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Crise mondiale : Survivre ou faire des affaires

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La crise économique mondiale [1] répand morosité et désespoir sur toute la planète. Nénmoins la volonté humaine ne s'avoue pas facilement vaincue. Beaucoup de gens font de leur mieux pour s'en sortir. Des blogueurs proposent à leurs lecteurs des trucs pour survivre. Des entreprises, un peu partout, s'adaptent. Elles adoptent de nouvelles stratégies, et certaines profitent même de la crise. Je vais essayer dans ce billet de donner de nombreux exemples de personnes ou d'entreprises qui s'emploient de leur mieux à surmonter la récession.

Survivre en temps de crise

Le blogueur brésilien Frank Coelho de Alcantara [2] [en portugais] pense qu'en temps de crise, “pendant que certains pleurent, d'autres vendent des mouchoirs”. Pour survivre, il conseille d'être inventif :

Inove. Melhore o que já existe e venda. A crise só existe para os que choram e compram lenços.

Innovez. Améliorez ce qui existe déjà et vendez-le. Ce n'est la crise que pour ceux qui pleurent et achètent des mouchoirs.

Evandro Sudré [3] [en portugais], un autre blogueur brésilien, souligne qu'il est bon d'avoir “une réserve de force intérieure et de courage” en période difficile :

Problemas e adversidades fazem parte da vida diária, mas quando a crise nos atinge, é bom ter alguma reserva de força interior e resolução. De fato ter algum tipo de reserva na mente, da qual possamos formar um plano básico de ação e defesa com a qual possamos lidar com a situação. Você é a pessoa mais qualificada para ajudar nesta situação.

Les difficultés et les malheurs font partie de notre vie quotidienne, mais quand la crise nous touche, il est bon d'avoir une réserve de force intérieure et de courage. En fait avoir une sorte de réserve dans notre esprit, à partir de laquelle nous pouvons établir un plan de base d'action et de défense avec lequel on pourra affronter la situation. Vous êtes la personne la plus qualifiée pour vous apporter une aide dans cette situation.

Malheureusement, d'autres sont tellement submergés par leurs problèmes d'argent que le suicide leur semble être la seule solution. Plus de 70 suicides [4] ont eu lieu dans l'état du Gujarat, en Inde, parmi les polisseurs de diamant qui ont perdu leur travail.

D'autres se battent. Des épargnants (principalement à Antigua) qui ont perdu leurs écomonies, à la suite de la fraude dont est accusé le milliardaire américain Allen Stanford, se sont regroupés en association pour tenter de récupérer leurs économies. Cette Stanford Victims Coalition [5] [en anglais] se présente ainsi, sur son site :

Stanford Victims Coalition est un groupe de pression international dont le but est de se battre afin de récupérer les milliards de dollars appartenant aux milliers de personnes innocentes qui sont victimes de la fraude dont sont accusées Stanford Financial Group et Stanford International Bank à Antigua. SVC n'est affiliée à aucun mouvement politique et les victimes peuvent participer sans payer de cotisation.

Au Brunéi, des blogueurs critiquent des personnes en situation de faillite qui ont demandé à recevoir [6] [en anglais] les excédents provenant de la collecte [par l'état] de la zakat, un des cinq piliers de l'islam, qui consiste à donner un certain pourcentage [2,5 %] de ses revenus aux nécessiteux. Beaucoup de Brunéiens ont été surpris de voir certains de leurs concitoyens, ayant à rembourser de lourdes échéances d'emprunts, à la consommation, pour des automobiles ou personnels, tenter de profiter de l'argent de la zakat.

La récession affecte la santé physique et mentale de nombreuses personnes. À Singapour, les cours de gym et de yoga [7] sont pleins, car beaucoup de gens veulent apaiser leur stress lié à la situation économique, et les victimes du chômage ont plus de temps à consacrer à l'exercice physique. Singapour a été le premier état asiatique touché par la crise [8] en 2008.

Homesickhome [9], une travailleuse expatriée au Qatar, se rend compte que grâce à la crise, et aux salaires versés de plus en plus en retard par l'entreprise qui l'emploie, elle est en train de guérir de sa dépendance à la consommation.

L'hebdomadaire bulgare Kapital [10] [en bulgare] a demandé, sur un forum ouvert, à ses lecteurs si la crise économique les touchait. Simeon Djankov [11] [en anglais] résume les réponses :

J'ai lu les réponses données à ce jour, et j'en ai trouvé de prévisibles, mais aussi de plus inattendues.

Les loyers ont augmenté, car peu de gens peuvent avoir accès aux prêts immobiliers. Plusieurs petites entreprises ont déclaré que leurs concurrents plus importants connaissent de telles difficultés qu'il y a plus d'opportunités pour elles. On a arrêté de regarder la télévision (parce que les nouvelles sont trop mauvaises). Le fossé social est moins important : les nouveaux riches ne sont plus que nouveaux. On a plus de temps pour lire. On s'intéresse plus au reste du monde. Ma réponse préférée : on trouve que l'économie est plus intéressante.

Adaptation des entreprises

Quelles adaptations ont été mises en œuvre par les entreprises pour faire face à la crise économique mondiale ?

Au lieu de licencier, des entreprises des Philippines font travailler moins d'heures par semaine leurs salariés [12] [en anglais]. À cause d'un taux d'occupation insuffisant, certains propriétaires d'immeubles de bureaux diminuent leurs loyers [13] [en anglais] à Manille. Une entreprise japonaise implantée en Corée du Sud emploie ses bénéfices non réinvestis depuis des années afin de conserver ses salariés [14] [en anglais].

Aux Fidji, le patronat a réussi à convaincre le gouvernement de reporter l'augmentation du salaire minimum [15] qui avait été promise aux salariés. Il a expliqué que cette hausse du salaire minimum provoquerait plus de licenciements et de fermetures d'entreprises. Mauvaise nouvelle pour les salariés.

Roshni Mahtani [16], fondateur et rédacteur du site www.theasianparent.com [17] [en anglais], suggère ces mesures de réduction des dépenses, suivant son propre exemple, pour les petites entreprises :

1. Ne plus louer un bureau. Économie mensuelle : 1 500 $
2. Utiliser des logiciels libres. Économie ponctuelle : 4 000 $. Économie mensuelle : 100 $
3. Skype ! Économie mensuelle : entre 100 $ et 150 $
4. Stagiaires. Économie mensuelle : 500 $
5. Réunions en ligne. Économie mensuelle : 100 $
6. Économies d'échelle. Économie mensuelle : 300 $
7. Salaires au mérite. Économie mensuelle : entre 750 $ et 1 000 $ par vendeur.
8. Partenariat. Économie mensuelle : 100 $ à 150 $
9. Économiser le papier (et l'argent). Économie mensuelle : 200 $
10. Utilisation mercatique des médias sociaux. Économie ponctuelle : 2 600 $

Économie mensuelle totale : entre 4 500 $ et 5 000 $ par mois
Économie ponctuelle totale : 6 600 $

Le blogueur brésilien Michel Monteiro [18] [en portugais] a écrit un billet sur l'opération lancée par le distributeur de produits électroniques Ponto Frio : les clients qui achètent dans les magasins de ce groupe ont maintenant une assurance, sans frais, au cas où ils perdraient leur emploi, couvrant la valeur de leurs achats.

O interessante é que essa ação tem como enfoque a atual crise economica, e em seu anuncio busca tirar o temor que existe nas pessoas de comprar e não poder pegar, o que gera queda nas vendas. Assim, o consumidor poderá voltar a comprar, e fazer o dinheiro movimentar a economia.

Mais do que uma inteligente proposta de marketing, a ação é um serviço ao país, pois – de forma inteligente -, faz a economia nacional girar capital, e consequentemente manter níveis de venda, empregos, etc.

Ce qui est intéressant est que cette opération tient compte de la crise économique actuelle, et sa publicité cherche à faire disparaître chez les gens la peur d'acheter et de ne pas pouvoir payer, qui provoque une chute des ventes. De cette façon, le consommateur pourra acheter à nouveau, et cela fera circuler l'argent dans l'économie.
En plus d'être une intelligente idée commerciale, cette opération rend service au pays, puisque, de façon intelligente – elle fait circuler l'argent dans l'économie nationale, et par conséquent, elle maintient les ventes et préserve les emplois, etc.
Russia's “Financial Crisis Toilet Paper”. The label reads: What is to be done? From the blog of Notes on Moscow [19]

Papier toilette “Crise financière” (Russie).

Il est écrit : “Qu'est-ce qui va être fait ?

Photo provenant du blog Notes on Moscow [19] [en anglais]

De nouvelles opportunités

Certaines entreprises continuent de gagner de l'argent malgré la crise. Il y en a même qui profitent de cette crise.

Voici quelques uns des secteurs qui se portent bien actuellement au Japon [20] : les PME qui traitent ou vendent des matières premières [21] [en japonais], la restauration rapide [22] [en japonais], les entreprises de vente en ligne [23] [en japonais], l'industrie du pachinko [24] (jeu).

Dans le billet cité précédemment, Chikara Ueki rapporte [en japonais] une conversation avec un entrepreneur sur la façon de transformer la crise en opportunité :

100年に一度と言われている経済危機、考え方を変えると100年に一度のチャンスかもしれない。不況業種も含め、全ての産業に言えることかもしれません。

ただ、事例の通り何もしなくてもチャンスは生まれるのではなく、コツコツとやってきたご褒美だと思います。

En modifiant son point de vue, cette crise dont on dit qu'il en arrive une pareille tous les siècles peut être perçue comme une occasion comme il ne s'en produit qu'une fois par siècle. On peut le dire pour toutes les activités, y compris celles qui connaissent une situation désespérée. Toutefois, comme le montre cet exemple, cela ne se fait pas tout seul. C'est le résultat d'une longue période d'efforts soutenus.

Philippine Airlines a mis en place plus de vols à destination de certains pays, et le blogueur Caswell Whiteside [25] [en anglais] interprète ceci comme le signe que de plus en plus d'expatriés philippins licenciés retournent dans leur patrie.

Depuis peu, Philippine Air Lines offre une desserte quotidienne du Canada et des États-Unis, alors que précédemment le service se limitait à quatre liaisons hebdomadaires, pour certaines destinations. Bien sûr PAL a insisté sur l'offre d'un “nouveau  service amélioré”, alors qu'en réalité c'est pour les nombreux travailleurs philippins qui ont été licenciés par leur employeur dans différents pays, surtout au Japon et aux États-Unis, et qui reviennent chez eux.

Le programme de relance économique thaïlandais [26] [en anglais] comprend la distribution de chèques d'une valeur de 2 000 bahts [43 euros] à chaque travailleur ayant un faible revenu. Les bénéficiaires de cette aide peuvent l'utiliser en faisant des achats dans un point de vente de l'une des 21 grandes entreprises [multinationales], dont Carrefour, engagées dans cette opération. Kentucky Fried Chicken offre par exemple 20 morceaux de poulet [27] [en anglais] afin d'encourager les bénéficiaires de cette aide à échanger leur chèque contre des coupons de la chaîne.

Every Woman’s Blog [28] [en anglais] trouve logique les déclarations d'un fabricant de préservatifs qui constate que les gens en achètent plus en période de crise car ils ont moins envie d'avoir un enfant.

Je trouve que c'est plein de vérité et de logique. Pendant une période difficile et incertaine, les gens ne veulent pas se retrouver sans l'avoir voulu avec une bouche supplémentaire à nourrir dans leur famille.

Douglas Muir [29] s'attend [en anglais] à une forte diminution de la natalité dans le monde, particulièrement en Europe de l'Est.

Retour aux fondamentaux

À cause de la récession, on en revient aux fondamentaux du commerce, à savoir satisfaire les clients par le meilleur service possible. Par exemple, ce vendeur de popcorn brésilien [30] [en portugais] a obtenu la reconnaissance grâce à la créativité dont il fait preuve pour son commerce. Outre un grand succès médiatique, il a donné des conférences sur la façon d'entreprendre [31] [en portugais].

L'agriculture revient à la mode [32] [en anglais] chez la jeunesse et les vedettes japonaises, et les activités économiques qui reposent sur des fondations plus solides que la finance sont plus recherchées. Kamiyama Yasuharu [33] [en japonais] remarque que l'agriculture semble attirer la société japonaise actuelle.

Le Cambodge [34] [en anglais] fait toujours confiance à son agriculture pour se développer. Un économiste laotien [35] [en anglais] est persuadé que le Laos sera à l'abri de la crise économique mondiale, protégé par son économie “basée sur l'agriculture, et auto-suffisante”. Il ajoute :

Les gens qui vivent dans les pays industrialisés vivent dans la peur de perdre leur emploi, parce qu'ils ne peuvent pas faire pousser des légumes et élever des animaux comme les gens au Laos.

À la Jamaïque, les responsables de 21 organismes consulaires et organisations patronales ont décidé d'un accord de coopération pour compenser l'impact de l'aggravation du contexte économique mondial. Ils apprennent à nouveau l'intérêt d'établir un “dialogue de partenariat social” [36] [en anglais] entre gouvernement, opposition, salariés, entreprises et société civile.

La miniature provient de la page de suburbanslice [37] sur Flickr. Les articles en portugais ont été traduits par les soins de Paula Góes [38], et ceux en japonais par Scilla Alecci [39], qui écrivent et corrigent toutes deux pour Global Voices.