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Kazakhstan : Vers la fin des banques privées ?

Catégories: Kazakhstan, Economie et entreprises, Médias citoyens, Politique

Dernièrement, des choses curieuses sont arrivées à plusieurs banques kazakhes et à la bourse kazakhe. La diffusion d'informations controversées et sans fondement a fait s'effondrer le cours des actions de trois banques, et a conduit à la nationalisation de deux grandes banques privées. Il y a à présent peu de doute sur le caractère intentionnel de tout cela. Plusieurs hypothèses peuvent l'expliquer. L'une d'elle soutient qu'il s'agissait d'un raid boursier.

Voilà ce qu'écrit Arman [1] sur neweurasia [en russe] le 2 février 2009.

Cette hypothèse suppose que toute l'histoire a été orchestrée par une faction de l'élite au pouvoir, qui a décidé d'étendre son contrôle sur le secteur bancaire. Il y a peu de temps, une filiale de la société Alnair a obtenu le bloc de contrôle au sein de l'actionnariat de Kazkom, une importante banque privée du Kazakhstan. Parmi les quatre autres grandes banques, BCC, ATF, Alliance et BTA, les deux premières sont passées sous contrôle étranger. Les deux dernières représentaient une menace potentielle : en tant que riches groupes indépendants, ces banques auraient pu agir de façon incontrôlée en cas de crise politique. De plus, chacune de ces deux banques avait des liens avec l'opposition (Alliance Bank a financé des partis d'opposition lors des élections, comme Kazkom ; BTA est généralement associée à plusieurs médias d'opposition et au mouvement “Alga”). Les autres banques n'ont aucune ambition de ce type, puisqu'elles sont assujetties aux conglomérats industrialo-financiers proches des cercles dirigeants.

Toute cette agitation a commencé par la rumeur d'une possible nationalisation de Temir Bank (filiale de BTA). La fuite, provenant d'une source anonyme au sein du gouvernement, a été publiée dans une revue économique. Comme Arman [en russe] le soupçonne dans la suite de son billet :

Ceci avait pour but de faire s'effondrer le cours des actions des banques et de les déclarer en banqueroute : dans ce cas, selon une loi adoptée récemment, l'état a le droit de démettre la direction et d'exproprier la banque. Il est intéressant de noter que le Gouvernement et la Banque Nationale affirment constamment avec assurance à la société que le secteur bancaire est solide. Quelque chose de semblable est arrivé à Alliance Bank. Un mouvement de panique s'est produit peu après une information, attribuée à Bloomberg, sur sa nationalisation, mais cette information ne figure pas sur le site de cette agence de presse financière.

Vu de cette façon, cela explique le remplacement récent du président de la Banque Nationale du Kazakhstan. Le nouveau président est largement connu pour appartenir au clan dominant. Il a justifié la prise de contrôle de BTA, “sinon, BTA Bank aurait été en défaut de paiement la semaine dernière”. Le Gouvernement a également démis de ses fonctions le président du directoire de BTA, Mukhtar Ablyazov, parce que “ses agissements ont été contraires aux intérêts des déposants, des créanciers, et aux lois en vigueur”, selon les explications du Premier Ministre kazakh Karim Masimov. De façon évidente, cela sert d'avertissement à Mukhtar Ablyazov, qui est un ancien prisonnier politique. Il est très probable qu'il doive choisir de s'exiler. L'état possède 78 % de BTA.

Cependant, une déclaration d’Ablyazov condamnant ce qui vient de se produire circule sur le Web. Dans ce texte, Ablyazov qualifie la prise de contrôle de sa banque d'acte “arbitraire et de pillage de la part de l'état”. Il déclare également que “Les agissements du gouvernement montrent son incompétence économique et sa politique à courte vue”. Il n'est pas certain que Ablyazov soumettra l'affaire à un arbitrage international, mais au cas où il le ferait, il gagnerait probablement. La vente de la quatrième banque du Kazakhstan, Alliance, est également en train d'être organisée. Le Premier Ministre a déclaré que son “plus important actionnaire, le groupe financier Seymar Alliance, a offert à Samruk Kazyna [un fonds d'état] 76 % de ses actions pour un coût symbolique de 100 tenge (0,64 €)”.

En même temps, les banques kazakhes ont été régulièrement critiquées pour leur manque de transparence, et elles ne sont peut être pas parfaites de ce point de vue. Cependant leurs dirigeants ont affirmé qu'ils étaient capables de faire face aux remboursements de leur dette externe en 2009 sans aucune aide extérieure. Et la plupart des banques kazakhes, y compris BTA et Alliance, sont cotées sur les bourses internationales, qui ont des règles strictes de publicité des comptes. Malgré tout, il est vraiment difficile d'être certain que ces nationalisations n'ont été qu'un jeu du pouvoir et une redistribution de la richesse au profit d'un clan. Toutefois, l'ex-président de BTA affirme que cela s'est passé ainsi dans sa déclaration, et son mouvement favori, “Alga”, a aussi diffusé l'appel aux citoyens, en leur demandant :

Restez tranquilles dans ces circonstances, où les agissements, ignorants au point de vue économique, irresponsables au point de vue de la gestion, et à courte vue au point de vue politique, du Gouvernement et de la Banque Nationale, sont en faveur des intérêts de Timur Kulibayev [2] [en anglais].

dass [3] cite cet appel [en russe] sur son blog.

megakhuimyak [4], un blogueur kazakh bien connu, fait ce commentaire [en russe] sur son blog :

L'état a adopté une loi sur la viabilité financière, qui établit que, si une banque est en situation difficile, l'administration a le droit de remplacer sa direction et d'exproprier l'actionnariat qui détient le contrôle. Ce mécanisme a été employé pour BTA. Le gouvernement a démis Ablyazov de son poste de président du directoire, et a exproprié 78,14 % des actions.

En tenant compte du fait qu'auparavant l'état a pris la décision d'acheter 25 % de Kazkom, BTA, Halyk et Alliance, on peut dire que le Gouvernement a maintenant entièrement nationalisé le secteur bancaire du Kazakhstan, il en contrôle 55 à 65 %, ce qui, combiné à l'encadrement administratif, signifie un contrôle total.

Adam-kesher [5] est contrarié [en russe] par la décision du Gouvernement de vendre BTA, la plus importante banque privée du monde post-soviétique, à la banque possédée par l'état russe Sberbank. Si cette décision se concrétisait, cela ajouterait probablement une composante géopolitique à toutes ces affaires controversées.

Ce billet a également été publié sur neweurasia [6] [en anglais].