Angola : “Toutes les villes, même les nôtres, ont une histoire”

Depuis le mois de janvier, plusieurs blogueurs annoncent une pétition en faveur de la protection de ce qu'il reste de l'architecture historique de la capitale Luanda. Financée par l'Association des Architectes d'Angola, et adressée au président du pays, José Eduardo dos Santos, son but est de protéger le patrimoine architectural et les monuments de Luanda.

Pour défendre l'idée que “Toutes les villes, même les nôtres, ont une histoire”, la pétition débute ainsi :

ACREDITANDO que o que torna uma cidade singular é o seu património histórico e cultural, traduzido pelos hábitos das suas gentes, mas igualmente pelas pedras, construções, espaços e edifícios que foram sendo introduzidos ao longo dos séculos da sua génese.

ESTIMANT que c'est son patrimoine historique et culturel qui rend une ville unique, patrimoine contenu non seulement dans les traditions de son peuple, mais également dans les pierres, les constructions, les espaces et les bâtiments qui ont été construits au fil de plusieurs siècles d'histoire.

Photo de mp3ief sur Flickr publiée sous licence Creative Commons

On sait que les bâtiments modernes s'emparent toujours plus du paysage de Luanda. Dans un billet intitulée Luanda : une métamorphose [portugais] sur (R)évolution en Angola [portugais], le blogueur N'manga partage de nombreuses photos des nouveaux projets architecturaux. En septembre 2008, Global Voices Online publiait un billet dans lequel des blogueurs se demandaient à qui ces projets étaient destinés. Mais il s'agit maintenant d'une approche différente, comme le blogueur Kukiela l'explique dans son billet  :

A questão de uma identidade arquitectónica, um património que está a ser destruído na nossa baixa para se construir esse conjunto insípido de edifícios sem qualquer perspectiva cultural de identidade. Sei que isso leva à discussão de “identidade angolana”, que é uma longa discussão mas que é também importante pensar na vertente “evolução urbanística” da cidade de Luanda.

La question de l'identité architecturale, c'est un patrimoine détruit dans notre centre-ville afin qu'un ensemble de bâtiments de mauvais goût voit le jour, sans que la question de l'identité culturelle ne soit posée. Je sais que cela conduit à la discussion sur « l'identité de l'Angola » qui est loin d'être terminée, mais il est également important de réfléchir à « l'évolution urbaine » de la ville de Luanda.

L'affaire la plus marquante et la plus polémique abordée sur les forums en ligne à propos de la protection de l'architecture angolaise a eu lieu en août 2008, lors de la destruction du marché historique Kinaxixi , pour faire place à la construction d'un nouveau centre commercial.

Photo exclusive, prise le jour de la démolition du marché Kinaxixi, avec l'aimable autorisation de José Manuel da Silva Lima, sur Flickr.

Cet épisode n'a pas été oublié dans le message de la pétition :

TENDO tomado conhecimento que se continua a autorizar a destruição de património público, entre prédios classificados como foi o Palácio de Dona Ana Joaquina, ou por classificar, como o Mercado do Kinaxixe, este último considerado internacionalmente uma das obras arquitectónicas mais importantes do Movimento Moderno, e proposta por Óscar Niemeyer para ser considerado Património da Humanidade pela UNESCO.

Ayant remarqué que la destruction du patrimoine public est constamment autorisée, aussi bien sur des bâtiments classés, tels que le palais Dona Ana Joaquina, ou des bâtiments non classées comme le marché Kinaxixi. Ce dernier était considéré par la communauté internationale comme l'un des plus importants bâtiment du Mouvement Moderne d'architecture et était recommandé par Oscar Niemeyer pour être classé comme site du patrimoine mondial de l'humanité par l'UNESCO.

Toutefois, il n'y a pas qu'à Luanda que l'on détruit l'héritage culturel. Nuno Silva Leal, un architecte portugais de Benguela, se félicite de l'initiative de la pétition et évoque un cas qui s'est produit dans sa province :

Fiquei feliz em deparar há pouco na net com esta petição em defesa do património construído de Luanda. Sinal de que há ainda uma franja da população consciente do fabuloso património arquitectónico que têm em mãos e que não podem desbaratar, sob pena das gerações futuras virem a lembrar-se desta apenas pela ganância do lucro.
Aliás, este problema estende-se a todo o país. Aqui na província há bem pouco tempo atrás demoliram, tijolo a tijolo, a estação de comboios da Catumbela para, provavelmente, construírem um mamaracho chinês no seu lugar. Foi mais um pouco da história de Angola que morreu com a destruição deste edifício…

J'ai été heureux de trouver cette pétition pour la protection de l'héritage de Luanda sur Internet. Cela démontre qu'il reste encore une petite partie de la population qui est consciente du fabuleux patrimoine architectural, ils ne peuvent l'ignorer, ou alors, les futures générations ne se rappelleront que de l'avidité pour les profits.
En outre, ce problème se répand dans tout le pays. Ici, à la campagne, il n'y a pas si longtemps, la gare de Catumbela a été démolie, brique par brique, sans doute pour être remplacée par une construction chinoise. La destruction de ce bâtiment est juste un pas de plus vers la mort de l'histoire de l'Angola.

Le nouveau pont de Catumbela Photo de jlrsousa sur Flickr publiée sous licence Creative Commons

Que cela se passe à Luanda ou ailleurs, pour Koluki, il s'agit de souvenirs et de ce que les générations futures feront de ces souvenirs. Dans un long billet [portugais] intitulé A(s) Memória(s) e o(s) Património(s) – Passado(s) e Futuro(s) (De la mémoire et du patrimoine – Passé et Futur) :

Memórias… são elas que dão sentido à palavra “histórico” ao lado da designação “património arquitectónico”. Resta-nos sempre a consolação de que, pelo menos enquanto somos vivos, elas sobrevivem à morte dos edifícios. O problema é a preservação dessas memorias, individuais e colectivas, para as gerações futuras, não perdendo de vista, contudo, que estas não só têm direito ao conhecimento da história, como também […] têm o direito a e a capacidade para criarem a sua própria história e construírem as suas próprias memórias para o seu próprio futuro – que será, afinal, o futuro da Nação, portanto de todos nós.

Souvenirs… Ce sont eux qui avec la désignation de «patrimoine architectural» donnent du sens au mot “historique”.  Au moins de notre vivant, nous pouvons compter sur eux, en croyant que les souvenirs survivent à la mort des bâtiments. Le problème est la préservation de ces souvenirs, à titre individuel mais également pour les générations futures, sans oublier, toutefois, que non seulement ils ont le droit de connaître l'Histoire, mais aussi […] le droit et la capacité de créer leur propre histoire et de construire leurs propres souvenirs pour leur propre avenir – qui est, après tout, l'avenir de la nation, donc l'avenir de tous.

L'ensemble de la pétition qui, en plus de s'adresser au Président, informera également le gouverneur, le Ministre de la Culture, l'Assemblée de la commission de la culture ainsi que le représentant de l'UNESCO à Luanda, peut se lire sur ce lien [portugais] ainsi que sur de nombreux blogs (à l'instar de celui-ci). Même si elle est disponible en ligne, elle ne peut être signée que par les résidents et les natifs de Luanda à l'UNAP, Chá de Caxinde Association (Association des architectes) ainsi que dans les bureaux de Monsieur Sérgio Piçarra.



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