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Singapour : L'impact de la récession

Catégories: Singapour, Economie et entreprises, Gouvernance, Manifestations, Relations internationales

Singapour est un centre financier d'importance mondiale. C'est aussi un des états les plus riches d'Asie. Malheureusement pour lui, il n'est pas à l'abri de l'onde de choc économique provoquée par l'effondrement de Wall Street et par la crise financière mondiale. L'économie de Singapour, le premier état touché par la crise en Asie [1] [en anglais], est à présent déprimée.

Sur son blog, Tan Kin Lian [2] [en anglais] liste les conséquences de la récession :

a) Les banques réduisent leurs prêts
b) Les entreprises n'ont plus assez de capitaux pour fonctionner
c) Les consommateurs réduisent leurs dépenses
d) Les entreprises ne peuvent plus couvrir leurs coûts d'exploitation
e) Elles réduisent leurs bureaux, magasins et usines en licenciant des employés
f) Ils n'arrivent pas à payer leur loyer, donc les propriétaires les expulsent (mais ils ne trouvent pas de nouveaux locataires)

Avec un point de vue plus profane, Simply Jean [3] [en anglais] ajoute :

…moins d'exportations signifie que plus de marchandises vont s'entasser à Singapour. Trop de stocks de marchandises, trop longtemps, signifie que les entreprises essaieront de réduire leur volume d'exportations, ce qui peut conduire à des licenciements parmi le personnel dont elles n'auront plus besoin. Les licenciements signifient une hausse du taux de chômage. Ce qui à son tour affectera le pouvoir d'achat des foyers touchés par le chômage, c'est-à-dire que les gens dépenseront moins. Ce qui veut dire qu'il y aura moins de débouchés pour les entreprises, ce qui signifie qu'elles devront se battre pour ne pas couler et qu'elles devront donc licencier plus de personnel pour survivre. Finalement, tout le monde sera licencié et toutes les entreprises fermeront car plus personne ne consommera.

La récession va à l'encontre de la réputation de Singapour d'être un refuge [4] [en anglais] pour les investisseurs du monde entier. Ces dernières semaines, les fondamentaux de l'économie de Singapour se sont révélés fragiles : l’inflation [5] [en anglais] s'est aggravée et les écarts de revenus [6] [en anglais] ont augmenté. Les licenciements toucheront en premier les travailleurs immigrés [7] [en anglais].

Pour rassurer la population, le Gouvernement a annoncé qu'il garantira les dépôts bancaires [8] [en anglais]. C'est une bonne nouvelle. Mais certains demandent au Gouvernement de faire plus. Par exemple, DK [9] [en anglais] voudrait revoir à la baisse les salaires des ministres singapouriens, qui sont réputés être parmi les plus élevés du monde.

De façon un peu curieuse, des banquiers d'affaires de Londres arrivent nombreux à Singapour. Mr Wang Says So [10] [en anglais] a interrogé l'un d'entre eux :

Durant la période faste, les entreprises financières de Singapour et de Hong-Kong avaient du mal à recruter des professionnels de la finance. Comme ils étaient rares sur le marché, leurs salaires étaient très élevés (y compris le mien). Mais maintenant un grand nombre de professionnels de la finance très qualifiés ont été licenciés à Londres, New York et ailleurs et le marché du travail est inondé.

Beaucoup d'entre eux voudront s'installer en Asie. Je pense que les salaires moyens diminueront. Ils ont d'ailleurs probablement commençé à diminuer.

Des manifestations d'épargnants

Beaucoup de Singapouriens, et parmi eux des personnes âgées, ont acheté des produits financiers structurés [11] [en anglais] (émis ou s'appuyant sur ceux émis par la banque d'affaires Lehman Brothers, qui s'est déclarée en faillite le 15 septembre 2008) ces dernières années. Ces épargnants ont perdu beaucoup d'argent à la suite de l'effondrement financier de la fin 2008. Ils manifestent à présent dans les rues. Ils veulent que le Gouvernement enquête sur les banques de Singapour qui ont vendu ces produits d'épargne en n'informant pas correctement leurs clients [12] [en anglais].

Les autorités enquêtent [13] [en anglais] en ce moment sur ces banques et leurs conseillers financiers [14] [en anglais]. Anonymous_X fait ce commentaire :

On va voir combien de temps l'enquête va durer. En attendant, je plains sincèrement les personnes âgées qui ont été (mal) conseillées et qui ont placé les économies de toute leur vie dans des produits d'épargne aussi pourris.

Il a été confirmé que l'Autorité Monétaire de Singapour est “en train de vérifier les allégations de comportements inappropriés lors de la vente de produits financiers liés à la banque d'affaires américaine en faillite Lehman Brothers et à d'autres établissements”.

Il a aussi été dit qu'elle allait être particulièrement attentive aux cas de ventes abusives [15] [en anglais] aux clients “vulnérables”, à savoir les personnes âgées et les clients qui ont un faible niveau d'instruction.

The Online Citizen [16] [en anglais] a interrogé certains des épargnants qui ont manifesté :

“Nous ne savions pas que notre argent allait à des banques d'affaires”, nous déclare un homme, la cinquantaine. “Nous avons toujours cru que c'était comme des dépôts à terme, très sûrs, mais avec un taux d'intérêt élevé. Les banquiers ne nous ont jamais dit que nous pouvions nous retrouver à perdre autant, comme maintenant”.

“Je n'ai pas perdu d'argent avec ça, mais je connais des gens qui ont perdu toutes leurs économies, des centaines de mille”. C'était une opinion répétée sur toute la place, ainsi que les scènes de retraités, de trentenaires et de Singapouriens d'âge mûr éclatant en sanglots et implorant de l'aide.

“Nous avons passé toute notre vie à bâtir ce pays à partir de zéro”, dit un autre homme. “Nous avons travaillé pendant trente, quarante ans, et nous avons économisé et placé notre argent à la banque. Plus de cent mille dollars, pendant toutes ces décennies. Ils sont alors devenus avides, et ils ont décidé d'investir toutes nos économies dans des sociétés comme Lehman Brothers. Et maintenant, c'est nous qui devons payer, parce qu'on ne fait rien pour nous. Nous avons travaillé toute notre vie pour ce pays, et maintenant notre argent s'est envolé”.

Modern burrow [17] [en anglais] pense que le Gouvernement ne devrait pas garantir les placements :

La question fondamentale qui se pose est : “est-ce que quelqu'un doit être responsable de la perte de ces placements ? Le Gouvernement ? Les banques ? Les épargnants eux-mêmes ?

Je suis partisan de dire que ce sont les épargnants qui doivent supporter la responsabilité de leurs choix. Néanmoins il y a un doute sur le fait qu'on les ait avertis ou pas de ce qu'ils achetaient précisément. Dans ce cas je pense que les banques doivent répondre devant les tribunaux. Puisque c'est la lettre des contrats qui permet d'indemniser les banques, peut-être que les épargnants peuvent avoir recours pour les poursuivre à la Loi sur la Rédaction Trompeuse des Contrats.

Je ne pense pas que le Gouvernement doive garantir aucune de leurs pertes. Les placements ne doivent pas être garantis. Les comptes épargne, les comptes courants et les comptes à terme doivent être garantis jusqu'à un certain montant, mais pas les placements. Investir, c'est comme parier.

Hard Hitting in the Lion City [18] [en anglais] rappelle les risques que l'on prend lorsqu'on investit :

C'est très triste et malheureux pour les épargnants dont l'argent s'est évaporé, mais nous devons accepter qu'il y ait toujours une part de risque dans tout investissement. Un mois avant sa faillite, qui aurait dit que Lehman Brothers allait disparaître ?

Singapore Election Watch [19] [en anglais] souligne que l'argent public ne devrait pas être employé pour éponger les pertes des “boursicoteurs” :

L'argent public ne devrait pas être employé pour renflouer les boursicoteurs malheureux, de même que l'argent public ne doit pas être détourné pour renflouer les joueurs de casino malheureux. Même au nom du sauvetage de l'économie. Les contribuables qui n'ont pas pris part à ces paris boursiers se retrouvent sans rien gagner, et de même ne devraient pas perdre quoi que ce soit à cause de ces perdants attirés par l'appât du gain. Plus vous sauverez ces perdants, plus il oseront prendre des risques sur le dos du contribuable, et moins ils auront appris de cette crise”.

Simply Jean [20] [en anglais] approuve ce point de vue :

Je ne pense pas que les épargnants, surtout les plus âgés, méritent ce qu'il leur arrive. Mais si l'administration financière se mêle des demandes d'indemnisation, je pense que cela créera un précédent qui ne sera bon pour personne. La prochaine fois que des épargnants perdront de l'argent, la même chose se reproduira et ils demanderont des indemnités en se déclarant ignorants des risques.