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Guyana : Le linge sale du Président se lave sur Internet

Catégories: Caraïbe, Guyana, Economie et entreprises, Femmes et genre, Média et journalisme, Médias citoyens, Migrations & immigrés, Politique

Si le nouveau Président des Etats-Unis d'Amérique [1] [en anglais] est devenu le chouchou des habitants de la Caraïbe [2], le Président du Guyana [3] [en anglais], lui, vit des temps beaucoup plus difficiles. Il s'est rendu ridicule dans une série de mésaventures ou de bévues telles que mettre la police à la recherche des créateurs d'une fausse page Facebook à son nom [4] et critiquer le manque de réaction de son propre gouvernement après les récentes inondations qui ont touché le pays [5]. Il y aussi la toute dernière polémique venant de son ex-épouse qui a divulgé les difficultés rencontrées dans le secret de leur relation tumultueuse [6] ainsi que le récit de l'apparente incapacité du Président Jagdeo [7] à trouver un accord pour leur divorce. Comme il fallait s'y attendre, les blogueurs se sont emparés de ces histoires… [tous les liens sont en anglais]

Living Guyana a été le premier à l'évoquer, en publiant la déclaration complète [8] faite par l'ex-épouse du président, Varshnie Singh, lors d'une conférence de presse, dont le contenu l'a laissé “mal-à-l'aise [9]” [tous les liens sont en anglais]:

Le jour suivant l'investiture du Président américain Obama, on avait d'un côté le sentiment que le monde était sur la bonne voie en voyant cette adorable famille et surtout cette petite Sasha, si mignonne, et de l'autre, on était démoralisé par les révélations sur le comportement violent de notre propre président. Et puis, on pense qu'il n'y a plus aucun espoir pour notre pays, quand notre plus haut responsable de l'Etat est apparemment si mesquin, vindicatif, si petit et malveillant à l'égard d'une femme, sur laquelle il a promis de veiller pour le meilleur et pour le pire.

Quel espoir nous reste-t-il à nous ses sujets, dont il ne sait absolument rien?

Le blogueur est resté insensible [10] à la réponse officielle provenant du Cabinet du Président [11], mais anticipe avec une grande inquiétude la réaction que cette situation créera chez les femmes du Guyana [9] [en anglais]:

Le plus triste, c'est que l'on sent déjà venir les conséquences…pas du président, dont le communiqué de presse en dit des tonnes sur son silence au sujet de ses affaires personnelles, mais plutôt des femmes du Guyana. Celles-ci vont désormais soutenir Bharrat Jagdeo, telle une cour d'autant de concubines écervelées, en montrant du doigt l'ex-épouse, étrangère venue d'Angleterre, qui n'a pas su retenir “son mec”.

La plupart des blogueurs se montrent compatissants à l'égard de l'ex Première dame du Guyana [12]. Par exemple, Living Guyana [13] a qualifié les réactions des médias de “timides” [en anglais]:

On constate une traitement superficiel des problèmes réels qu'a soulevés Varshnie Singh-Jagdeo hier. Les médias traditionnels sont passés à côté de la négligence progressive ainsi que des violences domestiques dont a souffert cette femme, des mains de son époux, le Président Bharrat Jagdeo.

De plus, la réponse du Président Jagdeo est reprise intégralement, ce qui semble très, très suspect. On remarque aussi qu'il y a une volonté délibérée de ne pas faire figurer cette histoire en première page, en en faisant des tonnes sur l'investiture de Barack Obama.

Peut-être un journaliste d'investigation entreprenant devrait-il enquêter sur les raisons pour lesquelles cette histoire n'a même pas été reprise par le Kaieteur News ; en effet, M. Harris, le rédacteur en chef du journal a avancé l'argument que ceci concernait la ‘vie privée’ du couple présidentiel. Il a dû malgré tout l'ajouter à la publication, après un soulèvement de taille dans la salle de rédaction, la nuit dernière ; les journalistes n'avaient eu d'autre choix que de menacer de démissionner si l'article n'était pas publié.

Le blogueur a ensuite publié une série de billets reprenant des détails spécifiques [14] de la déclaration de l'ex-épouse du président, dont le meilleur est un billet qui détaille les douze premières exigences de l'ancienne première dame du pays [15] [en anglais].

Dans le même temps, la blogueuse de la diaspora guyanaise Signifying Guyana [16] [en anglais] présente une perspective féminine sur cette histoire:

Pourquoi devrait-on s'y intéresser ? Parce qu'elle en sait beaucoup sur les douleurs profondes de ce pays.

Il est indéniable que Varshnie Singh est une ex-Première Dame qui a  donné beaucoup de son temps aux malades et aux infirmes de ce pays. Elle leur a consacré du temps ainsi qu'à leur famille, et a laissé une trace dans leur vie. Elle doit en savoir beaucoup sur la vie des défavorisés et des laissés-pour-compte au Guyana.

Elle a parlé haut et fort, parce que vous ne pouvez pas le faire. Elle s'est faite entendre parce que vous ne le pouvez pas. Elle pourrait largement diffuser le message suivant : si le président du Guyana se permet de traîter son épouse avec autant de mépris, d'abord en privé, puis en public (en ne daignant pas s'intéresser à ses accusations de négligence et de violence dans leur mariage), alors, qu'est-il possible d'attendre de lui pour les femmes victimes de violence au Guyana?

Elle l'a fait parce qu'elle sait que vous ne pouvez pas le faire.

De son côté, Guyana 911 [17] [en anglais] essaye tout de même de considérer la situation du point de vue du président:

Voici ma conclusion en quelques mots :

Il est injuste de la part de quiconque de traîter M. Jagdeo de monstre, en se basant sur des allégations. Il est clair qu'il y a des choses qui sont soit vraies soit fausses. D'autres sont des allégations et devraient être traitées avec plus de prudente. Alors, que dire de l'accusation faite à Jagdeo d'être méchant à l'égard de son ex-épouse ou de ne pas lui parler ? Ceci peut être vrai ou pas, ou peut-être une exagération due aux affects. C'est à vous de voir.

Elle rêve d'accomplir des choses utiles en apportant son aide et tant mieux, pourtant, elle n'a pas été très efficace dans sa démarche et M. Jagdeo n'a pas su la tenir informée. Ce n'est pas parce qu'elle rêve de faire de bonnes actions que tout le monde doit sauter à pieds joints pour réaliser ses projets. Nous avons tous nos rêves.

Rien n'oblige le gouvernement à sauter à pieds joints dans ses projets, et à fournir les véhicules nécessaires. Rien ne l'oblige non plus à lui accorder un bureau dans le bureau du président. Le gouvernement n'est pas tenu de financer ses voyages à l'étranger pour ses actions de bienfaisance. Le gouvernement n'a pas à lui donner un local pour ses activités de levées de fonds. Il ne faut pas s'attendre à trouver des terres disponibles dans le pays, prêtes à être utilisées par quelqu'un qui voudrait y réaliser un rêve. La décision de lui permettre de rester dans la résidence présidentielle après leur séparation est du seul ressort de M. Jagdeo.

L'affaire fait grand débat dans la blogosphère du Guyana, où l'on se demande si elle relève de la sphère privée ou publique.  Une femme méprisée ou un mari insensible ? Au même titre que la présidence de Barack Obama, seul le temps pourra répondre à ces questions en suspens.