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Afrique du Sud : une nouvelle politique contre le SIDA ?

Catégories: Afrique du Sud, Médias citoyens, Politique, Santé, Sciences

rubans sud-africains contre le SIDAFin septembre 2008, Barbara Hogan a été nommée [1] [en anglais] comme nouvelle Ministre de la Santé par le Président par intérim de l'Afrique du Sud Kgalema Motlanthe, en remplacement de la très controversée Ministre précédente Manto Tshabalala-Msimang [2] [en anglais]. Les militants contre le SIDA, et beaucoup de jeunes Sud-Africains, espèrent que ce changement de personne marquera une rupture dans la politique du gouvernement sud-africain contre le VIH.

Barbara Hogan [3] [en anglais], une ancienne militante anti-apartheid, membre de longue date de l’ANC [4] (African National Congress), a été aussi Présidente de la Commission des finances de l'Assemblée Nationale. Depuis sa nomination comme Ministre de la Santé, elle a rompu avec la position du Gouvernement précédent sur le VIH et a souhaité faire de la lutte contre le SIDA [5] [en anglais] sa priorité. Ce changement a provoqué l'enthousiasme de beaucoup de Sud-Africains, qui espèrent que Barbara Hogan rendra le combat de l'Afrique du Sud contre le SIDA plus efficace, grâce à une politique prenant mieux en compte les connaissances scientifiques. Cette vidéo [6] [en anglais] montre des militants contre le SIDA accueillant dans la joie la nomination de la nouvelle ministre.

Par le passé, Barbara Hogan a publiquement critiqué [7] [en anglais] la politique de l'ancien Président Thabo Mbeki sur le VIH. Environ 5,7 millions de personnes vivent avec le VIH [8] [en anglais] en Afrique du Sud, et 350 000 personnes sont mortes du SIDA l'an dernier (presque mille morts par jour). Tshabalala-Msimang a été critiquée pour ne pas avoir apporté de réponse appropriée à un tel enjeu. L'ancienne Ministre de la Santé faisait en effet la promotion, comme traitement contre le VIH, de la betterave rouge, de l'ail, et d'autres plantes, ce qui lui a valu le surnom de “Docteur Betterave rouge”, et on l'a accusée [9] [en anglais] d'entretenir la confusion autour des médicaments anti-rétroviraux.

Stephen [10], sur le blog irreverence [en anglais], décrit Tshabalala-Msimang comme une plaie nationale et Hogan comme une lueur d'espoir.

Ciaran Parker [11], sur le blog Ciaran’s Peculier [en anglais], écrit à propos des vues peu orthodoxes de Tshabalala-Msimang :

Kgalema Motlanthe, tout en se déclarant pour la continuité politique, s'est débarrassé de quelques uns des ministres les plus controversés de Mbeki. Et tout d'abord de la Ministre de la Santé, Madame Manto Tshabalala-Msimang, la théoricienne en chef à l'origine de la politique de déni du SIDA de Mbeki. Le gouvernement Mbeki a refusé d'accepter le rôle du virus VIH dans la propagation du SIDA, et sa Ministre de la Santé a déclaré que les médicaments anti-rétroviraux, qui ont démontré leur efficacité pour freiner la maladie, étaient trop chers… Les professionnels travaillant dans les services de santé sud-africains, qui ont publiquement manifesté leur désaccord avec les étranges théories de la ministre, ont eu des ennuis.

Le 13 octobre 2008, lors de l'ouverture de la Conférence Internationale pour un Vaccin contre le SIDA [12] [en anglais], au Cap, Barbara Hogan a publiquement déclaré [13] [en anglais] que le VIH est vraiment la cause du SIDA et qu'il devait être traité par la médecine conventionnelle. Elle a aussi déclaré que le Gouvernement était engagé dans une augmentation des programmes de prévention de la contamination de la mère à l'enfant (thérapies qui empêchent les mères enceintes porteuses du VIH de le transmettre à l'enfant qu'elles portent), et qu'on a absolument besoin d'un vaccin efficace contre le VIH.

Des scientifiques, des militants, et beaucoup de blogueurs ont manifesté leur soulagement et leur enthousiasme à la suite du discours de Barbara Hogan. Haley [14] [en anglais], sur le blog adventures as an ambassadorial scholar, écrit :

La plupart des gens avec qui j'en parle trouvent surprenant que des membres d'un gouvernement démocratiquement élu, dans le monde d'aujourd'hui, puissent rejeter des idées telles que… disons… que le VIH est la cause du SIDA. Et pourtant, comme c'est triste, c'était le cas en Afrique du Sud… mais plus maintenant, mes amis, plus maintenant.

Ray Hartley, sur le blog du journal The Times [15], ajoute [en anglais] :

“Nous savons que le VIH provoque le SIDA.”

Par ces mots, la Ministre de la Santé, Barbara Hogan, a mis fin à une honteuse décennie de négation de la maladie qui a coûté à l'Afrique du Sud un grand nombre de vies et a obligé les porteurs du virus à vivre cachés.

Il est difficile de chiffrer le nombre de personnes touchées par la politique précédente envers le SIDA, mais la Campagne pour le Traitement (TAC : Treatment Action Campaign) a déclaré [7] [en anglais] que plus de deux millions de Sud-Africains sont morts du SIDA pendant le mandat présidentiel de Mbeki et qu'au moins 300 000 morts auraient pu être évitées s'il avait respecté ses obligations constitutionnelles. Certains blogueurs affirment que Mbeki et Tshabalala-Msimang ont des morts sur la conscience. Soneka Kamuhuza [16], sur le blog Things That Make You Go Mmmh! [en anglais], critique surtout Mbeki :

Leur apathie intellectuelle [celle de Mbeki et de Tshabalala-Msimang], leur myopie orientée et leur manque général de sincérité ont dangereusement contribué à la propagation de l'épidémie. Promouvant des approches holistiques, qui utilisées de façon singulière ne pouvaient être un traitement effectif du virus, ils ont assommé leur propre nation de leur ignorance fortifiée et unifiée. On estime à présent que l'Afrique du Sud a le nombre de séropositifs le plus important du monde. D'une façon ou d'une autre, j'y vois la main de Mbeki… Dans un pays riche de ses ressources naturelles, il a floué sa plus grande richesse, le peuple, en le privant d'une opportunité de prendre un bon départ dans la lutte contre le SIDA.

Beaucoup espérent que Barbara Hogan rattrapera une partie de ces dégâts. Sur le blog peripheries, un article souligne [17] [en anglais] que beaucoup de gens veulent que la période de négation politique du SIDA en Afrique du Sud soit terminée. Cependant, certains restent prudents. BillyC [18], sur le blog du journal The Times, écrit [18] [en anglais] :

Barbara Hogan devra déplacer des montagnes pour réparer les dégâts quasi irréversibles subis par le système de santé sous la direction de Manto. Les compétences des personnels, leur moral comme leur niveau, de même qu'un changement total d'orientation dans les politiques de santé et la législation, tout doit être entrepris. De plus la promotion de la médecine vaudou et la démonisation de la science occidentale sont maintenant profondément incrustées dans la psyché nationale. Cela prendra des années d'un travail dur, courageux et consciencieux pour que nous ayons à nouveau un système de santé respecté et efficace. On ne peut que souhaiter bon courage à Barbara Hogan. Elle en aura besoin.

Photo de rubans sud-africains contre le SIDA [19] de mvcorks [20] sur Flickr.