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Indonésie : Emprisonnée pour une réclamation

Catégories: Indonésie, Droits humains, Liberté d'expression, Média et journalisme, Médias citoyens, Technologie

Le cas de Prita Mulyasari, une mère de deux enfants, est le sujet brûlant du moment sur la blogosphère indonésienne. Cette femme a formulé une plainte sur Internet [1][en indonésien comme l'ensemble des blogs et sites cités ici] contre un hôpital privé de Tangerang, l'une des banlieues de Jakarta, et se retrouve accusée d'avoir enfreint l'alinea 3 du chapitre 27 de la loi sur l'information et la transaction électronique [2](UU ITE).

Prita a partagé avec les internautes le fait qu'elle avait été maltraitée par l'hôpital. L'établissement a engagé des poursuite à son encontre. Cette réclamation faite par le biais d'Internet pourrait se solder par six ans de prison et une amende pouvant aller jusqu'à un milliard de roupies indonésiennes (environ 69 334 euros).

Erwin Mulyadi fait part de son avis [3] sur la question sur son blog :

Seakan kembali ke masa lalu, kebebasan berbicara bakal kembali jadi hal yang mewah di negeri ini. Salah-salah, apa yang kita bahas di internet bisa dijerat dengan pasal ‘pencemaran nama baik’ pada UU Informasi dan Transaksi Elektronik (ITE).

[…]

Peristiwa ini lantas menimbulkan keprihatinan bagi saya, yang mengharapkan bahwa pelayanan apapun (termasuk rumah sakit) harus berorientasi pada kepuasan konsumen. Bahwa saat kritik disampaikan (entah dengan redaksional yang subjektif, gaya bahasa yang emosional dan tidak mengikuti kaidah bahsa hukum yang aman) lantas berbuah penjara, tentu membuat keprihatinan kita semua yang terbiasa menulis di ranah maya ini, termasuk para blogger yang menjadi komunitas jurnalis citizen yang paham benar istilah ‘kebebasan berbicara’. Oke taruhlah apa yang ditulis oleh Prita memang dianggap tidak benar dan penuh kebohongan, apakah reaksi ‘balasan’ melalui gugatan ini tidak terlalu berlebihan? Bisa dibayangkan efek psikologis dari peristiwa ini terhadap para penulis yang selama ini kritis dalam ‘meluruskan yang bengkok’ dan bisa dibayangkan betapa mudahnya tiap kritikan akan digugat dengan tuduhan : ‘pencemaran nama baik’

On a l'impression d'un retour dans le passé, la liberté d'expression sera bientôt un luxe dans ce pays. Un pas de travers et on risque d'être sanctionné, en vertu du chapitre “diffamation” de la loi ITE, pour des choses dont nous parlons sur Internet. (…)
Cet événement malheureux m'attriste ; je pense, pour ma part, que toute entreprise proposant un service (y compris les hôpitaux) devrait avoir pour objectif la satisfaction de ses clients. Les critiques (qu'elles soient présentées de manière subjective ou écrites sous le coup de la colère, ce qui ne respecte alors pas les règles de l'écriture convenable) qui ont pour conséquence l'emprisonnement de leur auteur nous désolent assurément, nous qui écrivons souvent dans le monde virtuel, et les blogueurs [4], considérés comme des journalistes citoyens qui ont une conscience si aiguë de ce qu'est la “liberté d'expression”. Disons que dans le cas de Prita, dont on dit qu'elle ment, ne pensez-vous pas que la réponse (judiciaire) est un peu trop forte ? On peut tous imaginer l'effet psychologique de l'affaire  sur ceux qui écrivent de façon critique dans l'intention “d'améliorer les choses”, et on peut imaginer comme il est facile qu'une critique soit jugée “diffamatoire”.

Un billet publié sur le réseau daily social [5]dit ceci :

Sangat disayangkan memang ketika anda mengajukan keluhan di internet, ternyata justru berakhir di penjara. Sedangkan kalau dipikir-pikir di koran-koran terkemuka hampir setiap hari ada saja keluhan terhadap perusahaan ini dan itu dan belum pernah saya dengar ada yang dipenjara karenanya. Mungkin sebaiknya kita lebih baik mengeluh di koran daripada lewat online? Memang sih ada juga kasus penulis surat pembaca yang dipenjara, namun yang ternyata keluhan tersebut diforward dari internet (anonim).

Fakta yang menarik bagaimana orang Indonesia tidak mampu menerima kritik bahkan dari pengguna yang katanya adalah raja. Apapun keluhan anda terhadap instansi apapun, silahkan keluhkan langsung di koran saja dan jangan melalui media online. Keluhan di koran pasti diperhatikan dan dicarikan solusi, keluhan via online akan membawa anda ke penjara.

Apakah ini namanya kebebasan berekspresi? Demokrasi? Sungguh menyedihkan.

C'est en effet malheureux que le fait de se plaindre sur Internet conduise en prison. Bien qu'on voie chaque jour une colonne entière de journal remplie de plaintes publiques contre des entreprises, je n'ai jamais entendu parler de quelqu'un arrêté pour cela (pour avoir fait publier une lettre de réclamation dans un journal). Peut-être devrions-nous nous plaindre par le biais des journaux et non celui d'Internet ? L'auteur d'une lettre de réclamation a en effet été mis en prison [6], mais après avoir bien lu les tenants et aboutissants, il s'avère que la plainte a d'abord été écrite en ligne (anonymement). C'est une affaire intéressante qui montre que les Indonésiens ne supportent pas la critique, même venant des clients, considérés comme des rois. Si vous avez à vous plaindre de quoi que ce soit, faites-le directement imprimer dans un journal, n'allez pas sur la Toile. Votre plainte imprimée attirera l'attention, voire une solution, alors que celle publiée en ligne vous mènera en prison.
Est-ce cela la liberté d'expression ? La démocratie ? C'est pathétique !

Un responsable de la commission des Droits de l'homme (Komnas Ham) a déclaré [7] que la cour réagissait de manière excessive en utilisant une loi ITE pour poursuivre un consommateur. La commission s'est dit également prête à aider la famille de la victime lors de la procédure judiciaire.

Dans le même temps, les internautes indonésiens se livrent à un plaidoyer public [8] en faveur du dernier site favori dans le pays, le réseau social Facebook.

Cette affaire a fait grand bruit après que la Cour suprême indonésienne a accepté l'appel à un réexamen de la loi ITE.

Une autre session de la cour est prévue pour juger Prita la semaine prochaine.