De jeunes blogueurs égyptiens éclairés s'expriment sur la société égyptienne : son code de la sexualité, son racisme, sa bigoterie et sa soif de scandales. Ils tentent ainsi de faire de l'Egypte un endroit où la vie serait meilleure
An Egyptian Citizen [en arabe] se demande où va le pays :
بجد مش تهريج البلد دي رايحة على فين انا مش هتكلم عن سوزان تميم ولا عن مقتل ابنة ليلى غفران انا هتكلم عن العنف الي بقى موجود في المجتمع اية دة و كمان اخلاقيات الناس اتغيرت و معدتش فية احترام لا لقناون ولا الانسان … الناس الي بتعلق في المواقع الاخبارية بقى عندهم حقد طبقى في المجتمع و الفقراء في مصر بيجمعو كل الاغنياء على انهم حرامية و انتهازين و خونة و بيحللو ان واحد يسرق. دة غير اية العنف الي موجود في المدارس اكتر من جريمة في مدارس في خلال شهر بين ضرب و قتل هو احنا بقينا في غابة ولا اية الواحد كمان مبقاش يمشي في الشارع امن احسن يخاف حد يطلع علية و يسبتة بمطوة و لما يروح يشتكي في القسم مش بعيد الشرطة تلفقلة تهمة ولا تعذبة دة غير ان الناس خلاص مش مستحملين بعض و ماسكين على التاني كلمة او غلطة و دة باين في اشارة المرور اوي و حتى الناس المتطرفين ماسكين على اي واحد كلمة و يقلبوها لطائفية و اعمال عنف و يحللو اراقة الدم و بيستغلو المظاهر و بيحكمو على الناس بالمظهر الديني بجد الواحد مبقاش عارف البلد دي رايحة على فين و مين المسئول عن الكلام دة كلة اكيد مش الحكومة وحدها و الشعب بردو مسئوول
Je ne plaisante pas ; je demande vraiment où va ce pays ? Je ne parlerai pas des meurtres de la chanteuse Suzanne Tamim ou de la fille de la chanteuse Laila Ghofran. Je veux parler des agressions en augmentation constante. La moralité des gens a changé, car à présent on ne respecte plus ni la loi ni les êtres humains… Ceux qui laissent des commentaires sur les sites d'information ont révélé une rancune à vie contre les couches sociales les plus riches de notre société. Les pauvres sont d'accord à l'unanimité que les riches sont des voleurs et qu'ils méritent d'être agressés. Ajoutez à cela que la violence dans les écoles le mois dernier s'échelonnent du passage à tabac au meurtre. Vivons-nous dans la jungle ? On a peur d'être braqué dans la rue. On a peur de déclarer un incident à la police par peur plus grande d'être impliqué dans un crime qu'on n'a pas commis. Regardez votre voisin au feu rouge, et vous le verrez chercher la bagarre… Nous avons perdu notre tolérance. Nous ne savons plus où nous allons et qui en est responsable – le gouvernement n'est certainement pas seul en cause – les gens sont également responsables.
Lobna Khairy , de son côté, tente de définir le code égyptien de la sexualité en écrivant (en anglais) :
Dans presque tous les pays il existe 2 tabous : la politique et la religion. Mais en Egypte et dans certains pays arabes, il ne nous en faut pas moins de 3 : la politique, la religion et le sexe !
N°1 : Le déni de la pornographie : les parents refusent de croire que leurs enfants font leur éducation sexuelle par le porno
N°2 : Les hommes : les hommes convenables qui n'ont pas d'expérience antérieure ne peuvent satisfaire une femme
N°3 : Les femmes : les femmes convenables qui savent comment on fait un bébé ne sont pas convenables
N°4 : Un besoin uniquement masculin : les femmes n'ont pas de besoins sexuels
N°5 : Il faut l'exploiter : pour le garder
Etant donné que le sexe est la seule chose qui leur occupe l'esprit, et donc si voulez garder votre homme, vous feriez de mieux de satisfaire à l'excès ses appétits physiques, sinon il va courir les rues à la recherche d'autres femmes qui en seront capables ! N'est-ce pas dégradant à la fois pour les hommes et les femmes ?
Mona Eltahawi révèle un autre secret du monde arabe, avec un témoignage sur le racisme ordinaire (en anglais) :
Je rentrais chez moi par le métro du Caire, perdue dans mes pensées en écoutant de la musique, quand j'ai remarqué une jeune Egyptienne qui raillait une jeune fille soudanaise. Elle a tendu le bras et essayé d'agripper le nez et la bouche de la fille, et elle a ri quand la jeune fille a essayé d'écarter sa main.
La jeune Soudanaise semblait être une Dinka, du sud du Soudan, et non une Soudanaise du Nord, qui «est comme nous». Elle avait le type Africain noir et était à l'évidence bouleversée.
J'ai enlevé mes écouteurs et j'ai demandé à la femme égyptienne pourquoi elle la traitait ainsi.
Elle a explosé en une tornade de hurlements, exigeant de savoir en quoi ça me regardait. Je lui ai dit que ça me concernait, parce qu'en tant qu'Egyptienne et musulmane dans le métro, son comportement était inapproprié, et que je ne pouvais pas garder le silence là-dessus. Je savais qu'elle était musulmane parce qu'elle portait un foulard.
Je lui ai dit que la façon dont elle traitait la jeune Soudanaise ôtait toute signification au foulard sur sa tête. Sa mère m'a demandé pourquoi je ne couvrais pas mes cheveux et j'ai répliqué que je ne voulais pas être une hypocrite comme elle et sa fille.
Autant j'avais trouvé désolant le comportement de cette jeune femme, autant j'ai été encore plus attristée que les autres femmes dans le wagon du métro aient regardé passivement et n'aient rien dit. Elles n'ont fait aucune tentative pour défendre ni la jeune Soudanaise, ni moi, quand j'ai affronté la femme égyptienne.
Le racisme que j'ai constaté dans le métro du Caire a un écho dans l'ensemble du monde arabe, où les souffrances au Darfour restent ignorées pour deux raisons principales – d'abord parce que les victimes sont des Noirs et nous nous désintéressons des gens à la peau sombre, et ensuite parce que ceux qui provoquent le malheur au Darfour ne sont ni américains ni israéliens, et nous ne faisons attention que lorsque l'Amérique et Israël agissent mal.
Ma querelle dans le métro du Caire était aussi un rappel de nos doubles standars. Nous aimons crier à l'islamophobie quand nous parlons de la manière dont sont traitées les minorités musulmanes en Occident, et pourtant nous ne faisons jamais l'effort d'examiner comment nous traitons nos minorités et les plus vulnérables d'entre nous.
Pour ceux d'entre nous qui évoluent entre des mondes différents – étant un jour la majorité, musulmane sunnite en Egypte, comme moi, et le lendemain la minorité, comme moi, musulmane en Amérique – il est évident que défendre les droits d'une jeune fille soudanaise dans le métro du Caire veut dire défendre mes droits dans le métro de New York.
Insomniac dénonce (en anglais) la bigoterie qui se dissimule sous d'épaisses couches de faux-semblants religieux et libéraux :
Venant d'une famille religieuse conservatrice, j'ai été élevée de façon à être très fière de ma foi, même si je ne la comprenais pas forcément assez pour la pratiquer convenablement. Presque chacun dans ma famille (des deux côtés) porte un nom significatif, influencé par la religion.
Jusqu'à l'université, j'utilisais mon prénom et le patronyme de mon père. Cette combinaison rendait mon nom parfaitement neutre ; les gens ne pouvaient pas deviner ma religion et ainsi me traitaient avec égards, de peur de m'offenser.
Jusqu'au jour où je me suis voilée !
J'ai été confrontée à la cruauté de la société, qui juge les gens selon leur apparence. J'ai compris que mon nom neutre et mon apparence passe-partout me protégeaient des situations gênantes. J'ai compris que c'était une bénédiction d'avoir été traitée avec égards !
Et non, ce n'est pas ceux à qui on pourrait s'attendre qui m'ont jugée, quoi qu'il en soit. Contrairement à ce qu'on croit généralement, j'ai voyagé aux USA l'été suivant, et je n'ai guère eu de problèmes à cause de mon voile. Les Américains ordinaires, abstraction faite du programme politique «notoire» (que je n'ai pas à soutenir ou condamner), ne jugent pas les gens d'après leur apparence comme le font les gens en Egypte (et peut-être au Moyen-Orient). Nous sommes tellement racistes et bigots, et ce qui est triste, c'est que nous le cachons sous d'épaisses couches de religiosité et libéralisme feints, que nous ne pratiquons guère quand on ne nous observe pas.
Je vous présente ceux qui me jugent :
- les musulmans strictement religieux qui considèrent que je ne porte pas de hijab, et veulent que je m'habille plus modestement, et
- les pseudo-libéraux, chrétiens ou musulmans, qui semblent vraiment consternés par mon voile !
Pour autant je ne vais pas me mettre à défendre mon choix ou ma religion parce que je ne crois pas que ceux qui me jugent, moi ou mes semblables, comprendraient ou n'apprécieraient ce que j'ai à dire. Tout ce que je peux dire, c'est «HONTE A VOUS», des deux côtés.
Je trouve les deux côtés hypocrites, car ils échouent lamentablement à mettre en pratique ce qu'ils prêchent et ils donnent à leurs causes une réputation vraiment horrible.
Cela me blessait et m'insultait quand je me sentais injustement traitée à cause de mon voile, mais alors j'ai compris quelque chose : c'est une manière efficace de coincer tous les imposteurs et simulateurs qui ne peuvent pas s'empêcher de me juger sur mon apparence au lieu de ma personnalité. A ceux-là, je dis : tant pis pour vous, bien fait !
Ahmed El Sabbagh a de son côté inventé le concept du “clavier malhonnête” :
مطلوب لأعلى سعر كيبورد غير شريفة تصلح لسب الأصدقاء والإبداع فى تأليف إتهامات باطلة والقيام بتلميحات قذرة وكتابة تعليقات مجهولة ، ويشترط ان تكون متوافقة للعمل مع مدوّن متفرغ لإصطياد أخطاء الغير ، وتأليف قصص خيالية قذرة ووإشعال الفتن ، ودس السموم بين البشرحيث لوحظ إن الكيبورد التى أمتلكها “بتستعبط” ولا توافق على كتابة كلمات قذرة ، وبها حروف معطوبة مثل حرف القاف والـذين والألف والراء والتاء المربوطة ، وكلما حاولت كتابة كلمة قذرة بتفصل باور والزراير بتعلق وبتعمل حركات قرعة وقد قمت بمحاولة شراء عدة كيبوردات وكلها بها نفس العيب وقمت بإستبدالها أكثر من مرة ، وظننت أن جميع الكبيوردات المتوفرة حالياً من النوع الشريف
حاولت إصلاح الكيبورد فى أحد محلات الصيانة فنظر لى فنى الصيانة شزراً وقالدى موش معيوبة .. روح إتعلم القذارة وهى تشتغل زى الفل .. عشان ده عيب يوزر
On demande, pour emporter l'appel d'offres : un clavier malhonnête qui serait pratique pour insulter les amis, pour devenir créatif dans le montage d'histoires scandaleuses, lancer des ragots, et laisser des commentaires anonmymes. Il devra être compatible avec un blogueur à plein temps dont la seule occupation est de prendre en défaut ce qu'écrivent les autres gens. Il devra l'aider dans sa mission d'ouvrir le feu, éclabousser, répandre le poison.
J'ai essayé de le faire réparer dans une des boutiques de maintenance… le technicien furieux m'a regardé avec mépris et a dit : «Travaillez vos aptitudes à la saleté et il fonctionnera comme une horloge ; c'est une erreur de l'utilisateur !»
Le clavier que je possède actuellement joue des tours à mon esprit, il refuse d'écrire des mots insultants et chaque fois que j'essaie d'en écrire un, il s'éteint ou plante et me laisse en panne de mots. J'ai essayé d'acheter différents claviers mais ils semblent tous avoir le même défaut – je suppose qu'on ne vend que des claviers honorables de nos jours.
Pour couronner le tout, Fantasia's World a écrit sur les ingrédients nécessaires pour faire un bon scandale dans les médias égyptiens :
ليست فضيحة انهيار منظومة الاخلاق في هذه المجتمعات التي يتغنون بتدينها وفضلتها ومنظومة القيم فيها.. تطرف المجتمع دينيا ينم عن جهل بهذا الدين وبما اتت من اجله الاديان بالاساس.. والمغالاة في المظهر الديني ليست سوى ستار يخفي ما بداخل هذا المجتمع من بعد عن أي روحانيات أو قيم حقيقية راسخة في وجدانهالفضيحة يجب ان تكون فردية، فمجتمعنا يرفع الجماعة فوق الفرد ويستغل سطوته لكبت الحريات الفردية وممارسة شذوذه بشكل علني لأنها تتمتع بالتأييد والمباركة من الجماهير المذعورة اللي عايزة تتحامى في ضل المجتمع ومستعدة تمشي مع القطيع لأنها بتشوف المجتمع بيذل الفرد اللي يخرج من تحت عبايته قد إيه لأنها لا تعترف بالاختلاف ولا تحتمل فكرة تمرد الفرد على سطوتها التي فرضتها عليه بالحديد والنار والتهديد بالفضيحةالفضيحة لازم تكون صارخة وفجة ومشعللة ومثيرة بدرجة تخليها تشبع نهم المجتمع للتشفي في الشخص المفضوح وتشجعها للاجهاز عليه عشان تنهش فيه براحتهاالجنس هو عنصر اساسي في الفضيحة.. ماهي الفضيحة ماتبقاش فضيحة من غير جنس.. امال الاثارة هتيجي منين؟ مجتمع غير منتج واغلبه بيعيش حالة من البدائية بعيدا عن الفكر والثقافة والفنون التي تسمو بالروح الانسانية، عايش عشان يرضي غرايزه وشكرا.. ويا ريته عارف يرضيها كمان.. لأ دا مكبوت جنسيا بدرجة شاذة، وعلاجه الوحيد للكبت هو المزيد من الكبت.الفضيحة انثى.. لأننا مجتمع ذكوري، يتمتع فيه الذكور بمساحة من الحرية الجنسية، بتعتبر الزنا والتحرش شقاوة.. والخيانة الزوجية فحولة وأكيد أكيد الزوجة هي الل غلطانة وهي السبب ان جوزها بص برة، لأن زي ما احنا عارفين الراجل مش ممكن يغلط ابدا ولا يكون عديم الاخلاق ولا خسيس ولا أي حاجة من دي. يعني الراجل عديم الشرف اللي داير زي الكلب يتحرش في دي ويعاكس دي ويبصبص لدي ويزني مع دي مالوش شرف، فلازم يدورله على كيان يسقط عليه كل قرفه ومرضه النفسي واحساسه بالعار عشان يشييله الدلعدي شرفه وطبعا هيلاقي مين يعمل فيه كدا غيرالحيطة المايلة، الدرجة عاشرة في المجتمع.. الانثى.. مصدر الفضيحة والعار.. هو فيه غيرها؟ هي دي اس البلاوي كلهاالطبقة العليا والمشاهير هم صناع الفضايح.. لأن طبعا اغلبية المجتمع عندنا بتتدرج بين الطبقة الوسطى للفقرا والمعدمين، فلازم تتم مجاملة هؤلاء.. وتبقى كل المسلسلات والافلام بيلعب فيها الغني أو حتى مجرد الميسور ماديا دور الشرير والمجرم والفاسد والحرامي والنصاب والمنحل اخلاقيا، والستات من هذه الطبقة طبعا كلهم هشك بشك ومفتريين وفاسدين وطماعين وانتهازيين وفيهم كل البلاوي.. لكن الفقير دا الملاك.. النسمة.. المتدين اللي عارف ربنا.. الطيب الغلبان.. اللي عنده كرامة وكبرياء وشهامة.. مش فافي ومهيس وقليل الرباية زي ابن الراجل الغني الحرامي. هذا النفاق المجتمعي اللي للأسف اصبح سمة في حياتنا لن ينفي ابدا العلاقة بين الفقر والجهل والجريمة.أكل لحم الموتى.. ولأن الموتى مسالمون لا يتكلمون فإنهم اختيار مثالي لصنع الفضيحة أم جلاجل.. ما بالكم لو كان الميت دا هو واحدة مشهورة وماتت مقتولة؟؟ ماهي بدل واحدة ست واتقتلت يبقى لازم تستاهل القتل والدبح، ولازم طبعا تبقى ماشية على حل شعرها، ولازم تتقطع حتت وراسها تنفصل عن جسمها ولسانها يتقطع وتتفرتك وتتنشر صورها عشان المجتمع الطيب البريء اللي ما يعرفش الحاجات الأياه دي ياخد عبرة ويعرف يشكم البنات اللي فيه كويس.منكم لله.. منكم لله يا مجتمع مريض.. ياللي بتخوضوا في اعراض الناس وانتم بيتكم من ازاز.. ياللي اكبر هواية عندكم هي انكم تنهشوا ف لحم بعض.. ياللي بتفرحوا في مصايب الناس وتزعلوا في فرحتهم وتحقدوا عليهم.. ياللي ما تمسكوش جرنال غير عشان تشوفوا اخبار الفضايح وتبقوا ساعاتها مثقفين أوي وكل واحد شايل جرنال ماشي بيه كأنه سلاح التلميذ.. إيه ده؟ إيه القرف ده؟اللي نشرته الجرايد عن هبة ونادين دا قمة السفالة والحقارة والقذارة والخيال المريض.. لكن العيب مش عليهم، العيب على مجتمع أكل لحم الموتى.. مجتمع مقزز في عنفه وفجاجته وفساده والدمامل المتقيحة اللي طالعة منه في كل حتة ومع ذلك بيدور على فسفوسة يعمل منها فضيحة
1 – Un scandale, ce n'est pas l'effondrement de la moralité ou de l'éthique dans des sociétés qui se vantent de leur vertu et de leur religiosité… L'extrémisme religieux ne fait que refléter l'ignorance religieuse et celle de la finalité de la religion. L'attention excessive aux apparences n'est qu'une façade pour la déficience morale réelle qui se trouve sous leurs paroles creuses.
2 – Un scandale, c'est un individu ; les gens ont appris que notre société donne pouvoir aux groupes contre les individus. Les gens ont volontairement renoncé à leur individualité et à leur indépendance, et ont choisi de suivre le troupeau. Il est beaucoup plus facile d'attaquer un individu que d'attaquer un groupe entier.
3 – Un scandale doit être suffisamment appétissant et juteux pour satisfaire la faim des foules qui attendent avec impatience d'attaquer, dévorer et décortiquer la victime une fois à terre.
4 – Un scandale doit être sexuel… Sans dimension sexuelle, pas de scandale. D'où croyez-vous que l'excitation peut venir ? Dans une société improductive, où les masses vivent dans un état primitif, dépourvues de la connaissance, de la culture et de l'art qui enrichissent l'âme, il est naturel que les gens se tournent vers leurs instincts de base et leurs besoins prédateurs. Pour ajouter l'insulte à la blessure, même ces désirs basiques sont réprimés à un tel degré de perversion morbide qu'il mène à l'oppression.
5 – Un scandale, c'est une femme – dans une société dominée par les hommes, qu'est-ce qu'un scandale pourrait être d'autre qu'une femme dépourvue d'une éducation convenable ? Les hommes jouissent d'un niveau de liberté sexuelle où le harcèlement est synonyme de grivoiserie, l'infidélité est de la virilité, et bien sûr, il est toujours reproché à la femme de ne pas satisfaire les besoins de l'homme.
6 – Un scandale est riche et célèbre, car seuls les gens riches et célèbres méritent de passer aux informations. Les médias ont joué un rôle majeur pour promouvoir le méchant riche, corrompu et immoral, en opposition avec un stéréotype de héros pauvre, décent et honorable. Cette forme d'hypocrisie est devenu caractéristique de notre société, mais elle ne niera jamais la relation éclatante entre pauvreté, ignorance et crime.
7 – Un scandale est mort. Les morts ont perdu la possibilité de plaider pour leur défense.
Qu'en dites-vous si vous avez une femme célèbre, riche et morte qui vivait seule et a été poignardée et décapitée ? Et si c'étaient deux filles ? Alors pour sûr c'étaient de mauvaises filles déshonorées qui avaient des liaisons multiples et l'ont bien cherché. Les médias doivent faire un exemple avec elles pour que le reste du troupeau en tire la leçon.
Vous vivez dans une société malade et perverse qui se vautre dans les malheurs des gens quand vos propres maisons sont en verre et que la manière dont les médias ont traité les meurtres de Heba et Nadine est morbide, vicieuse, ignoble, et déshonorante… Les coupables, ce ne sont pas elles, mais les spectateurs avides de scandales.
S'agissant de ce double crime effroyable, Ethar El Katatney a écrit (en anglais) sur le traitement de ce fait-divers par les médias :
La mort de ces deux jeunes femmes de 23 ans, toutes deux étudiantes, est tragique.
Mais ce qui est encore plus tragique, c'est la façon dont les médias égyptiens ont traité ces meurtres.
Plutôt que de répondre (ou de tenter de répondre) aux questions classiques QQOQCP (qui, quoi, où, quand, comment, pourquoi), ils ont choisi de braquer les projecteurs pour créer ce que je ne peux qu'appeler des saloperies sensationnalistes. Des titres comme «Haschisch, opium et drogues», il y en a eu dix à la douzaine.
«Le sang fait vendre». C'est donc vrai.
Les journaux ont eu leur jour de grandes manoeuvres à publier des rumeurs, manipuler les faits, embellir des demi-vérités, et se concentrer sur (ce qu'ils croyaient être) la vie de deux femmes plutôt que sur leur mort.
Pour résumer ce que la presse (en majorité) a rapporté :
Nadine fait partie des privilégiés en Egypte, menant la grande vie dans une villa somptueuse enclose dans un des nombreux lotissements haut de gamme d'Egypte. Elle vit seule, c'est-à-dire qu'elle était débauchée et sans moralité. Elle donnait des fêtes monstres avec des hommes qui allaient et venaient à toute heure. Heba et elle étaient défoncées aux drogues et à l'alcool, et l'homme qui les a tuées l'a fait avec violence, ce qui veut dire que c'était un crime passionel. C'était si violent qu'il ne pouvait s'agir d'un cambriolage. Les voisins ont entendu des cris, ce qui signifiait que Nadine se disputait avec un homme – ça devait être un petit ami. Ah oui, et puis elle avait donné 40 000 Livres égyptiennes [ 5 700 €] à un garçon à l'université, ça dit bien ce que ça veut dire. Peut-être du trafic de drogue ?
Des spéculations, des suppositions, et carrément des mensonges.
Heba n'a pas été donnée en pâture aux médias, peut-être à cause de ce qu'elle était, et peut-être aussi parce qu'elle n'avait pas commis le crime scandaleux de vivre seule. Mais une fois que les journaux ont découvert qu'elle avait épousé son mari derrière le dos de ses parents, ils l'ont déchiquetée. Qui veut savoir comment et par qui elle a été assassinée ? Ecrivons plutôt sur les sentiments de sa mère en ce moment ! Concentrons-nous là-dessus !
La vérité :
Les parents de Nadine appartiennent à la classe moyenne, et vivent en Arabie Saoudite. Elle est venue en Egypte pour étudier. Elle vit seule dans un appartement, et non une villa. Son père a payé l'appartement en trois ans, et a dù attendre une année de plus pour avoir assez d'argent de côté pour le rendre vraiment habitable. Nadine avait habité avec ses grands-parents à Giza, qui est à deux heures aller et retour de transports de son université. Son grand-père était grabataire et sa grand-mère s'occupait également de deux autres petits-enfants, tous deux trisomiques. Lasse des trajets et d'être une charge supplémentaire pour sa grand'mère, Nadine a demandé à son père d'habiter l'appartement, plus proche de son université.
Son papa l'appelait une dizaine de fois par jour par un opérateur téléphonique saoudien spécial (pour économiser de l'argent), pour s'assurer qu'elle allait bien. Elle ne donnait pas de fêtes. C'était une «bonne fille». Le garçon auquel les journaux prétendaient qu'elle avait donné 40 000 Livres égyptiennes était un garçon qui pensait la demander en mariage. Il n'y a jamais eu d'échange d'argent. Et elle n'était pas sa petite amie au sens où les journaux l'ont insinué – le médecin légiste a dit à son père qu'elle était vierge. Les analyses de sang ont prouvé qu'il n'y avait ni alcool ni drogues dans les corps des deux jeunes filles et ni alcools ni drogues n'ont été trouvés dans l'appartement.
«Ma fille vient d'être assassinée et je suis obligé de demander au médecin légiste si elle était vierge afin de préserver sa réputation», a dit son père à la télévision en luttant pour retenir ses larmes. «J'ai dù annuler les obsèques à cause de ce que la presse avait rapporté. Ce qu'ils ont fait est haram [péché]. Publier des mensonges. Nahsh a'rad alnas [expression arabe pouvant se traduire par «déchiqueter l'honneur des gens».] S'il y avait du vrai là-dedans, alors écrivez-le ! Si ce n'est pas le cas, alors ne détruisez pas la mémoire d'une jeune fille innocente qui est morte d'une mort horrible.»