BriAnna Olson est une artiste américaine qui utilise son projet « Envoyer de l'amour vers l'Iran » pour tenter de faire voir la République islamique d'Iran à travers le regard d'une artiste contemporaine américaine. Le projet a démarré de manière inattendue sur le site de l'ex-World Trade Center, le jour du cinquième anniversaire des attentats du 11-Septembre, alors que BriAnna s'y tenait avec une pancarte sur laquelle était écrit : « Un amour sans condition, c'est la sécurité pour tous ». BriAnna s'est récemment rendue à Téhéran avec l'un de ses amis, Michael Pope, artiste multimedia. Ils y ont rencontré de nombreux artistes, conservateurs de musée et même des responsables religieux. Leur expérience a été en grande partie racontée sous forme de chroniques et retransmise en direct sur la toile, où ils se sont fait remarquer dans le monde des médias citoyens.
Ci-dessous, leur vidéo tournée dans le parc Mellat, au nord de Téhéran :
Mellat Park // Nord de Téhéran, par BriAnna Olson sur Vimeo.
BriAnna Olson fait part de cette expérience, dans une interview accordée à Global Voices.
Q : Pourquoi avez-vous choisi d'appeler votre projet « Envoyer de l'amour vers l'Iran » et qu'est-ce que cela signifie ?
Le projet était au début comme une sorte de défi – une inconnue, une Américaine, m'a vilipendée parce que j'avais en main une pancarte sur laquelle était inscrit « un amour sans condition, c'est la sécurité pour tous ». C'était à l'occasion du cinquième anniversaire des attentats du 11-Septembre et je me tenais silencieusement sur le site du World Trade Center parmi des manifestants, des personnes en deuil et des badauds. Cette femme a immédiatement stigmatisé l'Iran, évoquant les Guerres Mondiales et m'enjoignant de me rendre sur place pour « voir quel amour vous ressentirez là-bas ». J'étais d'autant plus fascinée par son mode de pensée qu'elle semblait faire partie de la classe moyenne éduquée américaine. Premièrement, elle avait interprété un énoncé philosophique comme une insulte et, visiblement, elle l'avait prise pour elle-même. En second lieu, son allusion instantanée à l'Iran m'a donné l'impression qu'elle n'avait l'habitude que des médias traditionnels. Enfin, elle se comportait comme si elle en savait plus que moi au sujet de l'Iran mais j'étais convaincue qu'elle n'y avait jamais mis les pieds.
Permettez-moi également de dire que j'ai commencé en en sachant vraiment très peu sur l'Iran. Je suis une Américaine pure souche, élevée dans une petite ville protestante et je suis moitié cubaine, moitié caucasienne. N'ayant rien appris de l'Histoire du Moyen-Orient ou de l'Asie durant ma scolarité, j'ai démarré ce projet avec une simple ébauche d'idée sur la question.
J'ai décidé de suivre le conseil de cette femme et de me rendre en Iran, mais dans le cadre d'un vrai projet et avec l'idée de partager mes découverte avec le monde. Je voulais trouver un nom à consonnance pacifique pour ce projet. Et, étant une adepte inconditionnelle de l'idée selon laquelle « on récolte ce que l'on sème », je souhaitais annoncer des intentions fondées sur l'humanité et faire comprendre que je n'allais pas partir en Iran avec l'idée de régler quoique ce soit.
Q : L'Iran n'est pas un endroit facile à vivre pour les artistes. Une galerie a récemment dû fermer ses portes car accusée d'avoir exposé des photos immorales. Vous avez rencontré des artistes iraniens et visité des galeries et musées. Comment les artistes iraniens font-ils pour s'exprimer et relever les défis ?
En général, les galeries d'art iraniennes s'autocensurent, tout ce qui pourrait être considéré comme « immoral » est conservé dans la réserve, à l'abri des regards du public. Globalement, tout le monde est content. Une partie des œuvres sont estampillées « réservées à l'exportation », ce qui veut dire embarquées vers des destinations comme Dubaï ou Istanbul pour y être exposées. Ou alors, elles sont vendues en ligne.
Je pense que la vie privée reste importante et appréciée à Téhéran, pour des raisons évidentes, et je crois que la plupart des artistes parviennent à s'exprimer pleinement dans des lieux privés que sont les habitations, les collections personnelles ou les galeries privées. C'est compter bien sûr sans les tabous sociaux susceptibles d'empêcher n'importe quel artiste de s'exprimer librement où qu'il soit dans le monde.
Le vrai défi est de rendre cet art visible au public, afin que l'art et l'expression créatrice remplisse, me semble-t-il, l'un de leur rôle essentiel. Internet peut être un formidable espace et bien que le gouvernement ait placé un certain nombre de verrous sur différents sites, il y aura toujours des gens pour les faire sauter. Et il existe des tas d'alternatives à YouTube et à MySpace.
Je pense que l'un des effets secondaires du contrôle exercé par le gouvernement a été de forcer les artistes iraniens à rejoindre une tribune mondiale pour faire entendre leur voix, ce qui est vraiment une bonne chose pour tout le monde.
Q : Vous avez un blog, Send my love to Iran, sur lequel vous publiez vos photos et vidéos. Comment les gens (Américains ou pas) réagissent-ils à ce que vous mettez en ligne ? Est-ce que les artistes iraniens utilisent les médias personnels pour exprimer leurs idées et montrer leur travail ?
Globalement, je pense que les gens apprécient une source d'information différente qui offre une autre vue de l'Iran. Exemple de média citoyen, LifeGoesoninTehran.com [en anglais] est un formidable blog de photos, créé par un artiste iranien vivant à Téhéran. C'est vraiment une admirable autre vision des choses, proposée par quelqu'un qui a également vécu en Californie pendant des années. Je pense qu'il devrait exister plus de blogs comme celui-là, et peut-être qu'il y en a en farsi (je ne parle pas le persan). J'adorerais qu'il y ait davantage de médias en ligne visibles et conséquents, mis en place par des artistes iraniens, mais je pense qu'il subsiste une certaine paranoïa, tout comme le désir d'éviter d'attirer l'attention du gouvernement.
Q : Beaucoup d'Occidentaux se rendent en Iran et disent que le pays est différent de ce qu'en montrent les médias occidentaux. Partagez-vous ce sentiment ? Pensez-vous que les médias personnels peuvent aider à combler les lacunes ?
Oui, je pense que les médias personnels peuvent combler les lacunes. S'il y avait davantage de volonté de la part des Iraniens de partager ce qu'ils ont sur le cœur et à l'esprit, à travers de simples blogs ou sous forme de journaux mis en ligne, je pense qu'il se trouverait sans doute quelqu'un pour s'y intéresser et traduire ces pensées, afin de participer à dresser un portrait plus juste de l'Iran aujourd'hui.