Il y a dix ans, le 13 décembre 1998, les corps criblés de balles du journaliste Norbert Zongo et de trois personnes qui l'accompagnaient étaient découverts dans une voiture carbonisée sur la route de Sapouy, à environ 100km de la capitale. Norbert Zongo, directeur de la publication de l'hebdomadaire L'Indépendant et l'un des journalistes les plus connus du Burkina Faso, a été assassiné alors qu'il enquêtait sur l'actualité de cette époque : un meurtre au palais présidentiel et l'implication possible du frère du Président.
Photo d'une marche du souvenir pour Norbert Zongo le 14 avril 2007 durant le Festival International de la liberté d'expression et de la presse (FILEP), disponible sur le site des organisateurs.
Mohammed Keita écrit sur le blog du Committee to Protect Journalists (Comité pour protéger les journalistes, en anglais):
Zongo était juste l'un des 24 journalistes tués durant l'exercice de leur profession en 1998. Il appartient au 70 pour cent des journalistes et professionnels des médias du monde entier qui ne meurent pas à cause d'une balle perdue mais parce qu'ils sont visés pour ce qu'ils ont écrit ou diffusé.
[…] Le meurtre est la forme ultime de la censure. Le meurtre d'un journaliste connu comme Zongo jette un froid glacial sur la possibilité pour les médias d'investiguer les problèmes qui concernent la population. Pire, un meurtre non résolu de journaliste envoie le message que les ennemis de la presse jouissent d'une totale impunité. Les études du CPJ ont montré que dans les nations où les journalistes sont assassinés, moins de quinze pour cent de ces affaires arrivent en justice.
Même si le dixième anniversaire du meurtre non résolu de Zongo s'est déroulé alors que ses meurtriers sont toujours en liberté (un juge a accordé un non lieu en 2006 à la demi-douzaine de suspects), la veuve de Norbert Zongo, ses collégues, et des militants des droits humains ont saisi l'occasion pour demander justice. Un site appelé Norbert Zongo: 10 ans d'impunité a été ouvert pour célébrer le souvenir de Norbert Zongo, et une petition a été publiée pour rassembler des signatures et forcer les autorités burkinabé à rouvrir le dossier :
Pendant dix ans, les médias, ainsi que des centaines de milliers de personnes se sont mobilisés pour faire la lumière sur l'assassinat de ce grand journaliste. Refusons l'impunité offerte par le classement sans suite de cette affaire. Rejoignez-nous pour continuer le combat pour démasquer les meurtriers et leurs partenaires silencieux. Signez la pétition pour rouvrir l'enquête. Prenez part au fort désir des Burkinabé de connaître la vérité et d'obtenir justice.
Plusieurs blogueurs burkinabé, dont Ramata Sore, pressent leurs lecteurs de signer la pétition demandant la réouverture de l'enquête.
Parmi les récents et nombreux hommages musicaux à Norbert Zongo, Augustin Scalbert, dans une revue de presse de la commémoration sur le site d'informations Rue89 a choisi une chanson du chanteur reggae ivoirien Tiken Jah Fakoly, qui considère Zongo comme l'un des “martyrs” du continent. Les paroles :
Ils ont oublié Norbert Zongo… oublié
[…] Mais le sorcier oublie toujours, les parents de la victime n'oublient jamais c'est pourquoi c'est pourquoi nous pouvons pardonner mais jamais oublier nous allons pardonner mais jamais oublier.
Le blog du dixième anniversaire publie aussi un récapitulatif de l'enquête sur le meurtre de Norbert Zongo, qui a été classée en juillet 2006. L'Observateur Paalga se demande aussi ce qui est arrivé à la demi-douzaine de suspects des meurtres. Dans un autre article sur L'Observateur Paalga, Boureima Diallo écrit :
Norbert, sans conteste, devrait être fier qu’à cause de lui, ou grâce à lui d’importantes réformes institutionnelles aient été opérées au sein du paysage politico-administratif burkinabè.
[…] Rarement un meurtre aura été autant médiatisé au Burkina. Et pourtant, il était loin d’être le premier assassinat qualifié de « politique » dans notre pays. Mais à ce jour, soit 10 ans après ce quadruple meurtre, ce dossier n’en finit pas de piétiner en faisant du surplace.
Mohammed Keita, sur le blog du Committee to Protect Journalists souligne le silence officiel qui règne autour de cette affaire :
L'affaire Norbert Zongo reste un sujet sensible pour les journalistes [burkinabé] et est toujours tabou dans les cercles gouvernementaux. Des clips demandant la réouverture du dossier ont été diffusés par deux chaînes de télévision privées, Canal 3 et Sport-Music TV, mais pas sur la chaîne d'état nationale RTB […]. Aucun représentant du gouvernement ne prendra part aux commémorations, selon les journalistes locaux.
L'an dernier, lors du neuvième anniversaire des meurtres, le blog Africa Flak [en anglais] demandait :
Pendant combien d'années les gens peuvent-ils commémorer la même mort ? Pendant combien d'années peut-on demander que justice soit faite pour les mêmes meurtres ?
Aujourd'hui, les rues du centre de Ouagadougou seront une fois de plus pleines de gens portant leurs pancartes et de leurs slogans demandant justice. C'est la neuvième fois qu'ils font cela. Mais le silence est la seule réponse qu'ils obtiendront.
Nabi Youssfou explique ainsi leur obstination :
La justice est fatiguée de chercher mais les Burkinabè ne sont toujours pas fatigués de rappeler qu’il y a eu quadruple assassinat le 13 décembre 1998. Ils le feront encore le 13 décembre 2008. Ils le font parce que ce crime est d’une « historicité jamais égalée ». De par sa cruauté. Il a eu lieu sous le régime de Blaise Compaoré. Juste un peu d’histoire. On ne racontera pas l’histoire du Burkina et de ce régime en occultant ces crimes.
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