Une réunion de blogueurs de Cuba, prévue le 6 décembre 2008, risque d'être annulée à cause de l'opposition des autorités. Cette rencontre, prévue depuis plusieurs mois, et devant réunir 25 participants, est qualifiée par celles-ci de “contre-révolutionnaire”. C'est du moins ce que rapporte la célèbre blogueuse (qui a remporté la récompense de Best of Blog) Yoani Sánchez [en anglais], qui tient le blog Generación Y [en espagnol], à la suite de la conversation qu'elle a eu récemment avec des agents du Ministère de l'Intérieur cubain.
Yoani Sánchez a reçu une convocation au commissariat de police, qu'elle a photographiée et publiée sur son blog [en espagnol], pour le 3 décembre 2008. Elle a rendu compte le jour-même [en espagnol] sur son blog de ce que les agents du Ministère de l'Intérieur lui ont dit lors de cette convocation :
El encuentro es breve y el tono enérgico. Somos tres en la oficina y el que lleva la voz cantante se ha presentado como el agente Roque. A mi lado, otro más joven, me observa y dice que se llama Camilo. Ambos me anuncian que pertenecen al Ministerio del Interior. No están interesados en escuchar, hay un guión escrito sobre la mesa y nada que yo haga los distraerá. Son profesionales de la intimidación.
El tema me lo esperaba: estamos cerca de la fecha para el encuentro de blogger que, sin secretismo ni publicidad, hemos estado organizando desde medio año y ellos me anuncian que tenemos que suspenderlo. Media hora después, cuando ya estábamos lejos de los uniformes y de las fotos de líderes en las paredes, reconstruimos aproximadamente sus palabras:
“Queremos advertirle que usted ha transgredido todos los límites de tolerancia con su acercamiento y contacto con elementos de la contrarrevolución.Eso la descalifica totalmente para dialogar con las autoridades cubanas.
La actividad prevista para los próximos días no puede ser realizada.
Nosotros, por nuestra parte, tomaremos todas las medidas y haremos las denuncias pertinentes y las acciones necesarias. Esta actividad, en los momentos que vive la Nación, de recuperación de dos huracanes, no será permitida.”
La rencontre est brève et le ton énergique. Nous sommes trois personnes dans le bureau, et celui qui a la voix d'un chanteur se présente comme l'agent Roque. À côté de moi, l'autre agent, plus jeune, m'observe et dit qu'il s'appelle Camilo. Ils me disent qu'ils appartiennent au Ministère de l'Intérieur. Ils ne sont pas là pour m'écouter, ils ont des notes écrites sur leur table et rien de ce que je ferai ne les détournera de leur tâche. Ce sont des professionnels de l'intimidation.
Je m'attendais au sujet de cet entretien : nous approchons de la date pour la rencontre entre blogueurs que nous organisons depuis six mois, sans secret ni publicité, et ils me disent que nous devons l'annuler. Une demi-heure après, alors que nous [Yoani et son mari] étions loin des uniformes et des photos des leaders accrochées aux murs, nous nous sommes efforcés de nous rappeler de leurs paroles
“Nous voulons vous avertir que vous avez dépassé toutes les limites de la tolérance en vous rapprochant et en contactant des éléments de la contre-révolution. Ceci vous disqualifie complètement pour dialoguer avec les autorités cubaines.
La rencontre prévue les prochains jours ne peut pas avoir lieu.
Nous prendrons de notre côté toutes les mesures, et nous entreprendrons toutes les actions et poursuites nécessaires. Cette rencontre, dans la période que vit la Nation, à la suite de deux cyclones, ne sera pas autorisée.”
Yoani Sánchez n'a pas été la seule blogueuse convoquée par les autorités. Claudia Cadelo, qui écrit [en espagnol] sur Octavo Cerco, a également reçu une visite inattendue de la police, lui apportant une convocation au commissariat, elle aussi pour le 3 décembre 2008. Elle a écrit à ce sujet un billet intitulé “Moi aussi”, avec la photo de sa convocation :
Con Reinaldo Escobar en el teléfono, aún sin conexión, y enterándome por él de todo lo ocurrido, no tuve tiempo a expresar mi frustración ante la anulación de nuestro primer encuentro de bloggers, pues en ese mismo momento un policía tocó a mi puerta para entregarme mi respectiva citación:
Presentarse mañana en la estación de policía de Zapata y C a las 2 pm.
Avec Reinaldo Escobar [le mari de Yoani Sánchez] au téléphone, toujours sans connexion, et m'informant de tout ce qui s'était passé, je n'ai pas eu le temps d'exprimer ma déception pour l'annulation de notre première rencontre entre blogueurs, car à ce moment précis un policier a frappé à ma porte pour me remettre ma convocation :
Présentez-vous demain au commissariat de Zapata et C à 14 heures.
Dans son billet, Claudia Cadelo a aussi publié une photo d'elle, souriante, arborant sa convocation d'une main, faisant le V de la victoire de l'autre, avec à l'arrière-plan une banderole proclamant ironiquement “J'aime le Ministère de l'Intérieur”. Cette photo a attiré l'attention de Enrisco del Risco, qui voit elle un signe que “les temps changent” [en espagnol] :
La sonrisa y el orgullo con que enarbola un papel que cada vez da menos miedo. El desafío y la complicidad. Y ese cartel al fondo que lo dice todo diciendo lo contrario con una gracia reservada para cosas menos serias. Los tiempos cambian porque ella sabe que no está sola, que ahora mismo mirando esa foto –con un punto de angustia, es cierto- estamos todos nosotros.
Son sourire et la fierté avec laquelle elle arbore une convocation qui fait de moins en moins peur. Le défi et la complicité. Et cette banderole à l'arrière-plan qui dit une chose tout en disant son contraire avec un humour réservé aux choses moins sérieuses. Les temps changent parce qu'elle sait qu'elle n'est pas seule, et qu'à cette heure il y a nous autres qui regardons, avec un peu d'angoisse, cette photo.
Malgré les avertissements des autorités, Yoani Sánchez affirme que la rencontre des blogueurs se tiendra comme prévu. Dans une dépêche AFP du 4 décembre 2008 [en espagnol] Yoani Sánchez déclare que ce type de tactique d'intimidations de la part des autorités cubaines ne fait que donner plus de publicité et attirer plus d'audience pour son blog. Elle ajoute que ces convocations sont abusives, puisque la réunion prévue n'est pas politique, et que son but est d'échanger et d'apprendre expériences et connaissances techniques.