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Congo (RDC) : nouveaux massacres, peu d'attention de la part des médias

Catégories: République Démocratique du Congo (RDC), Dernière Heure, Guerre/Conflit, Média et journalisme, Médias citoyens, Relations internationales

Alors que les combats dans le Nord-Kivu [1] [les liens qui suivent sont en français], qui ont déplacé 250 000 personnes un peu plus tôt dans l'année [2008], s'étaient calmés ces derniers temps, des massacres sont maintenant signalés dans une autre partie de la République Démocratique du Congo (RDC). Le groupe rebelle ougandais, l'Armée de résistance du Seigneur [2] (LRA en anglais) s'est déchaîné dans le district du Haut-Uélé situé au nord-est du Congo, près de la frontière soudanaise. Ces attaques viennent en réponse aux opérations militaires lancées en décembre par les armées de la RD Congo, de l'Ouganda et du Sud-Soudan  contre les bases du LRA dans les environs du parc national de la Garamba [3]. D'après l'ONG Caritas [4] [les liens qui suivent sont en annglais] plus de 400 personnes ont été tuées autour des villes de Faradje, Duru, Bangade, Gurba, et Doruma depuis le 25 décembre :

Le directeur de Caritas Dungu-Doruma explique que les rebelles ougandais ont attaqué un concert de Noël organisé à Faradje par l'église catholique. Il ajoute que les rebelles sont revenus le matin suivant pour assouvir leur frénésie meurtrière. Il affirme qu'environ 150 personnes ont été tuées lors de ces deux jours.

En même temps, une autre attaque était dirigée contre Duru, au nord de Dungu. Caritas rapporte que 75 personnes ont été tuées et l'église brûlée.

Toujours selon Caritas, les attaques ont continué le long de la frontière du Soudan, notamment à  Bangadi, Doruma et Gurba faisant 48 morts à Bangadi et 213 à Gurba. Environ 6 500 personnes ont trouvé refuge dans les églises catholiques de la région.

Caritas affirme également que des enfants sont kidnappés par le LRA qui les utilise comme enfants-soldats.

L'équipe de Médecins Sans Frontières à Dungu a reçu l'information suivante [5] de la ville de Faradje :

L'équipe de Médecins Sans Frontières à Dungu a reçu les premières informations sur l'attaque de Faradje, une ville de 25 000 habitants au nord-est de  la RDC, le soir de noël. […] Le matin suivant, un infirmier de Tadu, une petite ville située à 20 km au sud de Faradje, a signalé par radio l'arrivée dans la région de milliers de personnes, probablement 15 000, fuyant les attaques. L'infirmier a confirmé que le médecin en chef et un aide civil, avaient été tués pendant l'attaque. D'après lui de nombreuses victimes sérieusement blessées seraient toujours  bloquées à l'hôpital de la ville,  sans aucun équipement approprié suite au pillage de tout son matériel par les soldats du LRA.

Le blog de Caritas publie trois photos de survivants [6] du massacre qui a eu lieu à Faradje le jour de Noël, prises par Emmanuel Bofoe :

(Photo d'Emmanuel Bofoe de Caritas Internationali)

Le blog de conservation de l'environnement Baraza du réseau WildlifeDirect a rapporté une attaque du LRA [7] contre la principale station du parc national Garamba le 2 janvier :

Malgré une forte résistance de la part des rangers du parc et des soldats des forces armées congolaises, l'attaque a fait de nombreuses victimes et à causé des dommages matériels importants. Un premier rapport fait état de 8 morts dont deux rangers du parc et deux épouses de gardes, et de 13 blessés, la plupart par balles. Le nombre des rebelles tués ou blessés n'a pas été communiqué.

Plusieurs bâtiments principaux ont également été détruits dans la station, ainsi que de nombreux équipements de transport et de communication, des stocks de fuel et de rations alimentaires.

Dans un autre message, le blog Baraza décrit la situation [8] dans la région comme étant «  bien pire qu'avant » :

Une personne a décrit le résultat de cette offensive militaire manquée contre le LRA comme équivalent à « remuer un nid de frelon »

Dahee Nam de Impunity Watch Africa rapporte [9] qu'une autre attaque a été lancée dans la région le dimanche 4 décembre, sans toutefois faire de victimes car la population s'était enfuie avant l'arrivée des rebelles.

Michael Kleinman commente la situation humanitaire [10] dans la région sur le blog The Humanitarian Relief :

En outre, jusqu'à 30 000 villageois ont fui la région. D'après un récent article de l'IRIN – Les attaques mortelles du LRA provoquent un exode dans le nord-est du Congo – les agences d'aide [humanitaires] ont beaucoup de difficultés pour atteindre les personnes dans le besoin : «les opérations militaires et la présence du LRA rendent l'action des agences humanitaires très difficile et certaines régions sont actuellement totalement inaccessibles au personnel des agences d'aide”.

Kakaluigi, un missionnaire italien qui travaille dans l'est du Congo, compare, dans un article intitulé « scandale ! [11]» [les liens qui suivent sont en français], la réaction des médias face aux massacres de l'est du Congo et à ceux récemment survenus à Gaza :

À Gaza ( Palestine) les Israéliens viennent de massacrer 400 personnes en l'espace d'une semaine, il y'a eu manifestation à travers le monde et les mèdias de tout genre ne font que nous bombarder avec leurs images de sang et de morts.

À Dungu- Faradje (RDC) c'est en présence de la Monuc que la Rébellion Ougandaise vient d'assassiner plus de 400 personnes en l'espace d'une journée, mais silence total à travers le monde, pas une image et même pas une journée de deuil au pays concerné.

Dans le même esprit, Hugues Serraf, s'interroge [12] dans sa rubrique La tribune du vaticinateur sur le blog Rue 89 :

Si un mort israélien vaut plusieurs morts palestiniens, combien faut-il de cadavres congolais pour un linceul gazaoui ?

[…] Comment un conflit qui a déjà fait quatre millions de morts en dix ans, et tue encore plus d'un millier de civils chaque jour du fait du chaos alimentaire et sanitaire qu'il entraîne, peut-il être aussi peu couvert? Comment les 271 victimes de la LRA (hypothèse basse, rappelons-le) de ces dernières semaines ont-elles pu échapper à la vigilance de nos reporters, de nos analystes, voire de nos manifestants?

Sur le blog Stop the war in North Kivu, écrit par un employé de l'aide internationale dans l'est du Congo, celui-ci médite [13] [en anglais] sur « l'ignorance des guerres qui ont lieu en Afrique par l'opinion publique et les médias occidentaux » :

Je suis persuadé que le silence criant des médias occidentaux sur l'horreur des conflits africains comporte une question éthique importante et incontournable. Si 5 millions de personnes meurent à un endroit donné, nous avons, en tant qu'êtres humains, l'obligation de savoir que c'est arrivé. C'est une obligation morale. Nous devons savoir, de la même manière que nous savons que des millions d'hommes, de femmes et d'enfants juifs ont été exterminés en Allemagne pendant la seconde guerre mondiale. Pourtant, nous ne savons pas que plus de 5 millions de Congolais sont morts à cause de la guerre depuis 1998.

Les citoyens d'une ère de l'information [comme celle que nous vivons] ont un droit de savoir à ce sujet et les victimes ont un droit de reconnaissance de leurs souffrances.