Il y a encore peu de temps, beaucoup de régions du Tadjikistan n'avaient que peu d'électricité : seulement six heures par jour. Mais au moins pendant ces six heures l'alimentation était stable. À présent la situation est pire.
Le Turkménistan a coupé l'alimentation en électricité à destination du Tadjikistan début 2009, à cause d'un désaccord entre ce dernier et l’Ouzbékistan sur le coût du droit de transit de l'électricité. neweurasia explique [en anglais] la raison du conflit entre les deux états :
L'Ouzbékistan demande 10 % des 0,03 $ par kilowatt payés par le Tadjikistan au Turkménistan. Cet état riverain de la mer Caspienne devait par contrat fournir 1,3 milliards de kilowatts d'électricité au Tadjikistan pour décembre 2008 et janvier 2009. Le Turkménistan a suspendu ses livraisons d'électricité pendant les négociations entre Tadjiks et Ouzbeks à propos du transit. En l'absence d'accord, les livraisons n'ont pas repris.
En conséquence, Barqi Tojik, qui a le monopole de la distribution de l'électricité au Tadjikistan, a annoncé qu'à partir du 27 janvier 2009 toutes les grandes villes, y compris la capitale Douchanbé, connaîtraient un rationnement de l'électricité. La nouvelle a plutôt secoué le pays, d'autant plus que l'automne dernier le Président Rahmon avait promis à la population de la capitale et des autres grandes villes qu'il n'y aurait pas de rationnement de l'électricité.
neweurasia décrit [en anglais] l'organisation générale du plan de rationnement pour Douchanbé :
À partir de maintenant, Douchanbé ne recevra que 15 heures d'électricité par jour. Le plan n'est pas encore établi mais il est très probable que la ville ne sera pas approvisionnée en électricité pendant 6 heures la nuit (de 23 h à 5 h) et 3 heures le jour.
C'est ce qui a été annoncé par la plupart des agences de presse. Cependant, pour l'instant, Douchanbé est encore alimentée en électricité ; Barki Tojik a probablement décidé d'utiliser l'eau qui reste encore dans le lac de retenue du barrage de Nurek pour produire de l'électricité.
La décision première de Rahmon avait été prise en faveur des habitants des villes : il y a plus d'appartements dans des immeubles difficiles à chauffer pendant l'hiver dans les villes. En comparaison, les maisons de la campagne emploient d'autres modes de chauffage, comme le bois, le charbon, etc. Le Président pensait que l'électricité du Turkménistan serait suffisante pour passer cet hiver. Mais la situation évolue vite sur le marché de l'énergie en Asie Centrale.
Michael Hancock, suit [en anglais] sur Registan les derniers développements de cette question ; il se demande en fait ce qui est en train de se passer :
L'Ouzbékistan a coupé le gaz pour le Tadjikistan, et à présent le Turkménistan n'envoie plus d'électricité. Personnellement, je trouve les infrastructures de l'Asie Centrale très difficiles à comprendre. Grâce à l'Union Soviétique, les républiques étaient à l'origine interconnectées. C'était peut être pour atteindre l'objectif soviétique d'unité et de solidarité, mais maintenant cela rend les choses plus compliquées lorsque des pays décident de couper l'approvisionnement des autres.
Matt Stone a écrit [en anglais] sur The Global Buzz un article où il explique qu'il pense que ces événements en Asie Centrale ne sont qu'une partie d'une rivalité plus vaste entre la Russie et l'Occident. Selon son raisonnement, la Russie a signé des nouveaux contrats d'achat de gaz auprès du Kazakhstan, du Turkménistan et de l'Ouzbékistan, à des “prix européens”, beaucoup plus élevés qu'auparavant, dans le but de dissuader ces états d'Asie Centrale exportateurs d'énergie de s'associer au projet d'oléoduc Nabucco.
Indépendamment de la justesse de l'analyse de Matt Stone, il est évident que la décision de la Russie a eu des effets en cascade : l'Ouzbékistan a décidé d'augmenter le prix du gaz qu'il vend au Tadjikistan et au Kirghizistan de 145 $ à 240 $ cette année. Matt Stone interprète [en anglais] également la décision de l'Ouzbékistan et du Turkménistan de couper le gaz et l'électricité simultanément comme un avertissement lancé au Tadjikistan :
Le Tadjikistan et le Kirghizistan sont la source de la plus grande partie de l'eau potable et d'irrigation de l'Asie Centrale. Le Turkménistan et l'Ouzbékistan ont un besoin vital de l'eau issue des hautes montagnes du Tadjikistan et du Kirghizistan pour irriguer leurs vastes étendues cultivées en coton, un important produit d'exportation pour les deux premiers états. Mettre ensemble la pression sur le Tadjikistan pourrait être une façon d'envoyer à Douchanbé le message qu'ils possèdent un moyen de pression, au cas où le Tadjikistan voudrait fermer le robinet arrosant l'aval.
Le Tadjikistan se retrouve à présent quasiment sans électricité ni gaz. Cela met en péril la stabilité sociale, politique et économique de tout le pays. Si les importations d'électricité turkmène ne reprennent pas rapidement, le Tadjikistan pourrait connaître une situation humanitaire catastrophique.
Article également publié sur neweurasia [en anglais].