- Global Voices en Français - https://fr.globalvoices.org -

Madagascar : Une tempête peut en cacher une autre

Catégories: Madagascar, Catastrophe naturelle/attentat, Élections, Gouvernance, Liberté d'expression, Médias citoyens, Politique

Quelques jours après le passage du cyclone Fanele sur Madagascar [1], un bilan officiel des dommages causés a enfin été publié. Le Président Ravalomanana a visité l'une des régions touchées pour estimer l'étendue des dégâts.

Des informations de citoyens en ligne

Alors que le BNGRC  (Bureau National de Gestion des Risques et des Catastrophes) n'a toujours pas de site web officiel, des informations sur les dégâts causés par le passage du cyclone ont été compilées et mises en ligne, et situées sur une carte Google map [2], par deux blogueurs, Marie Sophie Digne [3] et Tomavana [4] [également en malgache et en anglais].

ReliefWeb [5] [en anglais] publie un bilan des dommages provoqués ces intempéries, d'après une source de l'ONU :

Les derniers chiffres du BNGRC indiquent que le cyclone Fanele a provoqué huit décès et touché 40 400 personnes […] Le BNGRC ajoute que 63 000 personnes sont en danger à Menabe si les fortes pluies continuent. Des équipes de secouristes évaluent déjà les dégâts provoqués par les deux tempêtes, et le bilan pourrait s'aggraver lorsqu'on rassemblera plus d'informations sur la totalité des pertes.

Des remous politiques

La blogosphère malgache est également pleine d'informations et de commentaires à propos de la manifestation du 24 janvier 2009 à Antananarivo et de l'appel du maire de cette ville, Andry Rajoelina, à une grève générale pour défier le gouvernement.

Plusieurs blogueurs publient des informations sur cette manifestation. Jentilisa en a fait un compte-rendu en direct [6] [en malgache], et on peut aussi trouver des photos de l'événement sur ce blog [7] [en anglais] et sur Facebook [8].

Ariniaina [9] [en anglais] fait un bref résumé du contexte de cette agitation politique :

Andry Rajoelina (surnommé Andry TGV) possédait une chaîne de télévision appelée VIVA, et il possède toujours une radio du même nom. Le ministre des télécommunications a décidé de fermer la chaîne de télévision VIVA parce qu'elle avait diffusé un documentaire. C'était un message de l'ancien Président de Madagascar, Didier Ratsiraka […] Depuis, le Maire (de Antananarivo, Andry Rajoelina) a lancé un ultimatum au gouvernement, demandant la réouverture de VIVA TV avant le 13 janvier […] Comme Andry n'a pas obtenu satisfaction, il a demandé à la population de Tana se mettre en grève à nouveau le 24 janvier.


(photo de la manifestation : Ariniana [10])


Jentilisa [11]
[en malgache] analyse en profondeur les discours des deux camps et met en garde contre la diffusion de rumeurs non vérifiées :

Toy izany ihany koa nisy hazo nianjera tao amin'ny kianjan'ny demaokrasia, noho ny fahanterany mazava loatra (tatitra heno tamin'ny radio tana, kidaona maraina) nefa misy manadrohadro hoe “lazao fa sabotazy ihany koa e!”; eo indrindra isika, fambara zavatra amin'ny hafa hatrany ny zavatra toy izany na dia tokony ho tsy misy dikany aza. Eo amin'ny toe-tsaina minomino foana mbola ananan'ny maro dia mbola fampitandremana aloha izay,

Un arbre est tombé dans le parc d'Ambohijatovo [rebaptisé “Place de la Démocratie” par Andry Rajoelina] où le rassemblement avait lieu, à cause de l'affluence qui était évidente (message entendu à la radio). Mais certains en sont encore à dire que “c'était un sabotage”. Voilà où nous en sommes, à parler de choses insignifiantes à la place. Nous sommes encore tellement enclins à croire tout ce que nous entendons, et je voudrais mettre en garde contre cela.

Avylavitra [12] [en malgache] rappelle que le gouvernement tente aussi de mettre fin à radio VIVA et que les raisons avancées pour une telle fermeture ne tiennent pas. Une loi interdit aux radios privées d'émettre dans tout le pays. Pourtant, MBS, une radio qui soutient le gouvernement, émet nationalement depuis 5 ans, sans aucune menace de censure :

Tsy hoe fanenjehana ny MBS akory no ilazako izany fa filazana kosa hoe ‘Natao ho an’iza ny lalàna?’

Je n'essaie pas de vouloir faire de MBS un exemple. Je me demande juste si la loi ne s'applique pas qu'à quelques uns.

(Le T-shirt “yes we can” d'un militant malgache, photo de Avylavitra [13])

L'Histoire se répète

La journaliste et blogueuse Mialisoa Randriamampianina [14] est déçue de voir se rejouer les événements de 2002, avec les mêmes erreurs, la même rhétorique belliqueuse et une démocratie très loin d'être adulte :

À défaut d’une véritable culture politique, ce grand public se rabat sur la bonne vieille offuscation des éternelles victimes, le ton toujours plus haut, la prudence toujours bradée [..] Ainsi faisait-on en 2002, ainsi fait-on en 2009 [..]: la rue est devenue le chemin forcé, la menace, le recours incontournable. Et au bout, une implosion qui n’est pas forcément utile. Il y a sûrement une juste manière de se faire comprendre, en dehors des intimidations un peu trop faciles et de la condescendance maladroite. En attendant un peu de sang-froid, on en est tous là, en train de naviguer à vue d’œil ou à l’aveuglette. Et on appelle cela « une quête de la démocratie »…

Randy [15], qui est aussi blogueur et journaliste, pense que Madagascar n'est peut être pas encore une nation prête à connaître un réel processus démocratique :

Et c’est bien ce qui inquiète une partie de l’opinion. Car, dans tous les pays du continent qui se sont livrés à ce jeu, c’est toujours par des manifestations d’une spontanéité suspecte que commence la mise en scène.

L'ironie de la situation, qui veut que l'actuel Président soit menacé de perdre le pouvoir par une mobilisation de la rue qui rappelle sa propre conquête du pouvoir, n'échappe pas à Rajiosy [16] :

L’ironie de l’Histoire veut que celui-là même qui a outrepassé l’Etat naguère a eu pour tâche de restaurer l’autorité de cet Etat et de stabiliser ses institutions. Il se retrouve aujourd’hui mis en demeure de conforter cette pérennité. Tâche difficile on l’a vu face à une partie de population versatile.

Une “twittosphère” en devenir ?

L'émergence d'une “twittosphère” malgache active, réagissant en temps réel, est une des surprises accompagnant ces derniers événements politiques. On peut suivre la succession chronologique des tweets [17]sur ce sujet en cherchant sur Twitter #madagascar [17] :