (dont nous avions décidé qu'il était son frère ou son mari d'après la manière «protectrice» dont il la traitait) et dès qu'il est parti, elle éclaté en sanglots, non sans raison. […] J'ai essayé de trouver des mots de consolation en azéri mais elle parlait bien l'anglais et elle m'a dit qu'il était son mari et qu'elle ne l'aimait pas du tout, ses parents l'avaient forcée à l'épouser et elle était malheureuse. […]

[…]

Cela ne veut pas dire que tous les hommes azéris ont un comportement incontrôlé envers les femmes, la famille qui m'héberge actuellement me fait vivre dans un foyer composé d'un couple marié et de ses deux petits garçons. Les garçons m'appellent leur tante car leurs parents sont si proches de mon âge, le frère de mon hôte traite très bien sa femme et est affectueux avec ses fils. […] Cela me donne de l'espoir en l'amélioration des relations et des rôles entre hommes et femmes azéris pour les générations futures.

Naturellement, les blogs des Volontaires du Peace Corps ne sont pas seulement remplis de billets sur la situation de la femme ou l'environnement. Parmi les observations sur la vie dans les provinces de pays en transition comme l'Azerbaïdjan, on trouve aussi des billets sur la cuisine [11] et des réflexions sur leur séjour [12] quand vient le moment de repartir.

J'ai appris que nous vivons TELLEMENT dans l'excès aux USA, et je suis sûr que je vais continuer encore longtemps à le penser, et j'espère que je vivrai un peu plus à l'intérieur des limites de ce que je sais être bon pour moi.

Les gens en AZ sont fantastiquement gentils, amicaux et bienveillants, et je leur suis extrêmement reconnaissant pour leur hospitalité – ils ont rendu ce voyage inoubliable.

On peut trouver une liste de blogs, passés et actuels, de Volontaires du Peace Corps en Azerbaïdjan sur : http://www.peacecorpsjournals.com/aj.html [13].