Blogs de Gaza : “Ici, c'est le 11 septembre toutes les heures”(mardi 30 décembre)

Dans cette revue de blogs (publiée sur Global Voices en anglais mardi 30 décembre 20 h, heure française), qui fait suite à notre précédente édition, une blogueuse de Gaza, actuellement à l'étranger, demande devant la destruction en cours : “Qui est né dans la sanglante bande de Gaza, aujourd'hui ?”. Un activiste italien présent à Gaza raconte qu'une femme a cherché son mari à la morgue. Elle ne peut l'identifier qu'à son alliance. C'est ce qui reste de lui.

Laila El-Haddad, qui publie le blog en anglais Raising Yousuf and Noor, donne les dernières nouvelles transmises par ses parents depuis Gaza:

“C'est le black-out total à Gaza maintenant. Les rues sont vides et mortes.”
Je parle à mon père, Moussa El-Haddad, un médecin retraité qui vit Gaza City, via la messagerie instantanée Skype, depuis Durham, en Caroline du nord aux Etats-Unis. J'y vis depuis la mi-2006, le mois où les postes frontières de Gaza ont été hermétiquement fermés par Israël et où le blocus a été renforcé. […] J'entends des explosions en fond sonore. La voix de mes parents sonne lointaine et morne sur le haut-parleur de mon ordinateur, mais reste suspendue comme un écho dans la vallée de la mort. Ils évoquent les souvenirs terrifiants de mes nuits à Gaza il y a seulement deux ans. Des nuits qui, aujourd'hui encore, tourmentent mon fils de 4 ans. Il refuse de dormir seul.
“Tu les entends ? La maison tremble. Tout tremble, nous, et les alentours”.  
“Laila. Ta mère, elle est terrifiée” ajoute mon père.  Elle vient me parler. “Bonjour, bonjour ma chérie” marmone-t-elle, la voix tremblante. “Je devais aller à la salle de bain. Mais j'ai peur d'y aller seule. Je voulais faire mes ablutions avant la prière, mais j'avais trop peur. Tu te souviens de quand on allait ensemble à la salle de bain parce que tu avais trop peur d'y aller seule ?” Elle rit en se souvenant. Cela lui semble drôle maintenant, que je puisse rencontrer ma dernière heure dans une pièce où on se soulage, qu'elle soit elle-même terrifiée maintenant par ce même scénario, apparemment ridicule.

Laila pense à sa petite fille :

Le premier anniversaire de Noor tombe le 1er janvier. Elle aura un an. Je ne peux pas m'empêcher de me demander : qui est né aujourd'hui dans Gaza en sang ?

Philip Rizk, un Egyptien-allemand qui blogue surTabula Gaza, a publié la conversation qu'il a eu via Skype avec un ami à Gaza, où il travaillait :

Tout autour de nous est mort, mort, personne ne conduit une voiture, de ma vie, je n'ai rien vu de pareil. Je n'aurais jamais pu imaginer quelque chose comme ça.
Les médias ne peuvent couvrir que 10 ou 15 lieux, mais c'est partout, quand tu dors, le sol tremble comme pendant un tremblement de terre.
il n'y a plus rien dans le pays. Nous avons assez de farine pour quatre ou cinq jours.. d'autres n'en ont plus.
Tu peux attendre 8 ou 9 heures pour acheter un sac de pain à la boulangerie….quand elles ouvrent.
Il n'y a plus rien à Gaza, seulement la mort, c'est tout ce qui reste, à tout moment tu attends ta mort, ils ont commencé à appeler les gens, s'ils ciblent vos voisins, une voiture qui passe à côté de vous, vous êtes fini, c'est une guerre. La dernière fois que je suis sorti de la maison, c'était mercredi dernier.
[…]
J'entends des bombardements. La moitié du quartier est occupé à des funérailles
[…]
la mort touchera tout le monde, tu ne trouveras pas une maison où la mort ne soit pas entrée à Gaza
jusque là ils n'ont pas tué les dirigeants du Hamas ou des militaires

peut-être que c'est la dernière fois qu'on parle, il se peut que tu nous trouves morts la prochaine fois, l'électricité va sans doute être coupée dans cinq minutes.

Eva Bartlett, une activiste canadienne, sur In Gaza:

Sur le terrain ici, et d'après ce que nous apprenons des témoins de première main, je ne crois pas qu'Israël “cible des positions du Hamas”. […] Laissez-moi vous donner quelques témoignages personnels de bombardement à grande échelle, de bombardement aveugle et du ciblage de civils :  8 homme, le père (âge : 55 ans), 6 de ses fils (âges : de 15 ans à la vingtaine d'années), et un ami (15 ans) ont été ciblés par un missile via un drone israélien hier à 17 h, alors qu'ils apportaient des métaux de récupération à un atelier de ferronerie. Cette attaque est survenue une heure après qu'un F-16 israélien a ciblé l'atelier mais a frappé la maison à côté. L'atelier ciblé aurait stocké des roquettes (il y avait des bombonnes d'oxygène pour le travail sur les métaux). Les huit morts ont été déchiquetés par le missile. Hier aussi, trois ados ramassaient du bois pour faire la cuisine, il n'y a plus de bouteilles de butane car à cause du blocus d'Israël, les bouteilles de gaz pour la cuisine font partie des nombreux produits interdits, qui comprennent aussi les médicaments, les pièces de rechange pour les équipements médicaux, le ciment pour les constructions, et une très longue liste que je n'ai pas le temps de reproduire en ce moment mais qui est très bien répertoriée par l'ONU et autres sources “objectives”. Les jeunes, âgés de 13 et 14 ans, se trouvaient dans une petite oliveraie quand un missile les a ciblés via un drone. L'un est mort, les deux autres sont grièvement blessés, dans un état critique.  Cela s'est passé entre 11h du matin et midi. […] Je ne suis pas dans une chambre d'hôtel confortable. Je me rends sur les sites, je parle avec les victimes, je ne suis pas protégée de tout ceci, mes oreilles me font mal aussi à cause des explosions, et je n'ai pas bien dormi durant les trois dernières nuits. Les explosions sont extrêmement fortes (et ce n'est pas un terme adéquat), et les drones, les hélicoptères Apache et les F-16 continuent à tourner au-dessus de toutes les parties de la bande de Gaza.  J'invite qui a des doutes sur la gravité et la violence de ces attaques continues sur Gaza à venir ici pour voir de ses propres yeux, et pour écrire son propre article équilibré, mais bien sûr, c'est impossible, car Gaza est assiégée, tous les points de frontière sont fermé, et même le bateau Free Gaza qui m'a amenée ici a été attaqué ce matin, araisonné par des navires israéliens, ce qui l'a empêché de livrer les fournitures médicales et de faire débarquer des journalistes à Gaza pour qu'ils puissent couvrir l'actualité. Je ne crois absolument pas, et ne croirai jamais, qu'Israël prend des précautions pour limiter le nombre de civils tués.  

Vittorio Arrigoni est un activiste italien, lui aussi à Gaza en ce moment, qui blogue en italien sur Guerrilla Radio:

Pare che non trovando più obbiettivi “sensibili”, l'aviazione e la marina militare si diletti nel bersagliare luoghi sacri, scuole e ospedali.
E’ un 11 settembre ad ogni ora, ogni minuto, da queste parti, e il domani è sempre una nuovo giorno di lutto, sempre uguale. Si avvertono gli elicotteri e gli aerei costantemente in volo, quando vedi il lampo, sei già spacciato, è troppo tardi per mettersi in salvo.
Non ci sono bunker antibombe in tutta la Striscia, nessun posto è al sicuro.
Non riesco a contattare più amici a Rafah, neanche quelli che abitano a Nord di Gaza city, spero perchè le linee sono intasate. Ci spero. Sono 60 ore che non chiudo occhio, come me, tutti i gazawi.

Il semble que faute de trouver des cibles plus “sensibles”, l'aviation et la marine se divertissent à cibler des lieux saints, des écoles et des hôpitaux. 
Ici, c'est le 11 septembre toutes les heures, à chaque minute, partout, et demain est toujours un nouveau jour de deuil, toujours le même.  Les hélicoptères et les avions volent sans répit : quand vous voyez l'éclair, vous êtes déjà fichu, il est trop tard pour se mettre à l'abri. Il n'existe pas de bunkers, nulle part sur la bande, aucun lieu n'est sûr. 
Je ne réussis plus à joindre mes amis à Rafah, même pas ceux qui vivent au nord de Gaza City, j'espère que c'est à cause de l'encombrement du réseau. Je l'espère. Cela fait 60 heures que je n'ai pas fermé l'oeil, pas plus que tous les Gazaoui. 

Decine sono i dispersi, negli ospedali donne disperate cercano i mariti, i figli, da due giorni, spesso invano. E’ uno spettacolo macabro all'obitorio. Un infermiere mi ha detto che una donna palestinese dopo ore di ricerca fra i pezzi di cadaveri all'obitorio, ha riconosciuto suo marito da una mano amputata. Tutto quello che di suo marito è rimasto, e la fede ancora al dito dell'amore eterno che si erano ripromessi.

Des dizaines de personnes sont portées disparues, dans les hôpitaux, il y a des femmes désespérées qui cherche leur mari, leurs enfants, depuis deux jours, et souvent en vain. La morgue est un spectacle macabre. Une infirmière m'a dit qu'après des heures de recherches dans les morceaux de corps épars dans la morgue, une femme palestinienne a reconnu son mari à une main amputée. C'est tout ce qui restait de son mari, elle portait toujours son alliance, gage de l'amour éternel qu'ils s'étaient jurés.

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