L'auteur sainte-lucien, Derek Walcott est un véritable antillais. Il a été adopté par les amoureux de la littérature, originaires d'une multitude de territoires de la région, qui se sont identifiés à son style et qui voient les nuances de la Caraïbe prendre vie sous sa plume. Ceci s'applique tout particulièrement à la Jamaïque, où il a poursuivi ses études à Université des “West Indies” [en anglais], et Trinité et Tobago, où il a travaillé durant de nombreuses années. Il y a même fondé l’ Atelier de Théâtre de Trinité [en anglais], qui a produit plusieurs de ses premières pièces. C'est pour tout cela que son Prix Nobel de Littérature reçu en 1992 a été vécu comme une victoire dans toute la région, et c'est aussi pour cela que sa récente rétractation dans la compétition très serrée pour la très convoitée Chaire de Poésie de l'Université d'Oxford, a laissé un goût amer chez de nombreux blogueurs [tous les liens sont en anglais].
Une campagne de dénigrement, condamnant le harcèlement sexuel que Derek Walcot aurait fait subir [en anglais] à des étudiantes de deux anciennes universités où il a enseigné entre les années 1980 et 1990, viserait à l'empêcher d'accéder à cette haute fonction universitaire. A ce sujet, Repeating Islands déclare que [en anglais]:
Certains auteurs ont plus ou moins tourné le dos à Ruth Padel, qui s'est désolidarisée des détracteurs anonymes de Dereck Walcott, mais qui semble être celle qui bénéficiera le plus de sa rétractation.
Ruth Padel a depuis eu le poste tant convoité [en anglais].
Repeating Islands [en anglais] cite ensuite l'auteur Shirley Dent [en anglais] qui déclare avec ironie: “Si quelqu'un pense qu'il s'agit d'un grand jour dans l'histoire du féminisme, qu'il se détrompe et rapidement.” Le billet se poursuit ainsi:
Même une des victimes présumées de D. Walcott, l'écrivain américain Nicole Kelby, déplore l'issue de cette histoire et en appelle à D.Walcott pour qu'il revienne sur sa rétractation et postule de nouveau. Auteure pour le Sunday Times, Nicole Kelby, dont les dires à l'encontre de l'auteur sainte-lucien utilisés dans la campagne de dénigrement, remontent à 1996, a déclaré que l'administration d'Oxford devrait annuler l'élection prévue ce weekend [note de la traductrice: au moment de la rédaction] plutôt que de permettre qu'elle ne soit dirigée par des manœuvres clandestines.
Ces “manoeuvres clandestines” sont ce qui pose le plus problème aux blogueurs. Le “litblogger” (blogueur littéraire) jamaïcain Geoffrey Philp déclare [en anglais]:
La grandeur de Walcott réside dans son oeuvre incomparable, construite tout au long de ces cinquante dernières années. Les prix Nobel, les chaires à Oxford et les autres récompenses ne sont rien d'autres que des ‘tuniques portées’ à titre honorifique. A travers sa gestion de cette petite crise, D. Walcott a su prouver qu'il tenait à la dignité qu'il a toujours associée à son écriture.
Islandista, blogueuse de Trinité et Tobago a un avis beaucoup moins tranché sur le sujet [en anglais]:
D'un côté, en tant qu'insulaires libres de nos opinions, loin de nous l'idée de défendre le harcèlement sexuel. Il s'agit d'une pratique vile et sale, dont la motivation première n'est pas l'attirance sexuelle mais bien un abus d'autorité sur une victime.
D'un autre côté, quel lien existe-t-il entre l'attitude jugée scandaleuse de Dereck Walcott et les honneurs qui lui seraient décernés pour son talent de poète? Ainsi que l'a expliqué Nicole Kelby, si nous devions privés des auteurs (et plus généralement, des artistes) de leurs honneurs sous le prétexte de l'indécence de leurs agissements sexuels, il ne resterait plus grand monde à récompenser.
Les artistes ont tendance, plus encore que les autres, à faire preuve d'agressivité sexuelle, à être plus entreprenants et à parfois être indécents. Bien qu'il ne nous appartient pas de justifier de telles attitudes, nous devons les distinguer de leur art.
Elle s'interroge aussi sur les actions de Ruth Padel [en anglais]:
Si elle se sent vraiment si isolée dans cette histoire, pourquoi ne choisit-elle pas de se retirer de la course ? Un groupe d'universitaires d'Oxford a diffusé hier une lettre adressée à elle-même et à l'autre candidat, l'universitaire indien, Arvind Krishna Mehrotra, les enjoignant à retirer leur candidature, puisqu'il s'agit là de l'unique moyen d'annuler l'élection prévue aujourd'hui.
Mais à vrai dire, aucun des deux autres candidats, Padel ou Mehrohtra, ne s'est retiré, laissant ainsi la masquerade poursuivre son cours et de fait, le nuage de la suspiçion s'épaissir.
Pour finir, Repeating Islands, le blog qui a suivi les événements avec le plus d'attention, s'intéresse de près à un article du London Times et conclut ainsi [tous les liens sont en anglais]:
Cet article étrange, qui porte le titre de ‘profil’ défend l'idée selon laquelle Walcott est ‘le plus grand poète encore vivant du monde moderne.’ En tout cas, il offre un espace pour ceux qui soutiennent Derek Walcott et croient que cette campagne de dénigrement contre le poète sainte-lucien était un complot impliquant Ruth Padel et ses partisans.
Ceci est, comme le disait un autre poète, de plus en plus curieux.