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Thaïlande : Arrestation de la directrice d'un site web pour “publication de commentaires insultants pour la monarchie”

Catégories: Thaïlande, Cyber-activisme, Dernière Heure, Droit, Gouvernance, Liberté d'expression, Média et journalisme, Politique, Technologie

Chiranuch Premchaiporn, directrice du site Prachatai [1] [en thaï], a été arrêtée le 6 mars par la police au motif d'avoir “propagé des contenus constituant un crime de lèse-majesté sur le site”. En d'autres termes, elle a été arrêtée pour avoir autorisé sur le site des commentaires [2] [en anglais] que la police considère comme insultants pour la monarchie. Chiranuch est actuellement en liberté sous caution.

Prachatai [3] [en anglais] est un site indépendant apprécié en Thaïlande. C'est une importante source d'informations alternatives. Le site a déjà été censuré plusieurs fois. Plus de vingt pages de Prachatai ont été bloquées par les autorités durant les cinq derniers mois. La responsable de publication arrêtée a déjà été convoquée huit fois par la police [4] pour s'expliquer sur le contenu du site.

En Thaïlande, une loi “draconienne” sur la criminalité informatique considère que tout fournisseur de services qui laisse délibérément un tiers publier un contenu qui enfreint la loi est responsable au même titre que la personne qui commet l'infraction. Voici quelques extraits de la loi de 2007 sur la criminalité informatique (2007 Computer Crime Act [5]) [en anglais] que Prachatai est accusée d'avoir violé :

Article 14. Toute personne qui commet une des infractions suivantes encourt une peine d'emprisonnement de cinq ans au plus et une amende de cent mille Bahts (monnaie thaïlandaise) au plus :

(1) l'importation dans un système informatique de données falsifiées en tout ou partie ou de données fausses, d'une manière susceptible de causer un préjudice à un tiers ou au public.

(2) l'importation dans un système informatique de données fausses d'une manière susceptible de nuire à la sécurité du pays ou de provoquer la panique.

(3) l'importation dans un système informatique de données qui enfreignent le code criminel en ce qui concerne la sécurité du Royaume.

(4) l'importation dans un système informatique de données de nature pornographique accessibles au public

(5) la diffusion ou le transfert dans un système informatique de données telles que décrites dans les parties (1), (2), (3) ou (4).

Article 15. Tout fournisseur de services qui assiste ou consent intentionnellement à une infraction à l'article 14 dans un système informatique sous son contrôle encourt les mêmes peines qu'un individu qui commet une infraction citée dans l'article 14.

La Thaïlande applique cette loi de lèse-majesté de manière très stricte. Un écrivain australien a été emprisonné [6] [en anglais] pour avoir insulté le roi de Thaïlande, une personnalité révérée par les Thaïlandais. Un universitaire de Bangkok [7] a récemment du fuir le pays pour échapper aux poursuites (et à un “procès inéquitable”) pour la même infraction. Près de 5000 pages ont été bloquées [8] [en anglais] depuis mars 2008 pour des contenus considérés comme insultants pour la famille royale.
Le Roi Bhumibol, Bangkok, Thaïlande
Le roi Bhumibol Adulyadej, révéré en Thaïlande. Photo provenant de la page Flickr de ccdoh1 [9].

Quels sont les commentaires des lecteurs et des blogueurs ?

Hobby [5] [en anglais] pense que l'arrestation va envenimer le climat politique en Thaïlande :

Ils ne font que se rendre les choses plus difficiles – comprendront-ils seulement un jour ? Il aurait été possible dans le passé d'avoir le contrôle total qu'ils souhaitent, mais ces jours sont finis depuis longtemps – à moins qu'ils ne souhaitent devenir comme la Birmanie ou la Corée du Nord, auquel cas c'en est fini de la poule aux œufs d'or du tourisme !

Bob remarque que l'arrestation a eu lieu le jour même où le Premier Ministre promettait d'honorer la liberté de la presse :

Quelle ironie que le même jour où le site le plus actif et le plus informatif de Thaïlande est menacé et sa directrice arrêtée, le Premier Ministre fait un discours à Bangkok dans lequel il souhaite améliorer la liberté de la presse [10] [en anglais] en Thaïlande.

La Commission des Droits Humains en Asie (Asian Human Rights Commission) pense qu'il s'agit d'une étape du plan du gouvernement pour intimider les critiques [11] [en anglais] :

Il-y-a peu de doutes que cette intervention fait partie du plan ultra-conservateur depuis le coup d'état de 2006 pour intimider et faire taire les critiques, les défenseurs des droits humains et les militants des causes sociales en Thaïlande. En fait, la loi odieuse qui a permis l'intervention de la police et l'émission du mandat d'arrêt est l'un des principaux axes de la plate-forme conçue pour peser sur les dissidents en Thaïlande qui a été rendue effective lors d'une réunion de représentants des militaires en 2007.

Liberté Contre la Censure en Thaïlande (FACT – Freedom Against Censorship Thailand) accuse les autorités d'étouffer la liberté de pensée [12] [en anglais] dans le pays :

Les autorités thaïlandaises veulent restreindre la liberté de pensée, la libre opinion, les discussions et la liberté d'expression en Thaïlande, que ce soit sur Internet ou par la littérature, les informations, les éditoriaux ou les articles d'opinion, les films et les médias télédiffusés. Quelle sera notre société  si l'on ne peut dialoguer librement les uns avec les autres ?

Teeranai Charuvastra [13] [en anglais] suggère que la véritable cible de la police est l'auteur du commentaire, et pas la responsable éditoriale :

On a suggéré que la véritable raison de l'intervention de la police était la volonté de capturer un des commentateurs du site en particulier, ce qui expliquerait pourquoi c'est la loi sur la criminalité informatique a été  employée – plutôt que celle sur les crimes de lèse-majesté – ainsi que le fait que seule Madame Chiranuch, qui est administratrice du site, a été arrêtée.

Quoi qu'il en soit, je ne sais pas comment résoudre cette question. Les protestations ne seront pas fructueuses, vous connaissez les médias Thaïlandais

Siam Report reproche [14] [en anglais] à la loi son flou qui permet aux autorités de l'utiliser contre ceux qu'elles considèrent comme des ennemis de l'état :

Il semble que le manque de clarté permet de multiplier les cas de manipulations ou d'abus politiques.

Breaking Tweets rassemble les réactions [15] [en anglais] publiées sur la plateforme de micro-blogging Twitter.