Récession économique : Le monde parle, l’écoutons-nous ?

Le Net ne manque pas d'articles qui couvrent les différents aspects de la crise économique. Beaucoup ont pour auteurs des experts et des hommes politiques. Mais qu’en est-il du point de vue du blogueur ordinaire ? De ceux qui ne s’expriment pas en anglais ? Cette revue de blogs illustre comment dans le monde les gens tentent de faire face à cette crise. Elle met l’accent sur le point de vue des blogueurs, identifie les effets de la crise dans plusieurs pays et montre comment elle affecte le monde entier. Ce billet s’ajoute aux cinq autres de cette série sur la crise économique.

Révélateurs de crise

La récession aux États-Unis et en Europe affecte l'industrie textile [en anglais comme tous les blogs cités sauf mention contraire] du Bangladesh. Beaucoup d’ouvriers ont été licenciés pour cause de production réduite. Un autre domaine touché est le secteur de la crevette , qui est le deuxième secteur d'exportation du Bangladesh. Les problèmes économiques des autres pays asiatiques ont également des répercussions au Bangladesh. Comme les compagnies maritimes rencontrent des difficultés à Singapour, beaucoup d’immigrés du Bangladesh qui y travaillaient sont renvoyés chez eux. La Malaisie a également décidé d’engager en priorité ses chômeurs locaux ; ce qui est une très mauvaise nouvelle pour les Bangladais car ils émigrent avant tout en Malaisie.

Au Kazakhstan, Alim-atenbek [en russe] raconte la crise qui a frappé la ville industrielle de Stepnogorsk l’hiver dernier ; le chauffage, l’électricité et l’eau ont été coupés pendant presque une semaine.

C’est dommage de lire de telles choses à propos d’une ville qui fut prospère. Au lieu d’investir dans la reconstruction des infrastructures obsolètes, nous avons construit des gratte-ciels en verre à Astana (la nouvelle capitale du Kazakhstan) qui demeurent vides. De toute évidence, après la crise économique, une crise des infrastructures menace et peut-être une crise politique également.

La monnaie du Kazakhstan a été dévaluée en février dernier. Les Kazakhs en ont immédiatement ressenti les effets. Voici ce qu’en dit le blogueur Katelka [en russe]

Notre pouvoir d’achat a baissé de 25 %. Les salaires des fonctionnaires et les retraites venaient d’être réévalués de 25 % donc cette hausse s’avère nulle. Certains de mes amis sont payés en monnaie locale mais leurs prêts immobiliers sont en dollars … On assiste à une valse des étiquettes dans pas mal de magasins. Dans les grands supermarchés, les gens entassaient en courant tout ce qu’ils pouvaient dans leur caddy: céréales, beurre, pâtes.

La chute du dram, la monnaie locale, illustre également la crise en Arménie. Elle a créé une panique dans le pays.

À Hong Kong la crise financière est principalement imputée au Ministre des finances John Tsang. Sur Facebook, 20 groupes protestent contre lui. Le plus important (qui compte plus de 10 000 membres) lui demande de baisser à 4000 dollars de Hong Kong mensuels son salaire car son plan de relance encourage les entreprises à engager les jeunes diplômés à ce salaire.

Dans la province de Cebu, aux Philippines, dans l’émission de radio DYAB , Abante Bisaya Pulso, a demandé à ses auditeurs de lui faire part de leurs réflexions sur la crise. Voici quelques réponses :

Kaniadto, mag-awto gyod ko. Karon mag jeep na ko. Seven rides gud ko padulong sa trabahoan. Kay ang akong suweldo kuwang ra man. Mahal baya ang maintenance sa awto. Mag-awto na lang ko kon kusog kaayo ang uwan. Gikan ni Chona sa Lapulapu City;
Ang krisis dugay na gyod nako nabatyagan kay kani-adto moingon ko nga way kuarta, akong pitaka naa pa nay tinipigan nga bag-o ug way pilo gikan sa P20 ngadto sa P1,000, pero kon moingon nga way kuwarta, aw sus as in wala gyod,. Gikan ni Rollie sa Talisay City;
Krisis na gyod kay sa pag-abli namo sa tindahan nag-una ang utang kay sa cash. Gikan ni Oslec;
Nakabatyag na mi sa krisis kay daghan nang bakante sa boarding houses diri sa Opon. Gikan ni Mr. Baguio.

Chona qui vit à Lupulapu City : Avant, je ne me déplaçais qu’en voiture, maintenant je prends la Jeep (transports publics). Il m’en faut prendre sept d'affilée pour arriver au boulot. Mon salaire n’y suffit pas. Une voiture revient cher à entretenir. Je n’utilise la voiture que lorsque la pluie est drue.
Rollie de Talisay City : Je me suis rendu compte de la crise il y a longtemps car avant, lorsque je disais que je n’avais plus un rond, mon portefeuille contenait des billets neufs de 20 à 1 000 pesos ; mais maintenant, lorsque je dis que je suis fauché, il n’y a vraiment rien.
Oslec : C’est vraiment la crise car lorsque nous avons ouvert la boutique nous avons d’abord eu des dettes avant de faire des recettes.
Nous voyons déjà la crise parce qu’il y a beaucoup de places libres dans les internats.

Travailleurs migrants en difficulté

Dans un billet précédent, j'avais parlé d’immigrés brésiliens SDF au Japon. Une vidéo d’un reportage de la chaine Fuji nous montre la vie de Sidival Furuzawa Pereira, un SDF de Hamamatsu.

Voici un résumé de cette vidéo :

Monsieur Pereira passé ses journées à fouiller des tas d’ordures pour trouver des canettes en aluminium et des objets qu’il pourra revendre aux centres de recyclage. Au début de la vidéo, la charge qu’il porte sur son vélo lui rapporte 350 yens (environ 3 dollars). Il envoie cet argent à sa femme et ses enfants restes au Brésil et se nourrit de ce qu’il trouve dans les poubelles.

La vidéo se termine par un coup de téléphone que Monsieur Pereira donne à sa famille le 1er janvier. Ils lui demandent de rentrer mais il leur répond qu’il est déterminé à rester afin de pouvoir les soutenir financièrement.

Mako nous dit qu’il a quitte le Paraguay pour l'Espagne :

En mi caso particular me vine a España porque estaba totalmente arruinado económicamente; de tener una bodega, un bar y una despensa, en pocos años terminamos en ruina, cada vez se vendia menos, la venta callejera que vendia mas barato sin pagar impuestos, el pago de alquiler, personal y las ventas cayeron a pique, y los servicios públicos cada vez mas caros…
Claro que los extraño, extraño mi casa, mis parientes, mis perros, y extraño mucho el tomar tereré sin la menor prisa bajo el mango, como si el tiempo no existiera, extraño a mis parientes en las navidades, cumpleaños, bodas o el simple hecho de reunirnos a comer tallarin con pollo un domingo.

Personnellement, je suis venu en Espagne parce que j’étais ruiné, j’avais un débit de boissons, un bar et un commerce de proximité et en moins de temps qu’il ne faut pour le dire j’étais ruiné, je vendais de moins en moins. Les vendeurs ambulants vendaient moins chers que moi sans avoir à payer des taxes, un loyer, du personnel, mes ventes ont chuté et les services publics étaient de plus en plus chers ….
Bien sûr que ma famille me manque, ma maison, mes proches, mes chiens me manquent, je ne bois plus du tereré (tisane) sous le manguier et je ne vis plus comme si le temps n’existait pas, mes proches me manquent à Noël, aux anniversaires, aux mariages pour des choses aussi simple que de manger du poulet et des nouilles le dimanche.

Chômage

Les chiffres du chômage ne cessent de s’aggraver partout dans le monde. Les signes le plus tangibles de cette crise mondiale sont ces chiffres du chômage en hausse. Même les entreprises qui font des bénéfices licencient. Barbados Underground remarque cette tendance à La Barbade :

Quelque chose de très bizarre a commencé à La Barbade et dans les Caraïbes ces dernières semaines. Beaucoup de nos entreprises BÉNÉFICIAIRES commencent à licencier.
C’est à la limite de la légalité que des entreprises BÉNÉFICIAIRES se séparent d’employés dévoués ayant contribué au succès de ces entreprises.
Pourquoi des entreprises bénéficiaires de La Barbade et des Caraïbes se hâtent-elles de manière indécente à licencier ? Pourquoi ces entreprises BÉNÉFICIAIRES n’ont-elles pas constitué des réserves afin de pouvoir en faire profiter leurs employés en des temps plus difficile comme maintenant ?

Dans le monde entier, les blogueurs donnent des idées sur la manière de circonscrire ces licenciements. Charoenchai Chaipiboolwong, un blogueur économiste thaïlandais, croit qu’il est important pour ceux qui cherchent un emploi de mettre en avant la créativité :

La meilleure solution n’est pas la guerre des prix car cela fera ne fera de bien à personne mais il faut plutôt essayer de trouver « valeur ajoutée » à nos produits. Dans le cas ou vous êtes l’employé, alors, trouvez la « valeur ajoutée » de vos compétences.
L’unique façon « d’ajouter de la valeur » est en étant créatif. La créativité vous différencie de vos concurrents.

La lettre qu’un père sud-coréen a écrite à son fils qui a des difficultés à trouver un emploi a inspiré d’autres Coréens. La lettre a été citée et son lien mis sur beaucoup de blogs du pays. Un extrait de la lettre [en coréen]:

“…원망하고 질책을 하기엔 너무 늦어 버렸다
성공한 사람일수록 진실 되어야 후환이 없는 법이다
부디 명심 하거라평생을 살아온 경험에서 얻은 이야기니
경제 어려운것 열심히 노력 하면 반드시 좋아질 날이 있다
하지만 그것은 여러 사람들의 노력이듯 자신들의 몫이기도 하니까…”

« ….Il est trop tard pour le ressentiment et les reproches. Les gens qui réussissent doivent être honnêtes, sinon, le futur leur réserve des embuches. Garde ceci à l’esprit…. C’est ce que la vie m’a appris… Tu peux t’en sortir en période de crise économique en travaillant dur. Des jours meilleurs ne peuvent que venir.

Cela dépend de beaucoup de personnes, dont de toi aussi.…. »

Un syndicaliste taïwanais s’insurge contre ceux qui culpabilisent les chômeur sans prendre en compte les manquements du système social :

台灣的失業工人之所以會獨自走向貧窮、燒炭的命運,很大部分正是因為我們長期把失業當成個別勞工的錯誤與罪過,卻錯失集體 面對、思考制度結構嚴重缺損的問題。如何透過這次因權貴階級把玩資本遊戲,而讓無辜勞工承擔痛苦的大失業潮,讓大眾至少能在「失業不只是我的錯」這個共識 下,思考並推動妥善處理失業創傷的制度療法,才是一個正確的理絡,絕對不該再走回高唱勞工自我調適、增值的老路上。

Nous pensons toujours que le chômeur est fautif, qu’il a commis une erreur et c’est pour cela que les chômeurs taïwanais sont seuls pour face a la pauvreté et se suicident en s’immolant ; alors que nous échouons collectivement a réfléchir sur les défaillances de notre structure et de notre système social. Nous devons clairement dire que les gens souffrent et sont au chômage par la faute des élites au pouvoir qui ont joué au casino et ainsi arriver à constater clairement et publiquement « Ce n’est pas de ma faute, si j’ai été licencié ». Ce constat est la base permettant une réflexion pour aller plus loin et un plaidoyer pour un remède méthodique qui pourra traiter le chômage. Nous ne devons pas retourner dans le passé lorsque l’on demandait aux travailleurs de s’adapter et de s’améliorer.

Protestation

En Chine ceux qui ont perdu leur emploi dans les usines appartenant à l’état organisent des actions de protestation. A Baoding, Hebei, 6000 employés sont en grève, car leur usine a été vendue et ils seront bientôt au chômage. Ils ont marché sur Pékin pour y présenter une pétition collective. Cette manifestation en inquiète certains car elle pourrait accroître l’instabilité politique. Le bloggeur 阿丁 (A-Ding) en parle ainsi:

有人担心工人们冲动而打砸抢,就别鸡巴瞎操心了——罢工不过是工人们为了自身权益采取的诉求方式,工人们比你们理智。几乎每一次暴力事件,都是统治者高高在上,不肯疏浚民怨、强奸公正和暴力压制的结果

Quelqu’un s’inquiète parce que les ouvriers pourraient saboter et voler – cela est tout à fait inutile . Par la grève, les travailleurs protègent leurs droits et leurs intérêts. Ils sont beaucoup plus rationnels que vous ne le pensez. Un incident violent est presque toujours le résultat des actions de ceux qui sont au pouvoir, c'est à dire qu’ils dominent avec des privilèges, ignorant la détresse de la population, et suppriment dans la violence.

Conclusion

Ce billet est le dernier d'une série sur la crise économique mondiale. Le premier billet parle de la crise en général et du mécontentement qu’elle crée dans le monde. Le deuxième billet examine les prêts et plans de relance de certains pays. Le troisième billet identifie des astuces pour survivre et les nouvelles opportunités nées de la crise. Le quatrième est consacré aux témoignages des personnes touchées par le chômage de par le monde et aux travailleurs migrants qui retournent dans leurs pays. Les pays qui disent ne pas être affectés par cette crise font l’objet du cinquième billet .

Les lecteurs remarqueront que cette série parle rarement de ce qui se passe aux États-Unis. Bien que reconnaissant le défi énorme auquel doivent faire face les USA, cette série invite à voir comment cette récession redessine les sociétés dans le monde. Beaucoup de blogueurs donnent des points de vue différents et perspicaces sur la crise. Une manière de résoudre cette crise est d’encourager un débat en ligne mondial.  Cette série y contribue.

Crédit photo : compte Flickr de *LJ*. Traduit du russe par Adil Nurmakov . Traduit du bisaya par Karlo Mongaya Traduit de l’Espagnol par Eduardo Avila . Traduit du thaï par Markpeak. Traduit du coréen par Hyejin Kim Traduit du chinois taïwanais par Portnoy Traduit du chinois par Bob Chen

1 commentaire

  • Chaque mois, à chaque fois, c’est la même chose, l’optimisme de la majorité en place contre l’alarmisme de l’opposition en vigueur, seul le nombre de gagnants à la loterie nationale change.
L’important c’est de participer, même si vous n’avez rien demandé, soyez un peu patriote.
Le lifting idéologique préconisé par la présidence et le gouvernement en poste voit son opération de chasse à l’Homme façon R.S.A. reportée de quelques mois. La faute à la crise à la fois mobile et alibi, toujours et encore elle.

    On peut raisonnablement dire que la cessation d’activité à durée indéterminée et non désirée est une MST économique.
On la contracte avant même le premier entretien d’embauche, elle fait partie du turnover du pacte social et citoyen.
Et peu importe le nombre de gagnants du jour, il est l’heure de la tournante et de la patience.
    La suite ici :
    http://souklaye.wordpress.com/2009/02/25/chomeur-un-metier-d’avenir-a-dure-indeterminee/

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