Blogs de Gaza : “Je vois la haine dans chaque explosion qui secoue Gaza” (dimanche 11 janvier)

Dans cette revue des blogs mis à jour à Gaza le samedi 10 et le dimanche 11 janvier, [traduction française mise en ligne à  03h30 lundi 12, heure française], nous sommes informés des conditions de vie sans électricité, de la manière de se procurer les dernières nouvelles à Gaza, et qu'Israël utilise des bombes au phosphore. Une petite fille de 11 ans plaisante : “C'est comme si nous étions un film d'horreur. Je suis sûre que les gens mangent du pop-corn en nous regardant”.

L'équipe de vidéastes qui a créé le vidéo-blog de journalisme citoyen Alive in Baghdad  (Vivants, à Bagdad) a ouvert un nouveau vidéo-blog, Alive in Gaza, avec des témoignages depuis la bande de Gaza. Mohamed Al-Jabowe rapporte [en anglais] :

La situation ne s'améliore pas à l'intérieur de la bande, à cause des bombardements incessants de l'armée israélienne dans le nord et le centre de la bande. Une bataille a commencé aujourd'hui entre les forces navales du Hamas et la marine militaire israélienne. La situation ici est celle d'une cage qui brûle de l'intérieur. […] Mon cousin reçoit les chaînes de télévision par satellite grâce à un système alimenté par une batterie de voiture, et ce que je vois maintenant dans les actualités télévisées n'a rien à voir avec la réalité, la perte de vies humaines doit dépasser  800. C'est très difficile de passer une seule heure sans entendre des explosions, et c'est tout ce que je peux écrire pour l'instant. J'essaierai de vous envoyer plus d'informations dès que j'en aurai la possibilité. Je dois rentrer chez moi et aider ma soeur à trouver du lait pour son bébé. J'espère que j'arriverai vivant à la maison ce soir, je vous tiens au courant.

La journaliste Nazek Aburahma écrit sur le forum AlJazeeraTalk et sur son blog [en arabe] :

ستة أطفال مع أمهم ” أم انس” يعيشون داخل بيت لا تسكنه سوى العتمة منذ أيام طوال وتحت أوتار المدفعية الإسرائيلية التي تدك قطاع غزة على وتيرة واحدة […] فتقول أم انس :” الكهرباء مقطوعة ولا توجد أي وسيلة قد نعلم من خلالها عما يحدث في غزة , لا نسمع سوى دبيب المدفعيات التي تقذف نيرانها في كل مكان ” وتتابع أم انس حديثها من بعد تنهيدة استغرقت ثوان معدودة :” نعلم ما يحصل في غزة من دمار وقتل وقصف عبر الهاتف فأمي تسكن في الضفة الغربية وترى كل شيء عير شاشات التلفزة فتهرع على الهاتف مفزعه لتطمئن علينا و وتبلغنا بمستجدات ما يحصل في قطاع غزة “.

[…]

أما إبراهيم 22 سنة وهو صحفي لإحدى الوكالات الأنباء العالمية في قطاع غزة والذي يتنقل بعجالة بين بيت لآخر باحثا عن كهرباء ليشحن بها هاتفه الخلوي كي يستطيع التواصل مع طاقم وكاله الأنباء التى يعمل معها فيقول على عجالة :” في الفترة الأخيرة اشعر كأنني كنغر انتقل من مكان الى مكان بحثا عن رائحة الكهرباء , فبطارية هاتفي الخلوي قد نفذت ويجب على ان اشحنها لأتواصل مع وكاله الأنباء التى اعمل معها في الخارج “.

Six enfant et leur mère, Oum Anas, ont vécu pendant de longues journées avec seulement l'obscurité et le bruit de l'artillerie israélienne pilonnant la bande de Gaza […] Oum Anas dit : “L'électricité a été coupée. Nous n'avons aucun moyen de savoir ce qui se passe à Gaza. Nous n'entendons rien d'autre que l'artillerie qui tire partout.” Elle poursuit, après un soupir qui dure plusieurs secondes : “Nous sommes au courant des dégâts, des morts, et des bombardement à Gaza par le téléphone. Ma mère vit en Cisjordanie et regarde tout sur l'écran de la télévision, puis court terrorisée m'appeler au téléphone pour être sûre que nous allons bien, et nous raconte les derniers événement à Gaza.”

[…]

Ibrahim, un jeune journaliste de 22 dans qui travaille pour l'une des agences de presse internationales à Gaza, court d'une maison à une autre, à la recherche d'électricité pour recharger son téléphone portable et communiquer avec le bureau de l'agence, nous dit rapidement: “Dernièrement, j'ai l'impression d'être devenu un kangourou, qui saute d'un endroit à l'autre, à la recherche d'un brin d'électricité. La batterie de mon téléphone portable est à plat, je dois la recharger pour appeler à l'étranger l'agence de presse pour laquelle je travaille.”

Voici les dernières mises à jour des blogueurs de Gaza que nous suivons depuis le début du conflit (voir nos éditions précédentes).

La journaliste indépendante Safa Joudeh écrit sur le blog collectif Lamentations-Gaza [en anglais] :

Nos vies toutes entières ne sont plus qu'un long courant chaotique d'existence : faire la queue tous les matins pour remplir les containeurs d'eau au seul robinet qui fonctionne dans notre immeuble, pétrir du pain à la maison avec notre réserve de farine, en diminution, que nous avons réussi à obtenir quelques jours après l'offensive, lancer le groupe électrogène pendant 30 à 50 minutes le soir pour recharger les téléphones portables et regarder les actualités à la télévision. La constante de nos vies est la voix du reporter sur une petite radio qui donne des nouvelles toutes les quelques secondes des lieux et des bilans des explosions que nous venons d'entendre, ou d'autres attaques plus loin sur la bande. N'oublions pas de mentionner le bruit incessant de un ou plusieurs hélicoptères Apache de l'armée israélienne, des  F-16's ou des drones qui passent au-dessus de notre tête. […] Nous sommes maintenant incapables de faire la distinction entre la joie et la peur. Ma soeur, qui a 11ans, rit en imaginant comme les gens dans le monde entier regardent les événements horrifiants qui se déroulent dans la bande de Gaza. “C'est comme si nous étions un film d'horreur. Je suis sûre que les gens mangent du pop-corn en nous regardant” a-t-elle dit. Mes frères de 12 et 14 ans miment des scènes de notre réalité tout en citant des passages de Metal Gear Solid 4 et Guns of Patriots, leur jeu-vidéo préféré, et nous rions comme des fous devant leur performance. Quelques moments plus tard, nous sommes tendus à cause d'une explosion tout proche, violente comme un tremblement de terre, puis nous recommençons à rire quand l'immeuble arrête de trembler. Avant de revenir dans notre immeuble, je n'ai pas pu m'empêcher de le regarder pendant un moment et de penser que nos maisons pourraient bien ne pas toujours être sûres. Mais quoi qu'il en soit, elles nous donnent un sentiment de chaleur, de sécurité et de protection qui valent la peine qu'on se battent jusqu'au bout. Je n'ai pas pu m'empêcher non plus de regarder le ciel. Les étoiles était belles et elles semblaient briller plus intensément que jamais. J'ai pu reconnaître plusieurs constellations et j'ai compté cinq avions israéliens.

 Eva Bartlett, activiste canadienne actuellement à Gaza, sur le blog In Gaza  [en anglais] :

Certains matins, je me réveille à cause d'une nouvelle explosion et c'est là que je me rends compte que nous avons réussi à nous endormir malgré les explosions. D'autres matins, je me réveille désorientée, je me demande d'abord où je me trouve, étant donné que je dors dans la salle d'attente d'un hôpital, ou dans un bureau des ambulances, ou chez un ambulancier, puisque le Croissant Rouge de Jabaliya-Est a été d'abord bombardé, puis rendu inaccessible par l'invasion des forces israéliennes dans l'est de Jabaliya…et le nord, et le nord-ouest, et l'est, et le sud… […]

3:20 am: Je me suis levée et j'ai arrêté de faire semblant de dormir. [Je] Regarde l'obscurité exploser de haine politique, qui non seulement tue, mais baillonne la vérité. Je vois la haine dans chaque explosion qui secoue Gaza.

[…]

Des heures plus tard, après le lever du soleil, enfin : des femmes passent dans l'hôpital avec de grands plateaux recouverts de serviettes sur leur tête. Un petit réchaud électrique est branché, et elles prennent leur tour pour faire du pain pour leur famille : pas de gaz, pas d'électricité chez elles. Elles ont de la chance d'avoir de la farine, et je suppose qu'un tout petit peu d'aide alimentaire du tout petit peu qui filtre les a atteint. Mais ce n'est jamais assez.

Le professeur Saïd Abdelwahed, qui enseigne l'anglais à l'université de Al-Azhar University, sur Moments of Gaza [en anglais]:

Avec ma famille, nous avons été surpris par le retour de l'électricité, pour la première fois après quinze jours d'obscurité totale! Cela a été un grand moment pour les enfants. Maintenant, ils n'ont pas peur, même si des avions volent au-dessus de nous! Et nous pouvons aussi regarder quelques chaînes de télé, les autres sont bloquées.  Al-Jazeera et Al-Arabiya font partie des chaines bloquées. Maintenant, une explosion au loin : ma famille va bien ; ma mère, ma soeur, mes frères et leur famille sont plus en sécurité que moi, même si personne n'est en sécurité à Gaza ces jours-ci, mais toute chose dans la vie est relative.

 Natalie Abou Shakra, activiste libanaise présente à Gaza qui écrit sur le blog collectif Moments of Gaza, est hébergée par une famille palestinienne, et ne supporte pas l'idée que quelque chose puisse arriver au jeune fils de cette famille, Abdel Aziz [en anglais]:

Si quelque chose arrive à Abdel Aziz… Je ne sais pas si je pourrais continuer…Regardez dans les yeux de votre enfant…que se passerait s'il était massacré de la façon dont les Israéliens massacrent nos enfants… regardez-les quand ils dorment la nuit…dans leurs lits…est-ce que ce serait normal si vous ne saviez pas s'ils survivraient jusqu'au lendemain ? Est-ce que ce serait normal ?

Quand je suis sortie, Madame Wafaa m'a donné du pain à prendre avec moi pour manger…je sors et …“BOMBE”… Je suis projetée… ils ont bombardé le bâtiment adjacent…je me protège de la poussière…le sifflement dans mes oreilles est assourdissant…poussière sur mes cheveux…j'entends Madame Wafaa hurler mon nom…est-ce que je suis morte, je me demande ?  Non, je peux toujours sentir l'odeur de mes vêtements sales…je suis vivante…et l'odeur du sale est merveilleuse…je suis vivante…

Xen Hasan, depuis Manchester en Grande-Bretagne, raconte sur le blog Electronic Intifada la conversation téléphonique avec la famille de son mari, à Gaza [en anglais]:

Mon mari a réussi à joindre sa soeur aujourd'hui durant une communication courte et mauvaise. Elle va bien, ils vont tous bien, Dieu soit loué. Ils ont toujours du riz, et ils ont réussi à se procurer des bougies. Nous les appellerons à nouveau demain. Je prie pour que nous ayons des conversations normales à nouveau : qu'est-ce que tu as fait à l'école aujourd'hui ? Et le travail ? Qu'est-ce que tu prépares pour le diner ? Je rêve de pouvoir poser ces questions banales. Combien de jours encore devrons-nous passer ce coup de fil éprouvant, et nous demanderons-nous ce que ces craquements sur la ligne téléphonique signifient ?

Mohammad se trouve à Ramallah, en Cisjordanie, et lui aussi parle des coups de fils passés à sa famille à Gaza, sur le blog arabe-américain KABOBfest [en anglais]:

J'ai appelé ensuite Khan Younis. Jasim n'a pas décroché. J'espèrais qu'il était en train de dormir. Mahmoud a cependant répondu, mais il avait l'air distrait. Je pouvais entendre le poste de radio qui hurlait. Je lui ai demandé ce qui se passait. Il m'a répondu que les Israéliens avait bombardé le village de Khuza'a, à l'est, avec du phosphore blanc, et que beaucoup d'habitations avaient pris feu. Il était en train d'appeler des amis là-bas. Les gens couraient de maison en maison et de rue en rue, pour essayer d'éviter le contact avec les produits chimiques. Il [Mahmoud] essayait de savoir qui avait été amené à l'hôpital Naser, l'hôpital qui est à quelques pâtés de maison d'où je suis né. Il m'a dit qu'il y avait beaucoup de gens touchés car ils ont inhalé le produit chimique et la fumée. Personne ne sait vraiment comment soigner ça, et personne ne peut être sûr de l'éviter quand il se déverse depuis le ciel. […] La chose terrifiante, à Gaza, en ce moment, est que même les Israéliens ne semblent pas savoir ce qu'ils essaient de faire. Comme je l'ai dit au début de ce billet, les objectifs semblent changer constamment, et devenir toujours plus petits et moins ambitieux.  C'est utiliser des armes chimiques dans des quartiers densément peuplé, des missiles de F-16 sur des habitations de particuliers, des mosquées et des écoles. Cela a provoqué des centaines de morts, et encore plus de centaines de blessés, qui ne pourront jamais plus mener une vie normale.

Sharyn Lock, une activiste australienne qui écrit sur Tales to Tell, mentionne aussi des témoignages selon lesquels des bombes au phosphore sont utilisées :

Mo vient juste de parler avec sa soeur, sa famille était sous les bombes au phosphore toute la nuit dernière, à Khuza’a, à l'est de Khan Younis, elle a dit que les bombes sentaient comme les égoûts. Elle a dit que seulement dans leur quartier, il y avait 110 personnes atteintes par le phosphore. Aujourd'hui, ils ont fui leur maison et sont allés chez des parents. Ils ont appelé le ministère de la santé [palestinien] pour savoir s'ils avaient analysé les produits chimiques utilisés, mais ils ont répondu que malheureusement, ils n'ont tout simplement pas les moyens techniques pour le faire et qu'ils doivent attendre une confirmation de l'extérieur.  

Nous concluons cette revue de blog par une déclaration passionnée de Natalie Abou Shakra [en anglais]:

Prenez note : nos plumes tanguent dans toutes les directions. Elles insistent, persistent, et recrachent les balles de votre oppression.

Prenez note : nos carnets sont remplis des actes de vos intentions misérables, de vos crimes, jour après jour, contre notre existence, de vos menaces délirantes et de vos tortures atroces. 

Prenez note : nos langues survivront pour raconter, les contes de l'histoire de votre racisme, de votre monde d'apartheid, et de votre haine aveugle. 

Commentez

Merci de... S'identifier »

Règles de modération des commentaires

  • Tous les commentaires sont modérés. N'envoyez pas plus d'une fois votre commentaire. Il pourrait être pris pour un spam par notre anti-virus.
  • Traitez les autres avec respect. Les commentaires contenant des incitations à la haine, des obscénités et des attaques nominatives contre des personnes ne seront pas approuvés.