Blogs de Gaza : “Gaza ne cherche pas une aspirine pour ses blessures sanglantes” (lundi 5 janvier)

[Traduction de l'article mis en ligne à 23h heure de Paris sur le site Global Voices en anglais] En utilisant des groupes électrogènes pour l'alimentation [des ordinateurs portables et téléphones mobiles avec connexion à Internet], quand cela est nécessaire, certains Palestiniens et activistes étrangers réussissent toujours à envoyer des compte-rendus de ce qui se passe à l'intérieur de la bande de Gaza. Voici quelques uns de ces nouveaux billets, publiés au cours des dernières 24 heures (lundi 5 janvier).

Le Professeur Saïd Abdelwahed (voir notre précédente revue de blogs), qui enseigne l'anglais à l'université de Al-Azhar, a écrit ceci sur son blog Moments of Gaza (en anglais):

Aujourd'hui était le jour de l'offensive de terre. […] Beaucoup de civils sont morts durant les bombardements des confins de Gaza-Ville. L'électricité et l'eau sont toujours des problèmes majeurs pour tous les Gazouis. J'opère toujours à partir d'un groupe électrogène pour pouvoir écrire ces messages en quelques minutes! Les téléphones mobiles sont paralysés et les lignes fixes mortes ou très brouillées, alors qu'à d'autres moment, la communication est claire ! Un bombardement, il y a quelques minutes : nous ne savons pas où c'était mais c'était terrifiant. Ils ont frappé un immeuble près d'ici ! A trois immeubles du mien: il y a des blessés ! Les avions israéliens larguent des bombes éclairantes ou peut-être que ce sont des éclairages à usage militaire. Israël a piraté la chaîne par satellite Al-Aqsa plusieur fois. Ils ont diffusé des messages anti-hamas. Je reviendrai si je peux! 

Natalie Abou Shakra, une activiste libanaise présente à Gaza, publie également sur le blog Moments of Gaza:

ils utilisent des nouvelles armes…terrifiantes…quand elles traversent l'air…vous l'entendez tout près de vous…ça va arriver sur moi, ça va me tuer, maintenant, maintenant, maintenant…c'est ce que vous pensez…c'est terrifiant…j'admets que je m'en fiche…je m'étais habituée aux anciennes armes…maintenant, il va falloir s'habituer à celles-là…je ne peux pas vous décrire par des mots la profondeur de cette terreur…comme une roquette projetée vers vous…et le bruit …le bruit d'un avion dans l'air qui fonce sur vous…avec le son qui grandit au fur et à mesure qu'il s'approche…puis il passe au-dessus de nos têtes…nous sommes tous couchés par terre.

Laila El-Haddad, dont les parents sont à Gaza, sur le blog Raising Yousuf and Noor (en anglais):

Nous avons entendu parler des tracts dont l'armée israélienne innonde Gaza – pour leur dire que le Hamas est responsable de leurs malheurs, et non leurs avions f-16 et leurs bombes à fragmentation. Maintenant, ils utilisent des robots téléphoniques pour appeler automatiquement les gens de Gaza, à la Hilary Clinton [pendant sa campagne électorale], à toutes les heures du jour et de la nuit. Mon père à reçu un nombre important d'appels – dont un alors que nous venions de finir l'interview avec CNN, et que nous nous parlions via la messagerie instantanée Skype. Il a essayé de coller le récepteur du téléphone contre le haut parleur de l'ordinateur pour moi. Traduction sommaire : “message urgent : avertissement aux citoyens de Gaza. Le Hamas vous utilisent comme boucliers humains. Ne les écoutez pas. Le Hamas vous a abandonné et se cache dans vos refuges. Arrêtez maintenant…”

Il a raccroché, dégoûté, ne souhaitant pas entendre le reste. L'armée a aussi appelé les gens de son côté, pour les prévenir que leur maison était ciblée. Les gens ne répondent plus maintenant, ils ne décrochent plus quand il s'agit de numéros inconnus, ils ont peur.

Sharon est une activisite actuellement à Gaza qui blogue sur Tales to Tell (en anglais), et qui, comme beaucoup des activistes étrangers à Gaza, tente de faire ce qu'elle peut pour aider les ambulanciers :

7.30: Ambulances appelées. Nous n'avons pas pu dépasser un cratère énorme sur la route, dans lequel une voiture avait déjà plongé. En faisant un long détour, nous allons chercher un homme en costume traditionnel, la soixantaine, dans ce qui semble être la ferme de sa famille. Il saigne du visage et est très choqué.  Sur le chemin de l'hôpital Karmel Awan, une explosion particulièrement proche secoue le véhicule. Je n'ai pas dû sursauter, car le chauffeur murmure “Tu as entendu ça ?”. Je commence à comprendre que les Palestiniens aiment les questions rhétoriques, comme : “Comment trouvez-vous Gaza en ce moment ?”
[…]
10.55: Nous quittons l'hôpital Al Shifa pour rentrer au centre de Jabalia. Il y a du café. Mo fait un sandwich au café, ce qui est bizarre. Les appels sont moins nombreux. Hassan m'interroge sur mon livre, “Nature cure” (Thérapie naturelle). Je lui explique qu'il s'agit du récit de la guérison de la dépression d'une écologiste. “Les gens sont déprimés en Occident ?” me demande-t-il, surpris. Sachant à quel point cela semble peu crédible en ce moment, je lui dit que beaucoup de gens sont prisonniers d'une vie qui consiste principalement à travailler et à acheter des trucs, sans aucun sens – sans religion, ou le rêve de libérer votre pays, ou quelque chose comme ça, les gens peuvent devenir très paumés.
“En fait, Israël essaie de nous contraindre à une vie sans aucun sens, comme ça” dit-il. “Par exemple, parfois, je sens que tout ce qui m'importe actuellement, c'est avoir du gaz. J'ai construit un poêle pour ma famille et j'ai l'impression d'avoir fait un truc extraordinaire.”

Dans un autre billet, elle écrit :

Nous avons demandé à l'administrateur du Croissant Rouge de Jabalia la proportions des sorties d'urgence qu'Israël les empêchent d'accomplir. Ils se situent dans les lieux où une coordination doit avoir lieu avec l'armée d'invasion via la Croix Rouge, pour pouvoir y entrer. Il dit qu'ils ne peuvent répondre à 80 pour cents des appels qui proviennent du nord, une zone couvrant les secteurs de Beit Lahia, Beit Hanoun, et Jabalia.  Est-ce que je dois répéter ça ? 80%. Sur dix personnes qui appellent les secours, huit sont empêchées d'en recevoir.

L'activiste canadienne Eva Bartlett, sur le blog In Gaza (en anglais):

Le nombre des massacrés et des blessés sont tellement importants maintenant – 521 et 3 000 ce matin lundi, heure de Gaza — qu'être assis à côté d'une personne morte ou à l'agonie devient normal. Comme la tache de sang sur la réserve à brancards de l'ambulance, à côté de mon manteau, l'ambulancier me prévient que je risque de salir mon manteau.  Mais qu'est-ce que ça fait ?  La tâche ne me révolte pas comme elle l'aurait fait, comme elle l'a fait, il y a une semaine. La mort remplit l'air, les rues de Gaza et je ne peux pas souligner à quel point il ne s'agit pas ici d'une exagération.  Je serai bientôt de retour à Gaza Ville, après un autre jour et une autre nuit avec les ambulanciers, j'essaierai de résumer, mais il y a trop à dire, trop de nouvelles qui tombent, et c'est trop dur de joindre les gens, même ceux qui sont à un kilomètre seulement. Avant de me déposer, les ambulanciers sont passés dans différentes stations d'essence, chercher du carburant pour les ambulances. Deux stations, rien. Quelqu'un finalement dans une autre station leur fait un plein. La pénurie d'essence est dramatique. Comme l'absence de pain, qui continue, avec des queues plus longues que jamais. Un texto me dit (au point où on en est, je dois me fier aux nouvelles transmises par le téphones et les textos, quand il y a du réseau) que l'ONU dit que 13 000 personnes ont été déplacées depuis ces attaques, que 20% des morts sont des femmes et des enfants, que 70 % n'ont pas d'eau potable. Il y a beaucoup d'autres informations pour dégriser quelqu'un qui est saoul d'apathie, mais je ne peux pas donner leur source ou les partager maintenant.  

Safa Joudeh écrit sur Lamentations-Gaza (en anglais) :

Israël est venu dans nos maisons, se bat contre nous dans nos rues et déploie toute la force de sa brutalité envers nous. Comment réagissons-nous ? Toutes les factions palestiennes se sont unies et font face à l'ennemi, utilisant tout les moyens militaires qu'ils ontcollectivement. Même si ces moyens ne sont pas comparables à la force militaire exercée par Israël, ils nous ont permis d'etre plus sûrs que jamais que les Palestiniens se battront jusqu'au bout pour protéger les leurs. Cela nous a montré que la résistance, le courage et l'amour font partie intégrante de l'identité palestinienne, qui ne changera jamais malgré tout ce que nous endurons. Cela nous a donné un soutien moral, au moment où nous en avions le plus besoin. […] C'est difficile de même se souvenir du temps où les choses de première nécessité comme la nourriture, l'eau, la chaleur et la lumière du jour n'étaient pas un luxe.  Dans cette situation, les instincts de base humains sont à l'oeuvre, le besoin de protéger ceux que vous aimez, le besoin de s'assurer d'un refuge et l'instinct de se battre ou de fuir. Nous avons fui pendant si longtemps, Gaza est notre dernier refuge et notre maison, après que nous ayons été déplacés de ce qui s'appelle maintenant Israël. Tout cela s'est passé il y a 60 ans. Que peuvent-ils vouloir de plus ? Nous n'avons plus nulle part où aller. Maintenant est le temps où toute forme de résistance est légitime. Ils ont méprisé chacune des conventions internationales qui existent. Alors, maintenant est venu le temps de se battre.

RafahKid supplie (en anglais):

S'il vous plaît..avant que tout le monde soit mort à Gaza…Essayez peut-être de comprendre que le Hamas est un symptôme…pas une cause…L'occupation est la cause…L'absence d'un accord, qui a chassé par la force les gens de leur terre…Voilà la cause…Hamas est un symptôme…et les Etats-Unis n'aiment pas les gouvernements qu'ils ne choisissent pas. Pas d'électricité…Pas de possibilité d'appeler…L'obscurité, et une pluie de feu. Les enfants hurlent.

Mutasharrid (‘sans abri’ ou‘vagabond’) se trouve à Khan Younis, et est en colère (en arabe):

سُئلت بالأمس عن المساعدات إن كانت تدخل إلى غزة فعلا أو هو “حكي جرايد” وإمتنعت عن الرد لأن الجواب واضح كوضوح صوت غارة الـF16 هذه اللحظة – ما علينا ، المساعدات دخلت إلى غزة وربما بأعداد كبيرة في أول أيام وتوقفت منذ يومين بحجة بدء العملية البرية ، لكن .. لمَ يُعوّل كثيرا على هذا الأمر ؟ ، أقصد كيف نجح الإعلام بتصوير قضية غزة على أنها قضية كيان محاصر جائع يبحث عن طعام ومساعدات “إنسانية” لا تليق بكلاب ! عندما سألته لصديقي قال لي ” العرب كشخص يطلق النار على كلب ويرمي له بقطعة لحم ! “ 

غزة لا تبحث عن إسبرين لجرحها الراعف يا أصدقاء ، غزة لا تبحث عن ضمادة بالية لنزيفها المستمر ، ما يؤلم غزة بل يقتلها أكثر من الصواريخ هو أصواتهم ، أصوات كل شخص يرتدي بدلة رسمية وربطة عنق ويتحدث عن غزة ، تودّ لو تصرخ بوجههم قبل الطائرات : توقفوا .. صوتكم جارح وألعن حِدّة من صمتكم ، فإصمتوا .. رحمة بنا ، إصمتوا قليلا ..

On m'a demandé hier si les secours humanitaires pour Gaza entraient réellement sur la bande ou si c'était juste des “des histoires des journaux”. J'ai refusé de répondre car la réponse est claire, aussi claire que le bruit des frappes des avions F16 en ce moment : peu importe, les secours sont entrés dans Gaza, peut-être en grande quantité durant les premiers jours mais se sont arrêtés il y a deux jours, au prétexte de l'offensive terrestre, mais cela ne comptait pas beaucoup de toute façon ! Je veux dire, comment les médias ont-ils réussi à présenter le cas de Gaza comme une personne affamée et assiégée, cherchant de la nourriture et de l'aide “humanitaire” dont un chien ne voudrait pas ?! Quand j'ai posé la question à mon ami, il a dit, “Les Arabes sont comme une personne qui tirerait sur un chien en lui jetant un morceau de viande !” 

Gaza ne cherche pas une aspirine pour ses blessures sanglantes, mes amis, Gaza ne cherche pas un bandage pour son hémoragie continue. Ce qui frappe Gaza, et qui en effet tue plus que les roquettes, ce sont leurs voix : la voix de chaque personne qui porte un costume et une cravate et qui parle de Gaza. Tu espères pouvoir leur hurler à la figure, avant l'avion, “Stop ! Votre voix blesse et est plus aigüe que votre silence, donc, taisez-vous…Ayez pitié de nous, gardez le silence pendant un petit moment…”

Exiled (المنفي) écrit uniquement:

Je suis hors ligne jusqu'à la fin de ce Massacre.
Priez pour nous.

Un blog appelé Torts faits aux civils durant les combats à Gaza et au sud d'Israël  (en anglais) a été ouvert par des militants des droits humains israéliens pour constituer un fond de documentation sur les événements qui ne sont pas couverts par les médias.

1 commentaire

  • zoulikha chergui

    un noel sans âme,
    aux lumieres glaciales
    a noyé GAZA sous les larmes;

    un noel glacial
    aux lumières blafardes
    a brûlé GAZA de ses flammes;
    Béthléem pleure les bombes
    portées par la hotte de noel;

    l’étoile du berger pâli
    effrayée par le feu des bombes jétées
    par un Moïse en folie;

    qu’elles sont belles les tombes autour du sapin,
    ouvertes par les enfants de GAZA;

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