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Etat-Unis : Obama est-il arabe ? Quelle importance ?

Catégories: Amérique du Nord, Etats-Unis, Maroc, Palestine, Ethnicité et racisme, Histoire, Manifestations, Médias citoyens, Migrations & immigrés, Politique, Relations internationales, Religion

Musulman, noir, anti-patriotique, anti-américain, sexiste : voilà seulement quelques-unes des insultes lancées à Barack Obama depuis le commencement de sa campagne présidentielle. Malgré l'engagement d'Obama dans la politique américaine, la méfiance à son égard est profondément ancrée dans beaucoup de lieux aux Etats-Unis  [1](en anglais, vidéo).

Comme si les insultes précédentes ne suffisaient pas, lors d'une réunion dans une mairie vendredi, une sympathisante de McCain a porté le sectarisme à un degré tout à fait nouveau quand elle s'est levée et a affirmé qu'Obama est «un arabe». McCain a répliqué qu'Obama n'était pas un Arabe, mais un «respectable [père] de famille». Voici la vidéo :

La question de cette femme, tout comme la réaction de McCain ont rendu les blogueurs perplexes. A Moro in America  écrit à propos de l'incident [2] (en anglais, comme tous les liens de ce billet):

Faut-il rire ou pleurer ?!!

Al Falasteenyia («La Palestinienne» ) pense que les remarques anti-arabes sont tout simplement un substitut aux remarques anti-noirs, considérées comme moins acceptables aux Etats-Unis. Elle dit [3] :

Eh oui, je savais que ce n'était qu'une question de temps avant que les insultes commencent. Quel rapport y a-t-il entre les attaques contre Obama et le fait qu'il est noir – et les gens utilisent-ils le mot «arabe» à la place parce que le racisme anti-arabes est mieux accepté ici que, disons, le racisme anti-noirs ?

Un instant, Obama est arabe, l'instant d'après il est musulman, ces mots sont lancés à la ronde et servent d'insultes. (Donc, en fait, au lieu de dire à quelqu'un que sa mère est une pute, dites-lui qu'elle est une arabe et ça suffira désormais). «Arabe» est aussi devenu une arme poilitique : «Je ne fais pas confiance à Obama, c'est un arabe».

La blogueuse se demande aussi quand quelqu'un prendra la défense des arabes :

Alors, à la lumière de cette sorte de climat politique de diffamation des arabes, qui va se déclarer de lui-même ouvertement arabe ?

Moi.

Pas de souci : quand je vous rencontrerai et que je vous révèlerai mon identité, j'essaierai de vous rendre l'expérience aussi terrifiante que possible, en aboyant comme un chien et en sautant à cloche-pied.

Ou alors, je pourrais me taire sur ce que je suis et attendre jusqu'au jour où quelque blanc lèverait la main et dirait : «Hé, quelle importance si Obama était arabe ?» (d'ailleurs, à l'évidence il ne l'est pas, ni musulman, il faut vous y faire) – mais nous savons tous que cela n'arrivera pas de mon vivant, soyez les bienvenus en Amérique, où nous vous servons le racisme en plat d'accompagnement brûlant, et nous vous demandons de l'avaler en entier, et la question n'est pas seulement d'être Arabe – mais aussi noir, latino, asiatique, etc…

Il semble que la croyance qu'Obama est arabe n'est pas uniquement la tournure d'esprit extravagante d'une femme isolée. Will, de KABOBfest partage quelques vidéos sur ce sujet, en remarquant [4] :

Il y a un mouvement scélérat qui cherche à associer Barack Obama avec «arabe» dans l'espoir que cela lui coûtera l'élection. Cela fait partie d'un accroissement général de l'expression anti-arabe et anti-musulmane dans la culture américaine – à la fois l'instrumentalisation de la haine à des fins politiques et sa résonance effrayante avec les peurs populaires.

Les attaques anti-arabes ont lieu dans les accusations publiques émises sur FoxNews, et dans des vidéos sur YouTube, comme ce diaporama qui essaie d'expliquer qu'Obama est réellement aux 7/16es Arabe et donc qu'il se présente à tort comme Africain-Américain.

Voici le diaporama :

Will poursuit ses commentaires, en disant :

Bien que je puisse seulement deviner que diffamer l'Islam, les politiques arabes et les intellectuels respectés, et leur associer Obama, conduit à un alarmisme ethnocentrique, et à des crimes racistes, je pense qu'il est prudent de le supposer. Cela ressemble de façon effrayante aux genres d'hystérie qui ont causé une violence et une déstabilisation graves dans d'autres parties du monde. Alors que beaucoup espéreraient que ceci serait limité par l'Etat de droit dans l'Amérique moderne, en cas de crise économique prolongée, il ne fera pas bon vivre dans ce pays pour les étrangers et les minorités.

Ceci pourrait passer pour l'image en miroir de leur alarmisme, sauf que la conséquence logique de mon alarmisme, c'est la tolérance et le discours rationnel. La conséquence logique du leur, c'est une société d'exclusion ne tolérant pas la différence.

Comme l'explique l'article de Politico faisant l'objet du lien ci-dessus, ni les élites ni les médias n'ont abordé ces attaques, mais aussi longtemps que les arabes et les musulmans sont utilisés comme arme politique, les candidats doivent régler cela avant que les extrémistes xénophobes ne poussent la folie trop loin. La sécurité de millions d'arabes et de musulmans est à ce prix – l'ironie de l'histoire est que personne ne reconnaîtra ces crimes racistes pour ce qu'ils sont, du terrorisme. Et la rhétorique politique ne devrait pas alimenter cela.

Body on the line, de Palestine, exprime lui aussi sa colère devant ce diaporama et dit [5] :

Je n'ai pas besoin de répéter ce que le sheikh de fer a déjà éloquemment dit [4], mais il y a une nouvelle campagne de diffamation qui prend de l'ampleur dans le «klan» blanc, raciste et «neo-con». Si vous pouvez encaisser ce racisme obscène, avec l'aimable autorisation d'un soi-disant journaliste nommé Kenneth Lamb [6], je publie la vidéo ci-après. Mais en réalité, est-ce que nous n'avions pas arrêté d'essayer de quantifier combien de «sang» avait une personne depuis l'esclavage ? Ce type nous ramène vraiment à l'époque de la phrénologie. C'est inquiétant [de voir] à quel point le racisme flagrant relève la tête dans cette campagne, mais, à l'évidence, ce narrateur «journaliste» a un Q.I. plus bas que celui de Sarah Palin.

Le journaliste et blogueur Ray Hanania croit lui aussi [7] que rares seront ceux qui prendront la défense de la communauté arabe-américaine :

Lorsqu'une de ses sympathisantes s'est approchée du micro à une réunion présidentielle Républicaine et a traité le Démocrate Barack Obama d’ «arabe», John McCain lui a immédiatement repris le micro et a dit «Non, M'dame.» Et alors McCain a ajouté la phrase qui était en réalité plus blessante que l'accès de haine raciste de cette femme, quand il a, sans doute involontairement, voulu rappeler aux gens qu'Obama n'est pas un arabe, mais «un respectable père de famille.» Ce qui s'est passé cette semaine lors de cette manifestation à Philadelphie n'était pas un effort pour tempérer le racisme, mais plutôt une illustration des deux types de racisme existant en Amérique aujourd'hui, qui se manifestent dans la campagne électorale présidentielle et visent les Américains arabes, les Américains musulmans, les gens qui «ont l'air» moyen-oriental, et n'importe qui ne cadrant pas avec le profil du membre d'une minorité «acceptée».

Cette femme a exhibé un accès apparent de haine à l'état brut en traitant Obama d’ «arabe.» Elle ne l'a pas dit pour faire un commentaire pertinent dans une discussion quelconque, mais pour affirmer la «tache d'être arabe.»

La réponse de McCain n'était pas un exemple direct de racisme, mais une forme subtile de racisme. Ce qu'a fait McCain, c'est de prendre la défense d'Obama en considérant le commentaire de la femme comme une calomnie, et de réagir à la calomnie.

Ce que McCain n'a pas fait, c'est de dire «Il n'y a pas de mal à être un arabe.» Et voilà ce que lui et les autres Américains ne diront pas.

Je ne crois pas que McCain ait délibérément dit cela ainsi. C'était pobablement quelque chose qui s'est passé tellement vite qu'il n'a fait que réagir. Mais les répliques impromptues sont souvent le reflet du moi profond des individus. Votre manière de réagir avec vos tripes reflète probablement vos croyances parce que cela exige une réaction immédiate sans possibilité de réfléchir à ce que vous allez dire.

Pour davantages de perspectives sur la communauté arabe-américaine, voyez le billet d'Amira Al Hussaini, «Obama : le vote arabe-américain est-il entre ses mains ? [8]»