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Taïwan : Les agriculteurs bio de Taïwan

Catégories: Taïwan (ROC), Alimentation, Environnement

A Taïwan, un nombre croissant d'agriculteurs passent au bio [1], qu'ils cultivent le riz ou les légumes, les fruits ou les roses, le théier ou le caféier. Ces agriculteurs utilisent des blogs pour s'entraider ou pour vendre leurs produits.

Le “bio”, ce n'est pas aussi facile que ça en a l'air. Un horticulteur [2] relate l'histoire de ses roses biologiques [tous les liens sont en chinois ou en anglais] :

首先,土地必需休耕三年以上,栽種時不使用任何農藥及化學肥料,並以天然有機質及有機堆肥滋養土壤…必須定時調配辣椒水,適時驅趕這些「客人」;為了不使用除草劑,只好拿起鐮刀,一株一株地割除,用勞力及時間換取玫瑰生長的空間。

D'abord, on laisse les terres en jachère pendant plus de trois ans ; quand on plante les rosiers, on n'utilise pas de pesticides ou d'engrais chimiques ; on doit fertiliser les sols avec des substances naturelles… il faut faire bouillir de l'eau pimentée et l'utiliser pour expulser les “invitées” (araignées et chenilles)… Comme on n'utilise pas d'herbicide, il faut couper les mauvaises herbes à la faucille, une par une. Un espace pour faire pousser les rosiers demande du travail et du temps.

Et si l'horticulteur relâche ses efforts :

成群結隊的蚜蟲、毛毛蟲、蜘蛛等,攀附在玫瑰花上愉悅地享受大餐;宛若流寇的雜草大軍,淹沒了寶貴的玫瑰花田;讓人無力抵擋的白粉病及黑點病,一點一點占據玫瑰葉片…。

Il y aura une multitude de pucerons, de chenilles, d'araignées, etc. qui dîneront joyeusement de roses. Des flots de mauvaises herbes submergeront la ferme et les feuilles des rosiers seront inévitablement le siège de moisissures poudreuses et de mélanose.

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photo de justeating [3]

Il existe bien d'autres méthodes de culture. Comme faire pousser du riz avec des canards ? Un des adeptes de cette méthode [3] explique :

鴨子的工作量有限。平均來說,通常一分地大小的稻田需要放養二十隻鴨子,才能夠有效的去除雜草與害蟲…插秧七天後,就要自宜蘭買回剛孵出的鴨子,養十天再放入 田中適應環境,然後依著作息讓鴨子工作,白晝放養,昏夜圈養。插秧約八十天後,稻子開始抽穗時,趕緊將鴨子趕回水塘圈養,強制鴨子退休,不能再下田啦!

La charge de travail d'un canard est limitée. Pour une ferme de 0,1 hectare, il faut vingt canards pour se débarrasser efficacement des mauvaises herbes et des insectes… Sept jours après le repiquage des plantules de riz, nous achetons des canetons de la région de Yilan. Après dix jours, nous les lâchons dans les rizières et les laissons se familiariser avec l'environnement. Quand les canards “travaillent”, leur emploi du temps dépend de leurs habitudes : ils marchent et mangent dans les rizières pendant la journée et rentrent après la tombée de la nuit. Environ quatre-vingt jours après le repiquage, au moment où pousse la panicule du riz, nous remettons les canards dans notre mare, où nous les élevons. Ils prennent une retraite forcée et ne travaillent plus dans les rizières.

Même si les gratifications matérielles ne compensent pas les efforts des agriculteurs, ils essaient de garder le moral. Green-Mam [4] parle des escargots de sa ferme :

越乾淨的土地 , 就有越多的蝸牛 ~說到蝸牛 ~ 真的讓人恨的牙癢癢 , 前一天才種下的菜苗 , 隔天早上通通不見蹤影 …媽媽拿著手電筒道菜園查看 ~終於找到兇手 ~ 就是他 …..蝸牛

記得 ~ 以前只要下雨天 , 姐弟就會拿著籃子撿蝸牛去 ~ 回來一陣敲敲打打 ~ 再用木頭灰燼又搓又洗 ~ 晚餐就有炒蝸牛可吃。現在要吃炒野生蝸牛少之又少 , 如果有也貴的嚇人。乾脆通通抓起來 , 養他一陣子就有炒蝸牛可以吃。嗯 ! 這主意好像還不錯 ~

Plus la terre est riche, plus il y a d'escargots. A propos des escargots, ils sont vraiment haïssables. Les plants de légumes plantés aujourd'hui ont disparu le lendemain… En auscultant la ferme de nuit avec une lampe-torche, Maman a trouvé le meurtrier : c'est lui, l'escargot.

Je me souviens qu'il y a quelques années, mon frère et moi nous apportions un panier à la ferme pour ramasser les escargots les jours de pluie. Après les avoir écrasés et lavés avec des cendres de bois, on mangeait des escargots fris pour le dîner. C'est difficile de trouver des escargots sauvages fris de nos jours. Et si vous en trouvez, c'est très cher. Je propose qu'on récupère ces escargots et qu'on les élève pendant quelques jours, et ensuite on pourra manger des escargots fris. Hmmm, ça me paraît une bonne idée.

Un autre agriculteur [5] évoque avec humeur les mulots de son champ de patates douces.

就怕田鼠囂張,不待我們挖起便啃得蕃薯體無完膚。待可以讓好友們來蕃薯田玩時,還請大家與我們一起來參加「打地鼠」的遊戲,把這些肥滋滋的田鼠扭送法辦吧。

Nous avons peur que ces mulots ne soient suffisamment audacieux pour manger toutes les patates douces avant la récolte. Quand nous pourrons inviter nos amis dans le champ de patates douces, je vous promets de jouer à “l'attrape mulot” et de faire entendre justice à ces gras mulots.

Chaque ferme biologique a son histoire. En 1999, Taïwan a connu un violent tremblement de terre [6] [en anglais] de 7,3 sur l'échelle de Richter. Un grand nombre de personnes de ChungLiao, une des zones dévastées par le tremblement de terre, ont travaillé à faire revivre leur communauté. Ils ont ainsi mis sur pied en 2003 “Befarmer” [7], qui fournit des fruits issus de l'agriculture biologique.

Suite au même tremblement de terre, FriendshipCITW [8] a entamé un travail avec les populations indigènes de la rivière Taichung Daan (L’liung penux en langue atayale [9]) pour mettre en place une cuisine co-opérative [10] et vendre des produits bio.

Nombreux sont les agriculteurs bio à Taïwan qui peinent à vendre leurs produits. Certains organisent un marché pour les vendre ensemble. Ils organisent également des conférences pour apprendre conjointement. Hopemarket [11] est l'une de ces organisations qui établissent un lien privilégié entre les agriculteurs et les consommateurs. youngsing [12] remarque :

在合樸市集所結識的消費者,也常會來電鼓勵打氣…希望消費者與我們不單只是買與賣的商業行為,也可以吃到我們用心的產品,進而可以分享我們製作的過程和品嘗後的意見。這是我們最期待的。

Les consommateurs que nous rencontrons par le biais de Hopemarket nous appellent régulièrement pour nous encourager… Je souhaite que l'interaction entre les consommateurs et nous ne se limite à acheter et vendre. Je souhaite que les consommateurs puissent manger la nourriture que nous préparons avec attention. Et aussi, je souhaite que nous puissions partager avec eux les processus de préparation et qu'ils puissent partager leurs commentaires avec nous. C'est surtout ça que nous voulons.

Quand ils optent pour les méthodes de l'agriculture biologique, certains agriculteurs se concentrent sur la préservation des espèces endogènes et sur la création de valeur autour de ces espèces. Comme par exemple la goyave de Taïwan [13], qui a un parfum très riche mais est relativement petite et insuffisamment sucrée pour les consommateurs d'aujourd'hui. Quoique cette goyave n'ait pas grand succès sur le marché des fruits frais, on lui a trouvé, avec un peu d'imagination, un rôle d'ingrédient de charmants desserts.

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Photo justeating [13]

Parfois, il faut plus que de l'imagination pour faire pousser ces espèces locales : de l'expérience. Par exemple, un agriculteur explique que trouver des pousses de bambou en hiver dans ses montagnes est aussi difficile que de trouver des truffes en France. A la différence que les Français se servent de cochons pour trouver les truffes alors que les fermiers taïwanais trouvent les pousses de bambou grâce à leur seule expérience. Un agriculteur expérimenté [14] écrit :

沒經驗的人想找到冬筍可不容易。…產冬筍的孟宗竹不會聚在一起,每根竹子間的距離較大,生長竹筍的地下莖走向沒有一定規則,有時筍子會出現在距離母竹很遠的地方;如果當季缺水,就算翻遍山頭也找不到一根筍子。

Ce n'est pas facile pour un béotien de trouver des pousses de bambou… Ces bambous Moso ne poussent pas ensemble, la distance entre eux est importante. Leurs rhizomes sont irréguliers. Parfois les pousses apparaissent à un endroit très éloigné de la souche mère. S'il n'y a pas assez d'eau une saison, on ne trouvera aucune pousse dans toute la montagne.

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Photo de justeating [14]

En fin de compte, l'agriculture biologique ne change pas seulement les méthodes de travail des agriculteurs ; elle change également la façon dont ils perçoivent leur travail. Le mot de la fin revient à sioong [15] ;

曾經以為,農夫的工作就是種稻,現在才慢慢體會,農夫在不知不覺中種下的,是自己的心。…我們是最瞭解她的人,因為我們的心跟這片土地的距離,最近。

Je pensais que le travail d'un agriculteur était juste de faire pousser du riz. Aujourd'hui, je sais que c'est notre cœur que nous avons planté sans y prendre garde. Nous sommes ceux qui connaissent le mieux la terre, parce que la distance entre notre cœur et elle est la plus courte.