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Madagascar : Se vendre comme mariée, amère réalité de la misère

Catégories: Madagascar, Cyber-activisme, Développement, Economie et entreprises, Ethnicité et racisme, Femmes et genre, Jeunesse, Médias citoyens

En tant que citoyen et journaliste malgache, j'essaie souvent de souligner les progrès économiques et sociaux accomplis par Madagascar. Je crois en effet qu'on ne porte pas assez attention aux efforts et à la créativité dont font preuve les citoyens malgaches qui travaillent à améliorer les conditions de vie dans leur pays.

Cependant, conserver un regard positif est parfois impossible devant la dureté de la situation économique. Ces derniers temps, les blogueurs malgaches ne pouvaient pas ne pas discuter de la dure réalité de la pauvreté endémique qui touche la grande majorité de la population de l'île. Voici quelques exemples illustrant de quelle façon la pauvreté accule les gens à prendre des décisions graves.

Patricia, [1] dont le blog Pati et toi participe au projet de média citoyen Foko [2], et qui a eu également l'occasion de représenter ce projet et son pays lors de la Journée de l'Interdépendance [3], à Bruxelles (10-12 septembre 2008), rapporte sur son blog des cas de jeunes filles qui sont mises en vente par leurs parents (sic) :

Cette histoire n’est qu’une parmi les cas identiques qui se présentent dans l’île.

Pour certains, les parents et la jeune fille se mettent d’accord pour [sur] la personne qui va acheter la jeune fille et pour [sur] la somme ou le cadeau en échange. Il faut préciser que la personne qui achète n’est pas forcément un étranger mais c’est seulement ce qui se présente dans la plupart des cas. Pour d’autres, cela se présente sous forme d’ordre, les parents ordonnent et la jeune fille obéit!
Le dernier cas qui a été publié est celui d’une jeune mineure de 15 ans qui a été offerte à un étranger pour 200.000 Ariary [une centaine d'euros]. Il lui a même promis le mariage, mais après avoir été avec elle une nuit et l’avoir déviergée [déflorée], il lui [l’]a remise entre les mains de son père.

brides for sale

(crédit photographique : Hebdo de Madagascar [4] et Foko [5] )

News2dago [6] [en malgache] confirme que le rêve d'épouser un étranger se répand rapidement :

Tonga eto Madagasikara ireo mpanera vazaha ka nampiantso ireo malagasy te hanambady vazaha. Gaga fotsiny aho nahita ity tantitra an-gazety fa mahery ny 4.000 izy ireo no milingilingy te hanambady vazaha. Ary voalaza fa arahan-dranomaso mihitsy oe ireo izay tsy lany. Indrisy tokoa fa dia hitomanina ankehitriny ny hanambady vazaha.

De nombreuses “agences matrimoniales” viennent à Madagascar chercher des femmes voulant épouser des étrangers. J'ai été étonné d'apprendre que plus de 4 000 femmes étaient prêtes à se lancer. On a rapporté que beaucoup pleuraient parce qu'elles n'avaient pas été choisies. C'est vraiment triste quand une femme en arrive à implorer un étranger de l'emmener.

Il y a eu beaucoup de réactions dans les commentaires de cet article. Tritriva note qu'il n'y a pas que les femmes qui cherchent à épouser un étranger. Sylvie pense qu'épouser un étranger n'est pas une mauvaise chose, mais qu'il faut être sûre qu'il n'a pas d'enfants d'un précédent mariage, parce qu'ils ne respecteront jamais leur belle-mère, et que le mari soutiendra toujours ses enfants. Maintikely ajoute qu'on ne devrait pas juger trop rapidement et qu'on devrait respecter les choix des femmes. Elle prévient ces femmes que la vie à l'étranger n'est peut être pas aussi idéale qu'elles l'imaginent.

Lomelle [7], qui blogue sur Foko [8] depuis Majunga [9], a été témoin d'un autre aspect pénible de la pauvreté :

On avait été contactés pour faire un reportage à Andralanitra. Rondro et moi y sommes allés sans trop savoir ce qui nous attendait sur place. Tout ce qu’on savait c’est que c’était un reportage sur les ordures […] Un camion à ordure roulait devant notre voiture au moment où on s’est rapproché de l’endroit. Arrivé à sa destination, il a renversé toutes les ordures et à ce moment là une […] trentaine de personnes se sont ruées sur les ordures […] Ecœurement, c’est le seul mot qui puisse définir ce que j’ai ressenti à ce moment là. Ecœurement pour toutes ces personnes qui n’ont que les ordures pour vivre […] Ecoeurement pour l’attitude répulsive que j’avais adopté à ce moment là. Je me suis crue être une fille ouverte d’esprit, n’ayant ni préjugé, ni jugement. Pourtant devant ce spectacle je n’avais qu’une seule envie, me tirer de là et me détacher de ces gens.

Micramia [10] a un point de vue différent sur le problème de la pauvreté et de sa perception, en expliquant qu'il ne s'agit pas d'une maladie incurable :

Si vous arrivez encore à manger normalement chaque jour, vous n’êtes pas pauvre. Mais la pauvreté est curable. À mon avis la pauvreté est en faite due au manque d’intelligence. Seuls les gens qui n’utilisent pas leur coco n’arrivent pas aller loin. Ils sont pauvres intellectuellement et si on n’a rien dans la tête, comment avoir de l’argent pour acheter de quoi manger […] La solution c’est de se cultiver, augmenter ses connaissances.