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Arménie-Azerbaïdjan : Des journalistes en danger

Catégories: Arménie, Azerbaïdjan, Droits humains, Liberté d'expression, Média et journalisme

Battus en Arménie, emprisonnés en Azerbaïdjan, les journalistes du sud Caucase, dans l'ex-Union Soviétique connaissent le prix de la liberté d'expression ! Certains d'entre eux combattent même depuis leurs cellules de prison la persécution d'état dont ils sont l'objet, et l'intolérance sociale envers les opinions divergentes.

Les blogueurs chroniquent l'histoire contemporaine de la liberté d'expression dans le sud du Caucase.

Mark Grigorian, un journaliste arménien en exil, tient son blog depuis l'Angleterre. Il relate en russe, l'agression du 17 novembre dernier [1] dont a été victime Edik Baghdasaryan, un journaliste d'investigation arménien très connu.

Только что узнал: в Ереване трое неизвестных напали на журналиста Эдика Багдасаряна.
[…]
Эдик не боится говорить правду. Он говорит ее, открыто, спокойно, глядя собеседнику в глаза, подтверждая свои слова документами и фактами. Представляю, как это может раздражать. Но и рад, что в Армении есть такой журналист.

Дай Бог, чтобы это нападение не испугало его.

И дай Бог, чтобы ничего серьезного с ним не было, и он поскорее выздоровел.

Я очень высоко ценю цикл статей Эдика о трафикинге. Это было несколько лет назад. Группа журналистов под его руководством смогла проследить, как девушек из Армении отправляют в Дубаи, где они занимаются проституцией. Эдик прошел всю дорогу, начиная от сутенеров в Армении, потом через перевалочные пункты, где девушек снабжали фальшивыми паспортами, и до Дубаи, где они “работали”.

Nous venons juste d'apprendre que trois [hommes] inconnus ont attaqués le journaliste Edik Baghdasaryan dans la capitale arménienne Yerevan.

Edik n'a pas peur de dire la vérité. Il la dit ouvertement, calmement, en vous regardant dans les yeux et en prouvant ses dires par des documents et des faits. J'imagine comme cela peut déranger [certaines personnes]. Mais je suis également heureux qu'il y ait un tel journaliste en Arménie.

Prions pour que cette agression ne l'ait pas trop effrayé.

Et prions pour qu'il ne lui arrive rien de grave et qu'il récupère vite.
J'accorde beaucoup de valeur à la série d'articles qu'Edik a écrit sur le trafic humain. C'était il y a quelques années. Un groupe de journalistes sous sa direction a pu observer comment des filles d'Arménie étaient envoyées à Dubaï, où elles travaillaient comme prostituées. Edik a suivi toute la filière, depuis les souteneurs en Arménie, en passant par les points de transfert où les filles étaient convoyées avec de faux papier jusqu'à Dubaï où elles « travaillaient ».

Un autre blogueur, gago-berlin, témoigne également de son admiration pour le travail d'Edik. Ecrivant en arménien (avec un clavier en alphabet romain), le blogueur compare le journaliste a un héros de la guerre, tué lors du conflit du Nagorno Karabakh. [2]

yes &anachm em Baghdasaryanin miayn ir site-ic u nyuteric, inq[ mec gorc a anum, inq[ mec mard a, yerevi qajutyamb kareli a iren hamematel Monte Melkoniani het…
Je connais Baghdasaryan seulement par le contenu de son site Internet. Il fait du bon travail. C'est un grand homme. On peut peut-être le comparer à Monte Melkonian [volontaire lors de la guerre au Karabakh] pour son courage.

Le blog Unzipped  a mis en ligne une vidéo de YouTube [3] [en anglais] montrant Edik Baghdasaryan en train de recevoir les premiers soins après l'agression, pendant que son ancien collègue Ara Manoogian de Martuni or Bust relate l'agression [4] [en anglais] de « son ami de longue date » en mettant en ligne plusieurs articles dénonçant l'agression.

Un autre blogueur, né aux Etats-Unis, et qui écrit d'Arménie, Christian Garbis de Notes from Hairenik, commente également [5] [en anglais]:

Edik, qui est originaire de Shushi, est sans doute le journaliste d'investigation le plus respecté en Arménie aujourd'hui. Ses articles, audacieux et pleins d'énergie, exposent de manière criante et dans le moindre détail la corruption présente au cœur du gouvernement arménien. Il cite souvent des montants, tirés des bilans comptables ennuyeux, publiés par des sociétés connues pour appartenir à des ministres ayant des liens avec la mafia.
Les reporters [qui travaillent avec lui] ont aussi beaucoup écrit sur les difficultés rencontrés par des milliers de personnes vivant dans les zones rurales du pays, difficultés dues à une mauvaise gestion de l'administration et à la corruption des fonctionnaires locaux qui détournent les fonds publics. […]

[…]

Edik est tellement révéré dans la société arménienne que même le bureau présidentiel a publié un communiqué condamnant l'attaque dont il a été victime. Le premier ministre Tigran Sarkisian a rendu visite à Edik à l'hôpital et a également fait part de ses inquiétudes à la presse, en faisant le serment de capturer les assaillants.
[…] Ces attaques se perpétuent depuis des années, principalement contre les reporters qui tentent de mettre en lumière les racines de la corruption au niveau gouvernemental. C'est scandaleux et totalement inacceptable que ces attaques continuent..

Alors que cette agression en Arménie a largement déclenché la colère et l'inquiétude, les blogs sont presque silencieux sur la persécution permanente dont sont victimes les journalistes en Azerbaïdjan. Sur mon blog personnel my Blogian, je résume les articles des sites Internet azéris publiés en langue russe [6] [en anglais].

Alors que la chaîne de télévision publique AzTV annonce qu'elle va arrêter de diffuser Voice of America , un tribunal azeri a condamné Ali Hasanov, éditeur du journal Ideal à 6 mois de prison. D'après Day-az (en russe), Hasanov a été assigné à comparaître suite à la plainte déposée par l'Union de la Presse d'Azerbaïdjan contre Ideal. Il a été menotté lors de son audition du 14 novembre et mis derrière les barreaux.

L'avocat d'un autre journaliste azéri emprisonné déclare que les autorités ne lui laisse pas rendre visite à son client Ganimat Zahidov, l'éditeur en chef d’Azadliq.

Malgré cette vague d'atteintes à la liberté de la presse, certains journalistes azéris emprisonnés utilisent tous les moyens légaux pour se défendre. D'après la Fondation azéri pour la liberté d'expression, Eynulla Fatullayev poursuit en justice le ministre azéri des affaires étrangères pour ne pas lui avoir fourni une liste de prétendus étrangers, cités comme témoins de l'accusation dans l'affaire qui a valu au journaliste 8 ans de prison. Ces étrangers sont supposés avoir protesté contre un article que Fatullayev avait écrit en prison (alors qu'il purgeait une autre peine), où il parlait des raids peut-être menés par les Etats-Unis contre l'Iran, depuis l'Azerbaïdjan.

Les journalistes azéris ne semblent pas prêts d'abandonner leur combat. D'après un communiqué en langue azérie, un nouveau journal d'information – Ayan – doit être lancé très prochainement en Azerbaïdjan..

Cependant, le Blog sur l'élection présidentielle en Azerbaïdjan se demande si la récente réélection du président azéri Ilham Aliyev va s'accompagner d'une nouvelle vague de restrictions pour les médias [7] [en anglais].

Ce qui amène également à se poser la question de savoir si l'Azerbaïdjan va perdre davantage de droits avec le second mandat d'Aliyev et si le régime va devenir encore plus autoritaire.
Je prévois une mobilisation soudaine de l'opposition, qui surprendra le gouvernement. Si cela arrive, il y aura une répression sévère de la part du gouvernement, qui donnera encore plus de pouvoir à Aliyev..