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Lettonie : Arrestation d'un professeur d'économie

Catégories: Lettonie, Cyber-activisme, Droit, Droits humains, Economie et entreprises, Gouvernance, Liberté d'expression, Manifestations, Média et journalisme, Médias citoyens, Politique

Des Lettons éminents sont scandalisés par l'arrestation d'un maître-assistant de l'université par la police de sécurité (SP) dans la ville maritime de Ventspils. La crise économique, le sauvetage des banques, et les pourparlers lancés avec le Fonds Monétaire International ont servi d'arrière-plan à l'interpellation de Dmitrijs Smirnovs. Lors d'un débat dans le journal provincial Ventas Baiss, Smirnovs avait fait cette recommandation [1](en anglais) :

La seule chose que je peux recommander, c'est : tout d'abord, ne mettez pas votre argent dans les banques ; et ensuite, n'économisez pas en lats [monnaie lettone] parce qu'à présent, c'est très risqué.

L'historien Gustavs Strenga écrit [2] (en letton) :

Au final, c'est l'Etat et la société lettons qui ont pâti de cet acte irréfléchi de la police de sécurité (SP). La société ne peut plus se sentir en sécurité pour la liberté d'expression, mais le tort fait à l'Etat, c'est son image dégradée. Il suffit de lire la presse étrangère. Le journal autrichien Der Standart écrit [3] (en allemand) à propos de l'arrestation de D. Smirnovs, ainsi que le Tageszeitung [4] (en allemand). Ces deux journaux ne peuvent cacher leur surprise devant l'initiative de la SP d'envoyer l'expert en prison. L'arrestation de Smirnovs a rendu évident pour la communauté internationale – en premier lieu – et pour nos principaux partenaires de l'Union Européenne qu'ils ont toujours affaire à un pays post-communiste dans lequel les organes de répression restent prêts à agir contre leurs propres concitoyens. C'est un signal très dangereux. Les responsables lettons devraient le comprendre et entreprendre au moins des changements cosmétiques à l'intérieur de la SP, au minimum, limoger son chef Janis Reiniks, pour montrer que la SP ne va pas continuer à agir de cette façon contre ses propres concitoyens.

Des journalistes lettons ont écrit une lettre ouverte [5] (en letton) aux autorités, pour exprimer leur inquiétude sur cette atteinte à la liberté d'expression :

Nous demandons au gouvernement letton de déclarer clairement qu'il soutient les garanties de la liberté d'expression, qui font partie de la Constitution de la République de Lettonie et des accords internationaux sur les droits humains.

Nous nous tournons vers les institutions des droits de l'homme de l'Union Européenne et les gouvernements en Europe et ailleurs dans le monde, aussi bien que vers les organisations non gouvernementales qui protègent la liberté d'expression, pour qu'elles rappellent énergiquement au gouvernement letton qu'il est de son devoir de respecter la liberté d'expression.

A la suite d'un compte-rendu dans le Wall Street Journal à propos de La décision déplaisante de la Lettonie [6], ce n'est que le 3 décembre que le directeur de la Banque centrale lettonne, Ilmars Rimšēvics, a désavoué pour la première fois l'action de la police de sécurité.

Free Speech Emergency in Latvia («Urgence liberté d'expression en Lettonie»), un blog créé par le journaliste letton Juris Kaža, cite [7] (en anglais) le directeur de la banque :

Rationnellement, l'arrestation de ces deux personnes pour avoir répandu des rumeurs est, malheureusement, ridicule et pathétique, car ils n'étaient pas les vrais colporteurs de rumeurs. Ceux qui propagent les rumeurs observent cela et s'amusent. Les colporteurs de rumeurs opèrent par SMS, citant les dates précises où les décisions seront prises, indiquant même ce que sera le nouveau cours du lats. Aucun d'entre eux n'a été arrêté. Cela me met sincèrement mal à l'aise de voir des chanteurs et des maîtres-assistants d'université arrêtés.

Et le blogueur d'ajouter :

Mais Rimšēvics a aussi dit aux médias dans une déclaration précédente (qui semblait se référer aux actions de la Police de Sécurité) que dans d'autres pays, les colporteurs de rumeurs étaient arrêtés dans le quart d'heure suivant l'expression de leurs opinions sur le système financier ou la monnaie. On ne peut que deviner quels sont les régimes autoritaires et les dictatures qui agiraient ainsi.