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Bahreïn : Les blogueurs unis contre le blocage d'Internet

Catégories: Bahreïn, Cyber-activisme, Droit, Liberté d'expression, Manifestations, Médias citoyens, Politique, Technologie

Les blogueurs du Bahreïn [1] enragent contre la décision de la Ministre de l'Information de bloquer l'accès [2] [en anglais] à un grand nombre de sites web [3] [en anglais], et d'interdire l'accès à des serveurs proxys [4] qui permettraient d'accéder à ces sites en contournant ce blocage.

Ammaro [5] répond à la ministre [en anglais] :

MINISTRE ; VOICI UN MESSAGE SPÉCIAL POUR VOUS. VOUS POUVEZ BLOQUER UNE PORTE, VOUS POUVEZ EN BLOQUER DEUX, MAIS VOUS NE POURREZ JAMAIS CENSURER INTERNET, QUE ÇA VOUS PLAISE OU NON. IL Y A MILLE ET UNE FAÇONS DE CONTOURNER VOS BLOCAGES, ET VOUS N'ARRIVEREZ JAMAIS À LES CONTRÔLER TOUTES.

Rayyash [6] fait part de sa surprise [en arabe] :

إنتبتني الدهشة وأنا أشاهد القرار الصادر عن وزيرة الإعلام والقاضي بحجب المواقع على صفحة الانترنت، وسبب الدهشة ليست الشق الخاص بإغلاق المواقع الإباحية والتي أتفق واطالب بحجبها جميعاً ولكنه الشق الخاص بإغلاق أي مواقع آخر قد يصدر قرار بشأنه!!! والسبب هو أني دائماً لا أعول كثيراً على حسن الظن بالأنظمة العربية!!
Quand j'ai lu l'ordre émis par la Ministre de l'Information de bloquer les sites Internet, ça a été une surprise. La raison de cette surprise n'a pas été l'interdiction des sites pornographiques avec laquelle je suis d'accord, mais le fait qu'il soit annoncé que tout site pourrait également être bloqué. Je ne crois pas que les gouvernements Arabes aient de bonnes intentions.

Hussain Marhoon [7] a un point de vue différent [en arabe] :

في المبدأ، شخصياً فأنا ضد قرار الحجب في المطلق، بما في ذلك حجب المواقع الجنسية. وإذ لست أدري ما قيمة أن أكون “ضد”، مع ترجيح أن تكون لا شيء، أدري في المقابل عن موجة “التديين” التي صارت تطال بالتقسيط، نواحي حياتنا.
Je suis par principe contre l'interdiction de tout site web, et cela comprend les sites pornos, même si je ne vois pas l'intérêt d'être “contre”. Je constate qu'une vague de religiosité commence à influencer tout ce qui fait notre vie.

Jenan [8] se demande [en arabe] :

لم لا نحظى بحرية الكلمة و أيننا من ليبرالية التعبير يا هل ترى؟
Pourquoi n'avons-nous pas la liberté d'expression et où en sommes-nous des progrès attendus en ce domaine ?

Mohammed Marhoon [9] se pose aussi des questions [en arabe] :

ألسنا في عصر الإصلاح والشفافية؟!.. لا مبرر لفرض الوصاية على المرسل و الملتقي على حد سواء!
Ne sommes-nous pas dans une période de réformes et de transparence ? Il n'y a pas d'excuse pour vouloir imposer un surveillant à l'expéditeur et au receveur en même temps !

The Redbelt [10] écrit [en anglais] :

Permettez-moi de vous peindre un paysage :
C'est les années 1980. Pas d'Internet ni de télés par satellite ni rien. Les seuls moyens de communication que nous avons avec le monde extérieur sont les cassettes vidéo et audio, les livres et les magazines. En cette période plus simple, interdire quelque chose pourrait vraiment marcher. Si le gouvernement dit pour une raison ou une autre qu'un film par exemple est inacceptable et indésirable, la majorité de la population, si ce n'est la totalité, ne le verra pas. Les cassettes seront facilement trouvées et confisquées. Et alors ? La censure à cette époque était plutôt efficace. Mais c'était il y a très, très, TRÈS longtemps. Voyez mon frère, il n'était qu'un projet en 86 et il est né en 87. Aujourd'hui c'est un grand type de 1 m 86, qui porte le bouc, a le permis de conduire et un diplôme universitaire. Les médias ont changé de la même façon.

Eyad [11] s'interroge sur la logique économique d'une telle décision [en anglais] :

Ne considérons pas Internet comme une autoroute de l'information mais comme un service, les gens, chez eux, paient chaque mois une bonne somme, seulement pour avoir accès à Internet et y prendre du plaisir, et [les entreprises des télécommunications] investissent de façon importante dans les réseaux et les technologies pour fournir une connexion à chaque foyer et à chaque entreprise dans le pays ; que se passera-t-il si les gens, étant donné ce qui vient d'arriver, résiliaient leur abonnement Internet ou avaient recours à d'autres possibilités, comme l'abonnement partagé, comment les FAI [12] pourraient rentabiliser leurs investissements et leurs efforts pour améliorer le service alors que le Gouvernement ne fait rien pour les aider ?

Funaki [13] écrit [en anglais] :

Nous avons été  dotés d'un esprit à nous, que nous pouvons employer pour prendre des décisions et distinguer entre le bien et le mal. Je n'ai pas besoin qu'une personne extérieure vienne me dire ce qui est bien et ce qui est mal.

Yagoob [14] exprime un point de vue proche, et il demande à la ministre de renoncer à sa décision [en anglais] :

Les gens devraient être libres de faire ce qu'ils veulent en ligne, que ce soit risqué ou un péché n'est pas l'affaire de l'état… Nous ne sommes pas un troupeau qu'on doit conduire et à qui on doit montrer le “bon” chemin, ou plutôt “celui du gouvernement”. […] Madame la Ministre, le blocage de ces sites web continuera, à brève et à longue échéance, à saper les libertés accordées au peuple du Bahreïn par la Constitution, et quoi qu'il en soit privera les habitants du Bahreïn de sites web utiles sans aucune raison. Veuillez s'il vous plaît réexaminer cette décision et lever l'interdiction de ces sites web et permettez-nous, en tant que peuple, de devenir plus instruits, informés et inspirés…

Hussain Yousif [15] ironise [en anglais] :

Je voudrais remercier le gouvernement pour nous rappeler que le Bahreïn est encore un autre exemple de pays du Tiers-Monde où la liberté est un sujet dont on parle, mais qu'on ne vit pas.

Silly Bahraini Girl [16] est encore plus mordante [en anglais] :

Ce n'est pas un autre pas en avant pour brider ma liberté d'expression, car je suis libre de dire et d'écrire ce que je veux, même si personne ne m'écoutera. Ce que je ne suis pas libre de faire est de surfer sur Internet comme j'en ai envie, parce que je suis une enfant aux yeux du pouvoir, une enfant à qui on devrait dire ce que je suis autorisée ou pas à lire. Et puisque personne n'écoute, je voudrais remercier le gouvernement de bloquer l'accès à tous ces sites web et je voudrais lui demander de bloquer l'accès à tout l'Internet parce que franchement, nous n'en avons pas l'utilité.

Sous [17], une Suédoise qui vit au Bahreïn, est furieuse [en anglais] :

C'EST INSENSÉ ! TOTALEMENT INSENSÉ !! J'EN SUIS SUFFOQUÉE ! C'EST INSENSÉ !

Suad [18] se demande [en arabe] :

الم يفكر المسئولون في النتائج العكسية لقراراتهم، للاهمية التي يسبغونها على بعض المواقع التي لا شأن لها ولا قيمة .. بالشهرة والشعبية التي ستحققها بسبب تهافت وتزايد المترددين عليها من باب ان كل ممنوع مرغوب؟
ماذا استفاد المواطن أو الدولة من قرارات الحجب غير تراجع سمعة البحرين ومسيرتها الاصلاحية وانعدام الشفافية وانتهاك حرية التعبير وإرجاعنا الي عصور التخلف والظلام؟
Les autorités ne comprennent-elles pas les effets négatifs de leurs décisions et l'importance qu'elles donnent à des sites qui n'ont aucune valeur ni popularité dans la société. N'ont-elles pas pensé que plus de gens maintenant voudront accéder à ces sites car tout ce qui est illégal devient plus attirant ? Quel bénéfice tireront de cette interdiction les citoyens et la nation, à part d'avoir terni la réputation et l'avancée des réformes du Bahreïn, [et de montrer] son manque de transparence, ses attaques contre la liberté d'expression, et notre retour aux temps obscurs où nous étions arriérés ?

Mohammed Zainal [19] ne parvient pas à y croire [en anglais] :

C'est triste, sérieusement, ce n'est pas drôle, j'écrivais dans mon billet précédent à quel point la technologie est en train d'évoluer et comment les gens s'en servent pour de nouvelles utilisations tous les jours, transforment le paysage médiatique, en poussant les gens à utiliser les outils et les éléments du Web2.0 ++ [20]
Est-ce que c'est ça que doit devenir notre “Âge de l'Engagement” ?

MuJtAbA AlMoAmEn [21] pense que le blocage des sites n'est pas la solution [en arabe] :

صحيح إن هناك منتديات بالفعل طائفية واستحقت الإغلاق لكن أقران هذه المنتديات من الطرف المقابل لم تغلق وهي تعمل ليل نهار شتماً وتحريضاً أيضاً .
ثم إنني لا أرى أية فائدة تقنياً من المنع فالوسائل كثيرة ، كما وإني مع عدم رضاي بالجو الطائفي المشحون المقبل للإنفجار إلا أنني أتقبل ما يحصل لأن مصدره شعب حقيقي مأزوم ومشحون ومتشرب للطائفية ، فما يحصل على المنتديات هو يعبر بدرجة كبيرة عن آراء تلك الفئة الغير قليلة في مجتمعنا ، ويبقى الحل سياسياً لا بيد وزيرة الإعلام ولا غيرها
C'est vrai qu'il y a en réalité des forums en ligne qui sont sectaires et qui méritent d'être fermés, mais je dois dire que les forums en ligne à l'autre extrémité du spectre [politique et religieux] n'ont pas été fermés et continuent de fonctionner jour et nuit en hurlant leurs insultes et en tentant de provoquer des troubles. Une fois encore, je ne vois aucun intérêt technique à cette interdiction, et alors que je désapprouve la situation sectaire explosive, je pense que ce qui se passe est la conséquence des gens réels qui souffrent de la crise et sont plongés dans le sectarisme. Ce qui se passe sur les forums reflète, dans une grande mesure, les opinions d'une grande partie de notre société. Et la solution politique ne réside pas dans les mains de la Ministre de l'Information ou de qui que ce soit d'autre

Hayat [22] se demande comment la décision a été prise [en arabe] :

اعتقد بإن حجب المواقع الإلكترونية سلوك بدائي و متخلف و ينتهك حق حرية التعبير و الحصول على المعلومات .. فلا ديمقراطية دون حرية تعبير .. و لا توجد دولة دستورية ديمقراطية تحجب المواقع الإلكترونية … و لا يصح حجبها من خلال قرارات ادارية مزاجية يشترك فيها اعضاء من السلطة التنفيذية و السلطة القضائية و جهاز الأمن الوطني .. فلا يصح تداخل هذه السلطات معا .. فأين هو الفصل بين السلطات ؟
Je pense que le blocage de ces sites web est grossier et rétrograde et viole les droits à la liberté d'expression et à un accès libre à l'information. Il n'y a pas de démocratie sans liberté d'expression… et pas de démocratie constitutionnelle qui bloque des sites web… et ce n'est pas conforme au droit d'interdire ces sites par des décisions administratives qui sont arbitraires et qui sont prises par les membres du pouvoir exécutif, judiciaire et l'Appareil de la Sécurité Nationale… Il n'est pas convenable que ces pouvoirs interviennent et travaillent ensemble, et s'ils le font… où est la séparation entre les différents pouvoirs ?

Khalid [23] ajoute [en arabe] :

اعتقد أن السلطة القضائية هي السلطة الوحيدة و الشرعية التي بيدها أن تقرر حجب المواقع الالكترونية من عدمه
Je crois que le pouvoir judiciaire est la seule autorité légale qui peut décider ou non d'interdire tout site web.

Qassim Ahmed [24] a une autre idée [en arabe] :

السلطات البحرينية التعسفية تود اغلاق الإنترنت لتجعل الناس يبكون على ما أغلق فتفتح لهم مرة أخرى المواقع المليئة بالإباحية و العنف و تنزيل الأفلام و البروكسي و غيرها و يقول الناس حينها “لقد عادت الحرية مرة أخرى!”
…les autorités du Bahreïn veulent bloquer Internet pour que les gens protestent à propos de ce qui a été bloqué, comme ça quand elles rouvriront les sites pornos, violents ou de téléchargement de films, les proxys comme les autres sites… alors les gens diront : “La liberté est revenue !”

Enfin, dans un autre billet, Ammaro [25] affirme qu'il a trouvé ce qu'il se passe vraiment [en anglais] :

Vous vous rappelez de Matrix [26] ? Comment le monde dans lequel les humains vivent, qu'ils croient réel, et en réalité complètement inventé ? Juste une illusion ? C'est sans doute la situation d'Internet au Bahreïn. Internet n'est rien qu'une illusion créée par le gouvernement du Bahreïn, pour que vous puissiez croire que vous vous connectez au monde extérieur, alors qu'en réalité on vous maintient complètement isolés de tout et de tout le monde à l'extérieur. Tous les sites que vous visitez, depuis le début, ont été créés par des employés du Ministère de l'Information ; tous. Il y a un type qui rédige le site de CNN, et invente les nouvelles du monde, un autre qui tient le site de la BBC. Il est évident qu'ils travaillent assis l'un à côté de l'autre ; leurs informations sont presque exactement les mêmes sur leurs deux sites… […] Nous vivons un mensonge. La dernière interdiction des sites web n'est pas vraiment un “blocage” des sites web. C'est en réalité une conséquence de la Crise Mondiale du Crédit, le Ministère a dû licencier un grand nombre de ses employés par manque d'argent, et ne peut plus faire fonctionner autant de sites web qu'auparavant. D'où cette interdiction.