Kenya : “Bloguer donne une plus grande signification et visibilité à la poésie”

Njeri Wangari  est une poète et blogueuse kenyane basée à Nairobi, au Kenya. Je l'ai interviewée récemment sur place à Java House à Nairobi et nous avons continué l'entretien par courriels. Dans cette interview, Njeri nous raconte comment elle utilise son blog Kenya Poet (Poète Kenyan) pour promouvoir les artistes et l'art au Kenya. Elle dit que par son blog elle a donné à la poésie kenyane une plus grande signification et visibilité.

Question : Quand avez-vous commencé à bloguer ?

J'ai commencé en  2006.

Q : Pourquoi avez-vous décidé de bloguer ?

Depuis quelque temps, j'écrivais des poésies, mais je ne trouvais pas d'éditeur pour publier mon travail. C’ était frustrant, parce que je voulais partager avec d'autres personnes mes idées sur différents sujets. Je ne peux pas me rappeler comment j'ai eu connaissance des blogs, peut-être à travers Google. Mais une fois que j'ai découvert cet outil extraordinaire j'ai commencé à l'utiliser immédiatement. Au début, je ne savais pas quoi écrire ou quoi y mettre. Le premier billet a été sur des gens qui me donnaient de l'inspiration. J'ai écrit sur Maya Angelou [l'écrivaine et poète africaine-américaine], et plus tard j'ai réalisé que le blog était un moyen pour partager vos intérêts personnels. Je m'intéresse à l'art, à la littérature, à la musique africaine, au Jazz et au NeoSoul. J'ai commencé à écrire des billets sur mon blog personnel sur des écrivains du Kenya et d'ailleurs. Mon premier article a été sur Okot p'Bitek [le poète et écrivain ougandais].J'ai vite réalisé que je devais mettre à jour mon blog plus souvent, mais ce n'était pas facile à faire avec un travail à plein temps. Je me suis alors demandée pourquoi ne pas faire les critiques des événements artistiques auxquels je participais ? Ainsi,  j'ai commencé à faire la critique d'art. Mes billets ont attiré plus de trafic sur mon blog, comme certains voulaient les photos qui les accompagnaient. Il n'y avait pas alors d'informations en ligne sur l'art au Kenya. On devait consulter les éditions spéciales du week-end des journaux, qui ne traitaient que des évènements de plus grande importance . Plus tard, j'ai décidé de traiter des événements à venir et j'ai aussi essayé de trouver plus d’ informations sur les artistes qui devaient faire les performances, et avec le temps, cela a attiré encore plus de trafic sur mon blog que  ma poésie, car je ne pouvais pas en écrire une chaque jour, comme je pouvais le faire avec d'autres types d'information. Cependant, il y a un aspect intéressant, après mes performances poétiques on me demandait des informations sur où on pouvait trouver ces poésies. J'indiquais tout simplement mon blog. Vous trouvez donc des personnes qui visitent mon blog spécialement à la recherche de nouvelles sur l'art et la musique et celles qui le font juste pour ma poésie. 

Q: Quelle est la différence entre les critiques que vous faites et celles que les journaux publient pendant le week-end ?

Les critiques littéraires et artistiques des journaux sont trop formelles et beaucoup de journalistes n'ont pas ou très peu de connaissance des sujets, spécialement lorsqu'il ne s'agit pas d'arguments d'actualité ce que  la poésie et le hip hop underground et les nouvelles formes d'expression musicale ne sont pas.J'ai réalisé que  les médias classiques étaient critiques envers la poésie et la critique du monde artistique en rapide mutation où se révèlent de nouveaux poètes. En outre les journalistes ont tendance à considérer la poésie orale avec le même regard que celui de la poésie écrite et ne comprennent pas la poésie verbale et les performances poétiques. WAPI [Word and Pictures =Mots et images] a été critiqué par les media traditionnels, alors que c'est un espace pour beaucoup de futurs artistes et a beaucoup contribué à l'expansion du hip hop et d'autres formes artistiques, pas seulement au Kenya, mais, à présent dans plus de cinq pays africains. J'ai aussi remarqué que les critiques des médias principaux manquaient de style  personnel, détaillé, descriptif et dont le nombre de mots ne soit pas prédéterminé.

Q: En tant que poète, que pensez-vous du rôle des blogs sur l'art?

Le rôle des blogs sur l'art est de donner une tribune aux écrivains créatifs pour s'exprimer, afin qu'ils soient entendus globalement et d'obtenir les réactions des lecteurs ainsi que les critiques et l'audience. Les blogs aident à créer une plus grande compréhension des différentes formes artistiques et appréciation.

Q: Quelle valeur ajoutée avez-vous apportée à la poésie kenyane en tant que blogueuse?

J'ai donné à la poésie une plus grande signification et visibilité. Les événements qui ont lieu en différents endroits tels que Rythm and Spoken au Restaurant Dass, utenzi, au restaurant Wasanii, et d'autres n'auraient jamais été connus si ce n'était pour les informations que je donne sur le blog. Les amoureux de la poésie n'auraient probablement jamais découvert des poètes kenyans prometteurs comme Tim Mwaura, Obaladan, Number 8, Neema Mawiyo et tant d'autres grands poètes. J'ai encouragé beaucoup de nouveaux poètes de ne pas seulement partager leur travaux en cours mais aussi ouvrir des blogs. Le bulletin hebdomadaire que j'envoie aux abonnés sur les évènements et les artistes a aussi maintenu un lien entre les amoureux de l'art et de la poésie. Actuellement, j'héberge temporairement des poètes émergents pendant que je les aide à démarrer leurs blogs personnels. On peut trouver les poésies sur mon blog avec une brève biographie des auteurs et leurs contacts.

Q: Est-ce que des poètes vous posent des questions sur les blogs

Beaucoup ! Les poètes se plaignent de ne pas trouver des éditeurs. Je leurs demande pourquoi attendre des éditeurs alors qu'ils peuvent se publier tout seuls? Vous n'avez pas besoin d'avoir des connaissances techniques spéciales pour démarrer votre blog. Tout ce que vous devez savoir, c'est ce que vous voulez faire avec votre blog. Il y a Neema, par exemple qui est poète, actrice et blogueuse. Elle blogue sur  Ngwatilo. Je l'ai encouragée et soutenue pour démarrer un blog, une chose qu'elle trouvait très exigeante. Bildad Mathenge et Connie Mutua  se préparent actuellement à démarrer leur blogs, alors j'héberge temporairement leurs poésies sur mon blog.

Q: Comme la poésie est aussi bien écrite qu'orale, y-t-il au Kenya des poètes qui font le podcasting de leurs travaux?

Vous pouvez écouter des poètes kenyans sur MySpace. J'ai récemment enregistré une page sur MySpace. Imani est un poète qui utilise MySpace où vous pouvez écouter ses poésies. Grand Master Masese qui est poète et en même temps acteur utilise lui aussi MySpace.

Q: Et la vidéo?

Il y a quelques vidéos sur YouTube qui ont été enregistrées à l'occasion de différentes performances de poésie. Mais rien de particulier jusqu'à présent.

Q: Vous pouvez donc affirmer que les blogs ont des effets sur la scène artistique locale au Kenya ?

Oui ! Ça a eu un impact prodigieux. Bloguer régulièrement sur la poésie a rendu le public plus conscient de la valeur des poètes Kenyans. Les poètes émerge nts ont eu une visibilité qu'ils auraient difficilement eu avec les médias usuels. Grâce à nos blogs, les gens se rendent compte qu'il y a un grand choix et ils sont plus nombreuxà à mieux connaitre le mouvement  poétique kenyan. Annoncer les nouveaux événements et en faire les critiques a beaucoup contribué à la diffusion de l'information sur l'art et la poésie parmi les amateurs d'art et de poésie. Cela a aussi aidé à populariser les artistes émergents qui ne se sont pas encore fait un nom dans l'industrie des spectacles.

Q: Quelle est votre opinion sur les blogs au Kenya?

Bloguer ici est encore au stade où beaucoup de gens pensent que pour cela vous devez être un expert en informatique (comprenez maniaque). Un ami à moi, Daudi were qui blogue sur Mental Acrobatics, a fait un billet sur notre réunion concernant la prochaine conférence des blogueurs africains, et je le cite “bloguer est la chose la plus maniacale que vous pouvez faire sur le web”. Je suis membre du comité d'organisation de cette conférence  dénommée Kelele ‘09 qui a pour objectif de rassembler les blogueurs africains au Kenya plus tard cette année.

Q: Quels sont vos plans à long terme?

Je voudrais porter mon blog, Kenyan Poet, à un niveau unique qui présente toutes les formes d'expression artistique au Kenya.

Q: Et que pensez-vous des contenus des blogs kenyans ?

Et bien, la plupart traitent de la politique, ce qui est malheureux.

Q: Pourquoi c'est malheureux ?

Les gens ont laissé la politique être le seul sujet de discussions et de blog valable, alors qu'il y a d'autres sujet de préoccupation affectant la vie quotidienne des Kenyans, ce qui mériteraient d'être un sujet de débat public. Ce n'est pas comme si d'autres choses n'importaient pas dans la société. Il y a plus à vivre que la politique. De plus,, les blogs servent à s'exprimer librement et je me refuse de croire que l'on peut s'exprimer uniquement en politique.

Q: Quels autres arguments voudriez-vous voir traiter sur la blogosphère?

Il y a tant de monde mais chacun est unique, c'est aussi valable pour les idées. Ce que je dis aux gens est d'écrire sur des sujets pour lesquels ils ont une passion. J'ai un cousin qui a participé à un récent événement barcamp qui a eu lieu à Nairobi. C'est un étudiant en dernière année de médecine avec une passion pour l'Internet. Il a réalisé qu'il pouvait écrire sur la médecine car il y a beaucoup de sujets liés à la médecine qui pourrait être utile aux gens ordinaires. Lire son blog est réconfortant car il y a des sujets que nous avons peut-être peur de demander à nos docteurs. Je voudrais lire un blog sur le combat d'un toxicomane ou un alcoolique, les mémoires de juristes, le combat d'une lesbienne au Kenya etc.

Q: Quel sont vos blogs kenyans préférés ?

Bankelele: Juste parce que je n'aime pas les informations financières écrites pour des analystes financiers! Je veux des informations financières pour les gens ordinaires. Je veux savoir ce que signifie la débâcle économique. Bankelele l'explique clairement.

White African: J'aime les trucs des nouvelles technologies. Il écrit sur des choses que vous ne trouverez pas dans les journaux.

Sports Kenya: Je ne suis pas très connaisseuse de sports, mais il écrit très bien. Il place le sport dans une perspective historique et donne les dessous des cartes des évènements sportifs qui font la une des journaux.

Gukira: J'aime sa maitrise de la langue anglaise.

Thinker's Room: Je crois qu'il a été occupé ces derniers temps.

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