Cuba : La blogueuse Yoani Sànchez présente Voces Cubanas

Philologue, et blogueuse depuis 2007, Yoani Sánchez a joué un rôle de premier plan dans le phénomène décrit par certains comme une « blogostroïka » à Cuba. Son blog Generación Y [en espagnol, comme tous les blogs cités]  est actuellement hébergé par  Desde Cuba ; il est inaccessible depuis le territoire cubain depuis la dernière semaine de mars 2008, mais disponible si l'on utilise un serveur proxy “anonymiseur”. Avec Reinaldo Escobar, Yoani participe à l'organisation de rencontres itinérantes de blogueurs tenues durant les deux derniers mois et fait aussi partie du jury du concours de blogs « A Virtual Island ».


Photo de Claudio Fuentes Madan reproduite avec sa permission

Yoani Sánchez a été récompensée par le prix Ortega et Gasset du journalisme, le prix Bitácoras 2008 et le Best Of Blog de la Deutsche Welle. Le 28 janvier, Voces Cubanas (Voix cubaines) a été créé dans le but de rassembler les blogueurs de l'île. A ce jour, 8 blogs sont actifs et 15 sont en développement.

Claudia Cadelo : Quels sont les objectifs du nouveau portail Voces Cubanas et en quoi celui-ci diffère-t-il de Desde Cuba ?

Yoani Sánchez : Voces Cubana est une plateforme de blogs, elle diffère de Desde Cuba qui contient aussi un magazine en ligne et d'autres espaces polyvalents. C'est un site web où tous ceux qui souhaitent s'exprimer ou mettre sur pied des projets peuvent le faire. L'idée est née avec l'expérience que nous avons acquise en administrant d'autres sites. Il n'y a pas de politique éditoriale, chaque blogueur est responsable de ce qu'il publie, joue le rôle de rédacteur en chef et parfois de censeur.

CC : Quel sont les critères à respecter pour pouvoir avoir un blog sur Voces Cubanas ?

YS : La condition fondamentale est de vivre à Cuba et d'écrire depuis l'île. Les personnes intéressées par un espace sur Voces Cubanas doivent simplement nous contacter en personne ou par e-mail à bloggers@vocescubanas.com. Nous leur proposerons notre aide quant au design et leur apprendrons à administrer leur blog eux-mêmes. Nous acceptons tous les sujets, tant qu'ils n'incitent pas à la violence et qu'il n'y a pas d'éléments pornographiques, racistes ou discriminatoires.

CC : Quels sont les blogs hébergés sur le site à ce jour ? Pouvez-vous nous les présenter brièvement ?

YS : A la fin du mois de février, nous comptions 7 blogs et 3 autres vont les rejoindre bientôt. La plus grande difficulté pour que ces blogs soient prêts est l'accès à Internet. Étant donné que nous n'avons pas de connexion Internet à la maison, nous sommes obligés de nous connecter depuis des lieux publics, souvent des hôtels ou d'autres endroits qui sont très chers.  Cependant, nous avons construit Voces Cubanas [petit à petit] sans vouloir tout faire à la fois, malgré les limitations et les obstacles auxquels les Cubains sont confrontés quand ils essayent de développer des projets en ligne.

Á ce jour, nous comptons Reportes de Viaje écrit par Henry Constantin de la province de Camagüey, Veritas écrit par Eugenio Leal qui est consacré aux enquêtes d'opinion, mon blog Generación Y qui reste disponible sur Desde Cuban ainsi que Desde La Habana du journaliste indépendant Iván García et nous sommes actuellement en train de travailler sur Octavo Cerco de Claudia Cadelo, Habanemia de Lía Villares et Lunes de Post Revolución d'Orlando Luís Pardo Lazo.

CC : Qu'est-ce que le concept de blogostroïka? Pensez-vous que les blogs peuvent contribuer à élargir les libertés du peuple cubain?

YS : L'idée de se référer à ce nouveau phénomène par le terme de blogostroïka vient des Cubains exilés qui écrivent depuis l'étranger. Ils font référence à une nouvelle vague de sites personnels et collectifs qui traitent de thèmes liés à Cuba, apparue au cours des cinq dernières années. Ce terme fait clairement allusion au programme de réformes initiées par Mikhail Gorbatchev à son arrivée au pouvoir, spécialement au cours du processus de transparence appelé glasnost. Même si ce mot sonne bien, j'aimerais faire une petite remarque : si la pérestroïka est venue d'un pouvoir,  la blogosphère cubaine alternative n'a demandé la permission de personne pour exister.

CC : Parlez-nous de vos expériences depuis la reconnaissance internationale que vous avez reçue. Pouvez-vous parler des différentes étapes de votre vie, avant d'être blogueuse, en tant que blogueuse, puis comme blogueuse voyageant pour apprendre aux gens comment lancer un blog ? Avez-vous changé ? Est-ce que ça vous a permis de découvrir quelque chose sur vous ?

YS : Beaucoup d'aspects de ma vie ont changé, alors que d'autres sont toujours les mêmes. Depuis que la presse étrangère s'est intéressée à mon blog, j'ai reçu beaucoup d'invitations pour des interviews, d'offres de collaboration et de messages d'encouragement. J'étais quelqu'un de très timide, j'ai donc dû m'adapter quand les gens ont commencé à me reconnaître dans la rue et même à me demander des autographes. J'ai aussi dû apprendre à vivre avec certains jugements injustes, les actes de diffamation dont j'ai été l'objet, les mensonges selon lesquels j'étais employée par la CIA. Ma famille a vu mon temps libre diminuer, mais elle m'a toujours soutenue, par exemple en me soulageant de mes tâches quotidiennes.

Durant ces deux dernières années de participation à la blogosphère, j'ai notamment appris qu'un citoyen tout à fait ordinaire peut accomplir beaucoup de choses, qu'un immense pouvoir est caché dans chaque individu.

CC : Quelles sont vos attentes concernant la blogosphère cubaine?

YS : J'espère qu'elle deviendra plus importante et plus diversifiée. J'ai le sentiment que la blogosphère cubaine jouera un rôle important dans la démocratisation du pays et dans le domaine de l'opinion publique. Je pense qu'elle sera florissante à long terme, car il y a beaucoup à dire et de nombreux moyens de le faire, je ne pense donc pas qu'elle soit près de s'essouffler.

Commentez

Merci de... S'identifier »

Règles de modération des commentaires

  • Tous les commentaires sont modérés. N'envoyez pas plus d'une fois votre commentaire. Il pourrait être pris pour un spam par notre anti-virus.
  • Traitez les autres avec respect. Les commentaires contenant des incitations à la haine, des obscénités et des attaques nominatives contre des personnes ne seront pas approuvés.