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Le chômage dans le monde et le retour au pays des travailleurs immigrés

Catégories: Amérique du Nord, Amérique latine, Allemagne, Arabie Saoudite, Brésil, Cambodge, Egypte, Etats-Unis, Hong Kong (Chine), Indonésie, Japon, Népal, Philippines, Economie et entreprises, Médias citoyens, Travail

Cette revue de blogs est consacrée aux témoignages des personnes touchées par le chômage de par le monde et aux travailleurs migrants qui retournent dans leurs pays. Comment le chômage affecte les travailleurs dans le monde ? Quelles sont les difficultés que rencontrent ceux-ci quand ils cherchent du travail ? Est-ce que le retour des immigrés dans leur pays peut créer des problèmes pour les pays en développement [1]? [en anglais, comme les blogs et sites cités, sauf mention contraire]

Chroniques du chômage

Plusieurs sites fournissent des mises à jour régulières sur les licenciements. Par exemple, Layoff Tracker [2], Layoff Daily [3], The Layoff List [4], Singapore Retrenchment Blog [5]. Pour sa part, l'Organisation Internationale du Travail a publié un document sur les derniers chiffres du chômage [6]pour chaque pays dans le monde. L'existence de ces sites soulignent le fait que les licenciements sont perçus par la majorité de personnes comme le premier indicateur de la récession mondiale. [7]

Beaucoup de chômeurs publient le témoignage de leurs luttes quotidiennes sur des blogs. Quelques exemples de ces “Chroniques du chômages” sont Furbier.com [8](Brésil), Retalhos Da Vida De Um Merdas [9](Portugal), Jobless and Less [10](Etats-Unis), Unemploymentality [11](U.S. A.), Pink Slips are the New Black [12](U.S.A.).

Escape from Unemployment, un livre sur la vie d'une personne au chômage [13]a été publié en Corée. A noter aussi, une autre chronique du chômage sur le blog Unemployment Haiku Weekly, [14] celui d'un travailleur licencié récemment.

Unemployment

Chomâge, par Haiku Weekly

Fabio C du Brésil donne son sentiment sur le chômage [15][en portugais] :

Ficar desempregado é terrível. Você se sente inútil, nem descansar consegue, já que você pensa que precisa achar algo para fazer. Seu corpo e sua mente se acustumam ao trabalho, agora entendo porque aposentados ficam depressivos ou porque alguns profissionais vendem 10 ou 20 dias de férias.

Meus dias tem sido pesados, cansativos por serem iguais.

Être au chômage est terrible. Vous vous sentez inutile, vous ne pouvez pas vous relaxer, car vous pensez que vous devez faire quelque chose. Votre corps et votre esprit sont habitués à travailler, maintenant je comprends mieux pourquoi certaines personnes à la retraite sont déprimées ou que d'autres préfèrent travailler pendant 10 ou 20 jours durant leurs congés.
Mes journées sont lourdes et pénibles, parce qu'elles sont toutes pareilles. C'est ce qui me déprime vraiment.

Selon le Bureau International du Travail, le Moyen-Orient et la région de l'Afrique du Nord ont enregistré le taux le plus élevé de chômage [16]en 2008. Amira Al Hussaini a écrit un article sur les licenciements dans le monde arabe [17]. L'un des pays les plus touchés est Dubai. Kinan Harjous a écrit un poème et plusieurs mails d'adieu [18]après son licenciement :

Il n'y a pas de quoi déprimer. Pour ma part, je suis ravi que ce soit fini. Bien sûr, l'argent va me manquer, et aussi de se sentir ‘utile”, mais il était temps.

J'ai écrit plusieurs mails d'adieu, mais j'ai choisi d'envoyer le plus court et le plus gentil. Il ne reste plus rien à faire, du moins, rien qui mérite d'en parler à la maison.  Mon énergie devra maintenant être utilisée pour aller de l'avant et suivre mes propres désirs. Je dois arrêter de prétendre d'être quelqu'un d'autre.

Même les travailleurs de l'industrie du cinéma sont en danger et perdent leurs emplois. À Hollywood, un producteur d'une grande maison de production [19]a été récemment licencié :

Ils disent que l'industrie cinématographique est l'un des secteurs à l'abri de la crise, mais quand vous avez les fondations d'une industrie aussi interconnectée qui s'écroulent, et quand vous avez soudain des personnes qui se rendent compte qu'elles vivent au dessus de leurs moyens, il semble que même la puissante Hollywood finisse par perdre des emplois. Et ces gens, comme tous les autres, devront réfléchir à comment trouver du travail, garder leur maison, et s'assurer que leur famille a une bonne assurance médicale.

Un blogueur de Corée du Sud identifie les différents scénarios [20]de licenciements dans son pays. Toujours en Corée, Aspan observe que “la société ne tolère pas le chômage [21]“[en coréen]. Ci-dessous, une traduction de ce qu’Aspan a écrit sur son blog :

Beaucoup de personnes ressentent de l'humiliation quand ils reçoivent l'indemnité de chômage. Il sont gênés dans les agences où ils reçoivent l'indemnité. Nous savons tous que nous avons perdu nos emplois, mais ils nous le rappellent d'une si cruelle manière. Nous ne demandons pas la charité, mais c'est vraiment gênant. Pour toucher l'indemnité donnée toutes les deux semaines, nous devons nous rendre à telle heure et prouver que nous avons fait de grands efforts pour trouver du travail au cours des deux  semaines écoulées. Si nous passons l'examen,  nous touchons enfin l'indemnité. En plus, la chose qui me déprime le plus est la manière dont les gens vous regardent.  Pourquoi une personne qui est censée être le soutien de la famille reste coincée à la maison ? “Puis-je me reposer pour retrouver de l'énergie ?” Même quand j'essaie de prendre une carte de crédit, je suis rejeté par les compagnies qui me priaient d'en prendre une auparavant… Notre société ne tolère pas le chômage.

Le chômage a permis à d'autres personnes de mieux profiter des choses et personnes qui comptent vraiment. Pedro du Portugal [22]est rassuré par le soutien de sa famille et ses amis[en portugais].

Valem-me muitas coisas. O conforto da família, os amigos, os colegas. E, mais do que tudo, poder pegar na tua mão e sentir que ao pé de ti nada mais importa do que ver-te verdadeiramente feliz. É essa a razão principal que ainda me faz sentir uma ponta de optimismo e afasta de vez a palavra desistir do meu dicionário mental. Porque nada irá estragar um bem precioso que me caiu na vida de forma tão incrível. Como que a dizer que a vida tem sentido. E tem. Contigo tem. Bastante.

Beaucoup de choses sont précieuses pour moi. Le réconfort de ma famille, de mes amis et de mes collègues. Et plus que tout, je peux tenir ta main et sentir qu'il n'y a rien de plus important que tu soies heureuse. C'est la principale raison qui fait que je reste un petit peu optimiste et que j'enlève le mot “abandon” de mon dictionnaire mental. Parce que rien ne pourra ruiner cette richesse qui est entrée dans ma vie d'une manière incroyable. C'est comme si la vie avait un sens. Et elle en a avec toi. Beaucoup.

Mais parfois le chômage détruit le courage. Un homme politique égyptien met sur le compte [23] du taux de chômage élevé l'augmentation des suicides en Égypte. [24]

La vidéo ci-dessous est consacrée au chômage dans les pays membres de l'Organisation de la Coopération et du Développement (OCDE).

Journal de recherche d'emploi

Les blogueurs écrivent également sur leur recherche d'emploi. La plupart rencontrent des difficultés.

Un expert en Israël a perdu son emploi pendant l'éclatement de la bulle high-tech en 2003. Mais il a été capable d'en retrouver. Aujourd'hui, il est de nouveau à la recherche d'un emploi. Sa femme parle du problème de la discrimination par l'âge sur le marché de l'emploi [25]:

La discrimination sur l'âge est illégale en Israël, mais n'importe qui dans le secteur high-tech sait très bien que ce sont des mesures en l'air. Un exemple, si vous avez plus de 55 ans, vous n'existez plus.

Que faire quand vous avez une vie entière d'expérience et qu'aucune entreprise ne  considère sérieusement votre candidature parce que vous avez dépassé “un certain âge” ?

L'une des choses les plus dures quand on a un époux au chômage, c'est de le voir perdre un peu plus chaque jour son estime et son ego à cause des échecs aux entretiens d'embauche. Parfois, ces procédures de sélection durent de 3 à 5 mois tandis que les compagnies restreignent la liste des postulants.

Mona, une Palestinienne au Canada, est frustrée car les compagnies d’ informatiques cherchent des personnes compétentes, mais prêtes à travailler pour presque rien [26]:

Vous pouvez dire que la recherche d'un emploi est difficile, mais je suis désolée, entreprises et recruteurs, je ne parle pas 20 langues, et je n'ai pas 5 d'expérience ou plus. Toutefois, je peux apprendre de nouvelles choses, comme n'importe quel diplômé en informatique. Est-ce qu'apprendre est devenu une si mauvaise chose aujourd'hui, pour qu'une personne doive tout savoir depuis le début, et être payée au salaire minimum ?

De nos jours, les emplois du secteur informatique ne sont pas basés sur l'éducation supérieure ou la capacité à évoluer. Ils sont basés sur le fait de trouver un robot humain qui connait tout, et travaille pour presque rien.

À Hong-Kong, Oiwan Lam de Global Voices a écrit un article sur le controversé plan du gouvernement pour les diplômés d'universités en recherche d'emploi [27]:

Étant donné que le problème du chômage empire, préserver son emploi est la priorité. John Tsan (Le Secrétaire d'Etat aux finances) a décidé de vendre les diplômés d'université grâce à  des subventions. Cependant, beaucoup de personnes pensent que cette politique va fausser le marché de l'emploi, car il permet aux entreprises de payer des diplômés d'université aussi peu que 4000 dollars de Hong Kong (un peu plus de 500 $) par mois, dont 2000 proviennent des subventions du gouvernement.

Plusieurs groupes Facebook ont été créés pour protester contre cette politique. Le plus populaire est  “Le secrétaire d'état aux finances de Hong Kong mérite de gagner 4000 dollars par mois seulement !”

En Allemagne, beaucoup de demandeurs d'emploi sont forcés de travailler moins d'heures [28]pour obtenir les aides sociales. Curieusement, les banquiers d'investissement de Londres qui sont au chômage [29]partent vers Singapour. Les femmes saoudiennes qui perdent leurs emplois ont peu d'opportunités – l'un des principals risques est  le harcèlement sexuel sur le lieu de travail [30]. Un blogueur Cambodgien invite les Khmers américains qui cherchent des emplois stables à retourner au Cambodge [31]. Les médias sociaux en ligne sont utilisés pour chercher du travail. Par exemple, Twitter job Search [32].

Au Japon, on craint que le pays fasse déjà face  à “une période glaciaire du chômage” qui risque de créer une autre “génération perdue” de jeunes travailleurs japonais sans emploi à plein temps. Au moins, 87 entreprises ont annulé 331 promesses d'emploi [33]aux étudiants des universités l'année dernière. Plus de 500 travailleurs temporaires [34] se sont installés dans des tentes après avoir perdu leurs emplois en janvier dernier.

Cette petite vidéo montre ces travailleurs temporaires japonais qui ont trouvé refuge dans des tentes.

Le retour des migrants

Un grand nombre de travailleurs migrants retournent dans leurs pays après avoir perdu leur emploi au U.S.A et en Europe [35]. Cette immigration inversée peut créer des sources de conflits dans les pays pauvres qui ne peuvent fournir les emplois nécessaires et les services sociaux pour leurs citoyens.

Plus de 8 millions de Philippins travaillent à l'étranger. Les virements qu'ils envoient à leurs familles soutiennent l'économie des Philippines. Aujourd'hui, beaucoup de Philippins [36], dont des professionnels, retournent dans leurs pays. Un couple philippin qui a perdu sa maison et leurs emplois  en Californie [37]retourne au pays. Les domestiques qui travaillaient à Hong-Kong sont remplacées par des travailleurs locaux [38]. Dans un précédent article, j'avais mentionné le fait que Philippine Airlines a augmenté ses vols des U.S.A vers les Philippines, ce qui peut être interprété comme un signe que de plus en plus de Philippins sont forcés de retourner aux Philippines [39].

Par le passé, les Brésiliens d'origine japonaise migraient vers le Japon. Aujourd'hui, “le Brésil est le nouveau Japon”. Paula Goes de Global Voice a écrit un article sur ces immigrants brésiliens au Japon [40]qui rentrent à la maison à cause de la crise. Au moins 40 000 Brésiliens prévoient de quitter le Japon.

Elaine a choisi de rester au Japon ; mais elle observe que la situation économique du Japon ne fait qu'empirer. Elle s'inquiète également car des Brésiliens sont à la rue au Japon [41][en portugais]:

A crise não dá sinais de melhora e com isso existem mtos brasileiros que aqui residiam e que já regressaram ao Brasil,os que ficaram,como eu,estamos tentando sobreviver nessa crise brava que afetou o Japão,quase todos os dias eu vejo nas notícias do Japão alguns brasileiros que vivem nas ruas, que não tem nem o que comer e outros que vivem em abrigos públicos,contando com os donativos de pessoas solidárias.

La crise ne s'améliore pas et à cause de ça, beaucoup de Brésiliens habitués à vivre ici sont obligés de retourner au Brésil. Ceux qui restent comme moi essayent de survivre dans cette crise folle qui affecte le Japon. Chaque jour, je lis des journaux japonais qui rapportent que des Brésiliens vivent dans les rues, certaines personnes n'ont plus rien à manger et d'autres vivent dans des refuges publics, survivant grâce à la charité.

On prévoit que la population de Dubai [42]va diminuer de 8 % car les étrangers continuent de quitter la ville. Un blogueur avance même que la population va baisser de 25 %. Les écoles de Dubai reçoivent beaucoup de formulaires de demande de certificats pour les transferts scolaires, car les enfants des travailleurs étrangers retournent dans leurs pays. Une école a perdu 10 % de ses élèves.

Les économies de la plupart des pays en Asie du Sud dépendent des versements de leurs travailleurs à l'étranger. Rezwan de Global voices a écrit un article sur le flux continu de travailleurs migrants qui retournent soudainement dans leurs pays d'Asie du Sud [43].

Supriyo Chaudhari du Sunday Post écrit à propos du retour en Inde des immigrés aux Etats-unis [44]:

La récession, les incertitudes, les difficultés dans les formalités d'immigration et les opportunités émergentes en Inde favorisent un flux de migration inverse des U.S.A vers l'Inde. Ça commence à être le cas en Angleterre, et c'est pire à Dubai. Ainsi, les villes indiennes sont pleines de migrants qui ont un peu d'argent, et qui essaient de reconstruire une nouvelle vie.

Le nombre de travailleurs quittant le Népal [45]a baissé. Comme la Malaisie préfère donner du travail aux locaux, les travailleurs bangladais [46] sont forcés de retourner dans leurs pays.

Photo en vignette de Per Bjorklund [47] sur Flickr. La traduction des textes en portugais a été effectuée par l'auteur de Global voices  Paula Goes [48]Hyejin Kim [49] a traduit les extraits de blog coréen.