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Israël : Réflexions sur les relations israélo-palestiniennes

Catégories: Israël, Liban, Palestine, Arts et Culture, Gouvernance, Guerre/Conflit, Idées, Langues, Médias citoyens, Relations internationales

Dans la blogosphère israélienne [anglophone], l'humeur est à la contemplation. C'est peut-être l'effet de la fête de Pessah, qui célèbre la libération de l'oppression, ou simplement, de ce que les Israéliens ont eu une période de calme à passer en famille, mais nombre de billets sur les relations entre Israéliens et Palestiniens viennent de parsemer le paysage de la blogosphère.

Ami de Half & Half songe [1] à son exposition aux Arabes tandis qu'il grandissait en Israël :

La vérité, c'est que beaucoup de gens comme moi ont grandi en Israël, sans jamais vraiment se mêler aux Arabes. J'ai grandi à Haïfa, la «cité de la coexistence». Mais je ne les voyais que lorsque je descendais de la colline pour acheter un shawarma. Ils habitaient dans leurs quartiers, et moi dans le mien. Ils allaient dans leurs écoles, et moi dans la mienne.

J'ai fait mon service dans la marine, je ne rencontrais donc pas les Palestiniens aux points de contrôle, aux barrages routiers ou en appliquant les couvre-feux. Même lorsque je me suis fait tirer dessus par des Arabes (des Libanais en l'occurence), je ne pouvais les voir, ils étaient trop loin… Tout compte fait, j'ai mené une vie sans Arabes dans un pays concerné par eux au premier chef.

Le journaliste Noam Sheizaf, qui blogue sur Promised Land, observe qu'il y a dans la société israélienne un désintérêt envers la politique internationale, et même en ce qui concerne les problèmes israélo-palestiniens. Sheizaf affirme [2] :

Beaucoup de gens ne croient pas qu'il y a quelque chose comme «l'occupation». C'est le résultat malheureux des Accords d'Oslo et de l'instauration de l'Autorité Palestinienne. Les gens n'ont pas l'air de comprendre qu'Israël domine toujours presque chaque aspect de la vie des Palestiniens – qui, de ce fait, a été réduite à guère plus que de la survie.

En fait, la plupart des Israéliens ne savent pas grand'chose de la vie des Palestiniens. A la différence des années d'avant Oslo, presque personne ne va plus en Cisjordanie, et les Palestiniens ne pénètrent pas en Isaël. Pour la plupart des Israéliens, le problème palestinien est un concept abstrait, presque imaginaire. Le trajet de certains faubourgs de Tel Aviv à la ville palestinienne la plus proche prend environ 10 minutes, mais ce sont deux mondes séparés.

Lirun, de East Med Sea Peace, blogue souvent sur son entourage, en grande partie arabe, à la fois chrétien et musulman. Il relate [3] une expérience récente avec des voisins arabes, avec qui il parle d'ordinaire en arabe, et qui l'ont pris à tort pour un Arabe chrétien. (Il est juif.)

Absolument flatté, j'étais aussi un peu sur le cul que pendant tout ce temps, ce n'était pas comme Juif qu'elle m'aimait bien, mais plutôt comme Arabe hahaha… Je me montrais sous mon meilleur jour en tâchant de cultiver des stéréotypes positifs, et pendant tout ce temps, les bénéficiaires, c'étaient les Arabes chrétiens qu'on a déjà à la bonne :)

Michael Horesh de Afternoon Tea in Jerusalem médite sur une visite en Cisjordanie, dans un article intitulé «Israéliens et Palestiniens – Ça n'est pas une vie.» Il écrit [4] :

Malgré toute la beauté de la nature, ce que j'ai aussi vu, c'est le coeur même du conflit israélo-palestinien. Des deux côtés ce n'est pas une vie («No way to live – NWTL»)

En regardant les villages palestiniens à distance, et en les comparant à l'organisation des villes israéliennes, on peut voir que l'Autorité Palestinienne est à l'évidence incapable (et n'a pas la volonté) d'investir des ressources dans leur développement social. NWTL…

Il faut que les leaders mondiaux, de même que les Israéliens et les Palestiniens, s'attaquent à ces problèmes réels, quotidiens, de terrain, et ce d'une manière qui substitue à la rhétorique le réalisme et la compréhension à tous les niveaux. Ensuite, peut-être, nous verrons émerger un processus de paix durable pour le Moyen-Orient.

Jeremy Moses réfléchit [5] dans le blog Mixed Multitudes au langage du conflit.

Je déteste, je hais, cela me fait HORREUR, quand les gens mettent les mots Palestine ou Palestiniens entre guillemets. C'est incroyablement outrageant et n'aide en rien à résoudre le conflit.

Même si vous ne croyez pas que les Palestiniens ont un droit à avoir leur Etat, nier leur existence-même en tant que peuple ou leur droit à une identité propre est mal.

Le militant pacifiste Daniel Lubetsky raconte le défi que représente le choix des mots et du langage pour traiter des questions israélo-palestiniennes. Fondateur de OneVoice [6], une organisation qui promeut la paix au Moyen-Orient, Lubetsky écrit [7] sur la difficulté de formuler la mission d'une organisation au milieu du conflit.

La guerre de Gaza a causé tellement de méfiance et de ressentiment que même ceux qui croient le plus ardemment à la coexistence, à la paix, à la liberté et à la sécurité pour les deux peuples ont douté que l’ «autre côté» soit un vrai partenaire qui les respecte.

Lubetsky confie que les négociations avaient presque atteint le point de rupture quand elles ont été sauvées par des équipes de soutien venant des Etats-Unis et d'Europe. A la fin, les équipes israélienne comme palestinienne

… ont réussi à réaffirmer et même approfondir leur mission et leur message commun, reconnaissant aussi leurs peurs et besoins fondamentaux réciproques.

Dans un billet intitulé «Maltraitance contre des enfants», Bernard Avishai prend ses distances [8] avec la vision manichéenne de la crise israélo-palestinienne, et préfère se focaliser sur l'expérience des jeunes hommes et femmes qui composent les forces armées israéliennes.

Je n'irai pas par quatre chemins. Nous prenons des dizaines de milliers de jeunes gens de 18-19 ans, à peine sortis eux-mêmes de l'enfance, qui sont à un moment de la vie où se montrer le plus cool possible est une sorte d'ejeu sexuel ; une période où les idées sur le monde sont largement des sagesses reçues ; quand les corps sont au sommet de leur force, mais la peur de la mort l'est aussi… quand le désir de prouver sa loyauté est le plus intense…

Nous prenons ces jeunes… et nous leur disons que les Arabes, au plus profond d'eux-mêmes, ne voudront jamais d'un Etat juif  dans la région ; que dans tous les cas, la terre est sacrée, et que céder du terrain, est le plus grand péché de la loi juive, de même que montrer de la pitié à ceux qui veulent vous tuer ; qu’ «Oslo» a donné aux Palestiniens une offre de la  plus haute générosité, mais qu'ils y ont répondu malgré cela par le terrorisme ; que (ce qui s'est avéré évident) le terrorisme peut prendre n'importe quelle forme, homme ou femme, jeune ou vieux ; que leur raison d'être là où ils sont, c'est de protéger nos civils des actes de cruauté aveugle.

Avishai conclut en disant que les jeunes sont pénétrés de ces notions d'éthique et de valeurs tout en étant dépourvus de l'expérience de la vie leur permettant de tempérer leur jugement. La nécessité d'agir vite met en péril la façon dont ils prennent leurs décisions. Face à une pression militaire intense, ils sont sujets à des erreurs qui émanent d'une obligation sociale intense de protéger la terre et le peuple d'Israël.

Il est difficile de savoir ce qui sortira des ruminations collectives de la blogosphère israélienne, mais ces billets, pris dans leur ensemble, font apparaître ce qu'il y a sous la surface de la société israélienne,  en révélant les pensées des Israélien(ne)s au fil de leurs rencontres et de leurs rapports avec la vie au Moyen-Orient.