Malaisie : Un dilemme de la mondialisation, le progrès de l'éducation contre l'identité

Quand une décision en matière d'éducation, repoussée de façon contentieuse, n'est plus strictement une question d'éducation, elle explose sur le devant de la scène en débats et manifestations. L'enseignement des sciences et des mathématiques en anglais (PPSMI) mis en place en 2003 a remplacé le malais et les autres langues nationales comme langue d'enseignement pour l'enseignement des sciences et des mathématiques en primaire et secondaire. Il est maintenant soumis à une décision définitive, après des évaluation répétées et de multiples délais. Des groupes de pression influents occupent le centre de la scène afin de faire appel au Ministère de l'éducation et de revenir à la politique précédente de l'enseignement des sciences et des mathématiques  en malais et autres langues des minorités ethniques. Leur argument principal a été de préserver les langues ethniques, en particulier d'établir la prééminence de la langue malaise en tant que langue nationale, à l'ère de la mondialisation rapide.

Photo albanna83 sur flickr

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Nous pourrions nous demander pourquoi il y a encore une si grande résistance, 6 ans après sa mise en œuvre ? En outre, le Ministère de l'éducation a clairement énoncé les objectifs du PPSMI: élever la compétitivité future des étudiants et de la nation en général. L'intention ne justifie t-elle pas l'effort collectif pour surmonter les défis et les obstacles qui risquent d'être rencontrés sur le chemin ? Les grands médias publics ont mis en évidence les principaux points de vue des différents groupes de pression, mais qu'en est-il des points de vue – négligés – des principales parties prenantes : les parents et les élèves qui seront fortement touchés par la décision ?

Un groupe appelé Parents malais inquiets a mis en place une plate-forme pour faire pression et soutenir le PPSMI:

kita tidak boleh nyatakan bahawa gourou kurang kompeten dalam menyampaikan mata pelajaran Sain dan Matematik dalam Bahasa Inggeris sebagai satu Alasan for memansuhkan dasar tersebut. […] Jadi Biar Susah for pun kita mendidik anak-anak dan Sains Matematik kita dalam Bahasa Inggeris, kita harus laksanakannya supaya mereka lebih berdaya saing di scène antarabangsa pada masa depan.

Nous ne pouvons pas excuser la suppression du PPSMI en raison du manque de compétences des enseignants en anglais. […] Ainsi, peu importe la difficulté qu'ils ont peut-être à apprendre à nos enfants les sciences et les mathématiques en anglais, il faut l'exécuter de façon à ce qu'ils soient plus compétitifs au niveau international par le futur.

Un autre parent, Nuraina A Samad, a déclaré :

Nous avons tous bénéficié de l'apprentissage de l'anglais. Ainsi, de nombreux Malais des zones rurales ont bénéficié du fait d'avoir une bonne maîtrise de l'anglais.

L'étudiant  Bobby Wong a réfléchi à son expérience personnelle dans une école chinoise au niveau moyen-secondaire :

Le gouvernement a eu tant de mal à imposer  l'anglais comme la langue d'enseignement pour les sciences et les mathématiques dans les écoles et maintenant vous voulez revenir sur la politique ? Et votre argument est que vous voulez protéger la culture chinoise ? […] Être dans un environnement chinois avec des thèmes chinois n'est pas suffisant pour apprendre le chinois, hein ? Tous les enfants chinois ne sont bons en anglais non plus, ok ? Je vois tant d'étudiants diplômés des écoles chinoises qui passent leur examen final avec une mauvais niveau d'expression orale et écrite.

Noor Ainulfahim, un étudiant d'une minorité ethnique malaise fait une critique sévère [de ceux qui avancent que] plus de temps est nécessaire pour évaluer le PPSMI et qu'il peut être interprété comme une atteinte à la langue malaise :

Memperjuangkan BAHASA MELAYU? […] Are you denying the fact that most science books are in English? […] We are still teaching BAHASA MELAYU in SEJARAH, GEOGRAFI, PENDIDIKAN ISLAM […] dan ini belum termasuk semua subjek elektif […]

Le combat pour la langue malaise? […] Pouvez-vous nier le fait que la plupart des livres de sciences sont en anglais ? […] Nous enseignons toujours en langue malaise l'histoire, la géographie et les études islamiques […] sans même mentionner toutes les matières choisies par options[…]

Cependant, tous les étudiants ne sont pas favorables au PPSMI. Mohamed Idris lance une attaque cinglante contre l'anglais et contre l'illusion de la compétitivité et de l'internationalisme :

La réalité est que l'anglais ne fait pas de nous des gens tournés vers l'international. L'anglais peut nous aider à en savoir plus sur les pays anglophones comme les États-Unis, le Royaume-Uni et l'Australie. Elle pourrait nous aider à entrer en contact avec des gens qui fréquentent Davos et qui n'ont pas grand-chose à dire sur leur propre culture.

John Lee fait cette proposition:

Ce qui semble probable aujourd'hui, c'est que le gouvernement va revenir à l'ancienne politique pour les écoles primaires, tout en maintenant l'anglais dans les écoles secondaires : je pense que c'est peut-être le meilleur compromis que nous pouvons espérer. […] Dans le meilleur des cas, puisque les élèves disposent de six années d'exposition au malais et à l'anglais à l'école primaire, ils seront en mesure d'utiliser les deux langues dans l'enseignement secondaire.

Poobalan, un activiste en ligne, soutient le projet pour la communauté indienne, mais avec une condition particulière :

Les tenants du tamoul comme langue d'enseignement peuvent faire valoir que les documents sont disponibles en tamoul et que la possibilité de faire enseigner ces matières par des non tamouls signifie moins d'emplois pour les Indiens. Cependant, je pense qu'une clause peut être inclue : que les enseignants des sciences et des mathématiques doivent être bilingues, afin que, lorsque c'est nécessaire, les enseignants puissent fournir des explications en tamoul ou en anglais.

Les parents et les élèves de diverses origines ethniques qui sont cités ici sont assez favorables au PPSMI, mais est-ce un biais,  parce qu'ils maîtrisent l'anglais ? Qu'en est-il des communautés rurales qui ont du mal avec l'anglais et dont les opinions ne sont pas représentées du tout dans les médias sociaux? Les arguments de base, exposés ci-dessus, remettent constamment le débat sur la langue et l'identité, sur la préservation de la culture, sur la compétitivité future des étudiants et de la nation, sur les obstacles de la mise en œuvre. Ainsi, le titre résume bien le dilemme : le progrès de la mondialisation peut-il seulement être obtenu au détriment de notre identité culturelle très spécifique, dans un pays multi-ethnique ? Nous verrons la façon dont la Malaisie aborde et résout le cœur de cette question.

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