- Global Voices en Français - https://fr.globalvoices.org -

Equateur : Des blogs pour lutter contre la violence conjugale

Catégories: Amérique latine, Equateur, Cyber-activisme, Droit, Droits humains, Education, Femmes et genre

La municipalité de Guayaquil, en Equateur [1][en espagnol], a récemment financé un concours ouvert aux blogueurs, novices ou réguliers, sur le thème suivant: “Est-on en sûreté chez soi?”. Ce sujet a été choisi en pour mettre en lumière les problèmes de violence familiale et proposer des solutions pour les éliminer dans les foyers et au sein des communautés.

Bien qu'il y ait eu quelques critiques [2][en espagnol] quant à la publicité faite autour du concours et d'autres inquiétudes, relatives au fait que certains ne créeraient sans doute un blog que pour participer au concours, les objectifs initiaux ont été atteints [3][en espagnol]. Les blogueurs ont finalement été nombreux à participer et le jury a tranché. Voici les quatre gagnants qui ont reçu un prix en espèces.

Violencia Discreta [en espagnol] cherche à promouvoir la paix au sein même du foyer et, à partir de là, encourage l'égalité des sexes. Ce blog a pour auteurs Fernando Landin et Princesa Quil. Celle-ci a écrit un billet à l'occasion de la remise des prix, dans lequel elle explique ce qui l'a poussée à participer au concours et pourquoi “une femme est plus en sûreté dans la rue que chez elle [4]“:

Ese día volví en la tarde y me encontré con una mujer, una de las tantas mujeres que sufren en su soledad de una violencia discreta. Sutilmente le dije que me interesaba conocer su historia, y que podía confiar en mi. Sentí su frustración, la decepción de amar a alguien y luego sufrir la agresión, y aguantarlo por mil razones que no entendemos hasta que abrimos los ojos. Y luego la pregunta: Con quién he estado todo este tiempo?. Luego, pasaba por la Comisaría y siempre estaban llenas de mujeres agredidas, abría los periódicos y ahi estaba alguna mujer asesinada por su cónyuge, caminaba por la calle y ahi estaba alguna mujer con una autoestima por los suelos, desarreglada y sintiendose chiquitita, que seguramente era inferiorizada por alguien. Me dije que está pasando aquí! Me di cuenta que el problema es gravísimo, pero que es tan común que parece que lo hemos asimilado como algo normal, cuando solo demuestra que existe una seria patología que sufre nuestra sociedad.

Ce jour là, je rentrais chez moi dans l'après-midi quand je rencontrai une femme, une de celles, nombreuses, qui souffrent en silence de violences imperceptibles. Je lui ai expliqué en douceur que j'étais intéressée par son histoire et qu'elle pouvait avoir confiance en moi. J'ai senti combien elle était frustrée et déçue d'aimer quelqu'un tout en subissant ses coups, et de devoir endurer tout ça pour des centaines de raisons que l'on ne peut comprendre avant d'avoir ouvert les yeux. Vient alors cette question: Avec qui ai-je partagé ma vie toutes ces années?  J'ai ensuite traversé le tribunal de la ville, comme toujours rempli de femmes victimes d'abus, puis ouvert le journal qui mentionnait le cas d'une épouse assassinée par son mari. Je suis alors redescendue dans la rue où je suis tombée sur une femme ayant perdu toute estime d'elle-même, ébouriffée et recroquevillée, sans aucun doute parce que quelqu'un l'avait rabaissée. Je me suis dit: Mais que se passe-t-il ici ?! J'ai réalisé combien le problème était sérieux, mais aussi tellement courant qu'il semble avoir été assimilé à la normalité, alors qu'il nous montre simplement que notre société souffre d'un mal préoccupant.

Hogar Lugar seguro? [en espagnol] est le nom que José Cruz a donné à son blog. Il note qu'il existe un consensus pour penser que tout ce qui se déroule dans une maison est de l'ordre du domaine privé, ce qui explique en partie le fait qu'on ne parle pas des violences conjugales au grand jour. Dans le but d'aider les femmes à lutter contre les abus dont elles sont victimes, il a dressé la liste des principaux endroits où elles peuvent aller chercher de l'aide dans deux des principales villes d'Equateur: Quito [5] et Guayaquil [6].

Un autre blog porte le même nom que celui de José Cruz. Hogar: Lugar seguro? a été conçu par William Zea Morales. Il a rassemblé de nombreux témoignages et explique comment six femmes équatoriennes sur dix ont subi des violences physiques, psychologiques ou sexuelles de la part de leurs partenaires [7]. Voici l'histoire d'une femme de 54 ans nommée Isabela :

Lo conocí en la playa el 30 de noviembre de 1994 (2 días antes del cumpleaños de mi niña). Él me confesó su amor, escribió su nombre y el mío en una palmita. Iniciamos el noviazgo y me sentía feliz pues él era muy detallista . La primera señal me la dio una vez cuando me preguntó si yo podía ser su puta. Me indigné y dijo que era broma. Nos casamos en su país de origen, en Europa. A partir de ahí la historia cambió. Me hizo abandonar mis negocios, por lo que yo tenía que pedirle dinero para todo y él me humillaba cada vez que se lo pedía. Me hizo alejarme de mis hijos pues le molestaba que me visitaran. Me llamaba chopa y me decía que yo estaba engordando. El día que cumplimos cinco años de casados me votó de la casa y me dijo: “Ya tú estás pagada”. Busqué ayuda profesional y hoy soy una mujer nueva.

Je l'ai rencontré sur la plage le 30 novembre 1994 (deux jours avant l'anniversaire de ma fille). Il m'a dit qu'il m'aimait et a gravé son nom et le mien sur un petit palmier. Nous avons commencé à sortir ensemble et je me sentais heureuse car il était très attentionné. Le premier accroc est survenu après qu'il m'ait demandé si je voulais bien être sa chienne. J'étais choquée et il m'a alors dit que c'était une blague. Nous nous sommes mariés dans son pays natal en Europe. A partir de là, tout a changé. Il m'a fait quitter mon travail et, du coup, je devais demander de l'argent pour tout et il ne manquait pas une occasion de m'humilier. Il m'a fait prendre mes distances d'avec mes enfants parce que leurs visites l'agaçaient. Il me donnait des surnoms dégradants et me disait que je devenais grosse. Le jour de notre cinquième anniversaire de mariage, il m'a jeté hors de la maison en me disant:”Tu as déjà été bien payée.” J'ai demandé de l'aide pour trouver un travail et je suis aujourd'hui une femme neuve.

Prevenciòn de Violencia Intrafamiliar, Guayaquil [en espagnol] n'a pas reçu de récompense mais a obtenu une Première mention honorable. L'auteur du blog est psychologue et s'appelle Juan Robles Chang. Il commente les différentes approches et théories qui font de la prévention des violences familiales une science [8]. Il propose quelques photos des débats qui se sont déroulés lors de la Journée internationale des droits de l'Enfant de novembre 2008 [9].

Ces blogs aident les Equatoriens à sortir de leur silence face aux violences familiales.