Après plus d'un mois et demi de crise politique à Madagascar, la confusion s'installe tandis que la lutte pour le pouvoir [en anglais] entre le Président et l'ancien maire d'Antananarivo s'envenime, laissant les observateurs inquiets de l'issue de l'impasse politique[en anglais].
De plus, la guerre médiatique fait tellement rage à Madagascar que chaque article publié par les médias locaux est maintenant mis en doute par les citoyens malgaches, très sensibles aux risques de désinformation[en anglais] .
Cependant, quelques éditoriaux qui tentent de comprendre les racines de la crise entre le président Marc Ravalomanana et l'ancien maire de Antananarivo, Andry Rajoelina, ont touché une corde sensible de la psyché malgache et ont été très commentés sur la blogosphère malgache.
Guerre médiatique
Les exemples d'informations contradictoires et de confusion dans les médias malgaches ont été abondants au cours de la semaine écoulée :
- L'information du 7 mars selon laquelle le siège de Viva Radio était attaqué , alors que la radio émettait toujours le jour suivant (les bureaux de la radio pro-Andry Rajoelina Viva ont effectivement été visités par l'armée, mais la radio n'a pas été saisie).
- L'information du 8 mars sur une mutinerie de l'armée [en anglais] a trouvé des échos dans les médias internationaux mais est toujours plus ou moins démentie par le chef d'état major de l'armée (EMMO-NAT)[en anglais] .
- Les informations sur des menaces envers les chefs de l'opposition et le lieu où Andry Rajoelina se cachait par mesure de sécurité , qui s'est révélé être une résidence sous la protection de l'ONU. Les derniers rapports affirment que Rajoelina réside maintenant à l'ambassade de France car le médiateur de l'ONU ne pouvait le garder.
- Des informations sur une répression sévère par l'armée (suivies par le retrait des vidéos mises en ligne ) ont été suivies par le signalement que les forces armées brillaient par leur absence, ce qui a permis d'autres pillages le 9 mars.
- Des informations selon lesquelles les fréquences des radios étaient piratées (en malgache).
- Des informations sur des mercenaires étrangers qui auraient dirigé les soldats malgaches , qui seraient maintenant “des instructeurs venus pour former l'armée” à l'utilisation d'armes récemment acquises (en malgache)
Pour résumer, la situation est une pelote inextricablement emmêlée, qui appelle à se pencher sur la culture malgache.
La psyché d'une nation
Voici l'éditorial de Ndimby A. dans le quotidien Madagascar Tribune, intitulé : “Auto-derision” :
Dans cet éditorial, Ndimby tente d'exposer la nature même de la culture sociale malgache, qui se prête à des cycles répétés d'instabilité politique à travers l'histoire de Madagascar, et des périodes d'extrême pauvreté chronique. Il fait une liste de plusieurs raisons, en voici quelques unes ci-dessous :
Le complexe de l’insulaire:
Nous nous sentons intelligents. Nous nous sentons doués. Et la pauvreté ou les crises politiques ne peuvent donc qu’être des accidents de parcours. De la faute des bailleurs de fonds, de la faute des politiciens, de la faute des réseaux mafieux, de la faute à pas de chance, de la faute au voisin, de la faute aux grandes puissances, de la faute aux cyclones, de la faute au karma, de la faute des autres. Mais, ne faisons-nous pas partie des autres ?
Le Malgache et le développement:
Le malgache est-il fait pour le développement ? Le malgache est-il fait pour la démocratie ? A priori ces deux questions peuvent sembler être provocatrices, voire choquantes. En fait, elles le sont. Mais au-delà de la provocation, le contexte de cette crise politique et la situation de notre pays après 50 ans d’Indépendance invitent à une véritable réflexion sur la mentalité malgache, sur nos valeurs et sur nos défauts.
Dictons, proverbes et autres expressions usuelles sont une bonne illustration de la mentalité populaire. Or que dit-on à Madagascar ? Ny hazo avo halan-drivotra (le vent a horreur des arbres trop hauts), véritable hymne à la médiocrité pour appeler chacun à ne pas se faire remarquer et à ne surtout pas faire de zèle.
… la culture malgache est une culture de marimaritra iraisana, qui ne signifie pas toujours consensus (ce qui aurait été une bonne chose), mais plutôt compromis. Dans le pire des cas, le marimaritra iraisana est le mauvais arrangement. C’est la compromission qui a fait tout le monde courber l’échine devant les abus de Marc Ravalomanana depuis 2002, pour éviter les « problèmes ». [..] C’est la compromission qui a fait que tout le monde, au début, a trouvé son compte dans les agissements de Andry Rajoelina, avant de s’effarer de ce train à grande vitesse sans frein ni marche arrière.
Les réactions des blogueurs malgaches
La tirade de Ndimby a trouvé écho auprès de quelques blogueurs, des deux côtés du conflit, inquiets du manque de leadership et de la confusion qui règne.
Jentilisa écrit sur les derniers événements qui ont conduit à une marche de soutien au gouvernement, suivie par environ mille personnes à Mahamasina le 9 mars (en malgache):
Koa satria tsy handray andraikitra ny mpitandro ny filaminana amin'izao fandrobana mahatsiravina, 26 janoary 2009-bis notontosaina androany 9 martsa 2009 izao, dia niantso ny mpanohana ny ara-dalàna sy tsy manaiky ny hisian'ny barazy arahina fandrobana ny tao amin'ny radio mada
De l'autre côté de l'échiquier politique, Avylavitra blâme le gouvernement pour avoir piraté la fréquence de Viva Radio (en malgache):
Tsy nampoizina anefa ny zava-misy fa hay ny RADIO MADA no io henion’ny rehetra amin’ny onjam-peon’ny Viva io… Filana ady ve sa fihantsiana no anton’izany?
D'autres, tels que Tahina, se demande si les rumeurs selon lesquelles le conflit peut dégénérer en guerre civile sont fondées :
Il n'est plus sûr de parler politique en public (y compris dans les bus) car vous ne savez pas qui vous écoute et de quel côté ils sont. Une simple rumeur sur votre compte peut vous porter tort, à vous et à votre famille.
Le blogueur Pakysse demande une seule chose aux deux rivaux (en malgache) : qu'ils se parlent.