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Guatemala : Assassinat du Père Rosebaugh en Ixcán

Catégories: Amérique latine, Guatémala, Droits humains, Peuples indigènes, Religion

Une semaine après le meurtre du Père Rodrigo Rosenberg, et la diffusion posthume de la vidéo [1]où il nomme ses assassins [1], après les manifestations qui en ont découlé – surnommées le “tsunami blanc”-, un autre crime violent s'est produit à El Ixcán, au Guatemala. Des hommes armés ont intercepté la voiture qui transportait cinq missionnaires vers une réunion. Des coups de feu ont retenti, blessant grièvement un prêtre congolais, le Révérend Jean Claude Nowama,  et tuant un prêtre américain, le Révérend Lawrence Rosebaugh.  Ainsi s'est achevée la vie du Père Rosebaugh, qui était connu  comme étant un défenseur de la non-violence et de la paix [2] pendant les années où il a travaillé en Amérique Latine.


Photo of Father Lawrence Rosebaugh and used with permission by Pastoral Social del Ixcán [3]

Photo du Père Lawrence Rosebaugh utilisée avec la permission de la Pastoral Social d'Ixcán

Prêtre du même ordre religieux que le Père Rosebaugh et blogueur, Joaquín Martínez Vega de Postulacíon General OMI [en espagnol, comme tous les blogs cités, sauf mention contraire] se souvient de lui :

Ironías de la Vida: el P. Lorenzo Rosebagh, OMI, que siempre caminaba a pie o en bicicleta (incluso desde Estados Unidos a Brasil) para ir al encuentro de sus predilectos: los niños de la calle y los afectados por el Sida, fue asesinado en un coche. Iba al volante de una furgoneta, con cuatro misioneros más que acudían a una reunión con sus hermanos, los oblatos de la Delegación de Guatemala.

Ironie de la vie : le  Père Lorenzo Rosebagh, de l'ordre des missionnaires oblats [4], qui, tout au long de sa vie s'est rendu à pied ou à vélo (même depuis les États-Unis jusqu'au Brésil) chez les groupes avec qui il préférait travailler – les enfants des rues et les victimes du SIDA – a été assassiné alors qu'il conduisait une voiture. Il conduisait un van, avec quatre autres missionnaires à son bord, pour aller assister à une réunion avec leurs pairs, les OMI de la délégation guatémaltèque.
Father Lawrence Rosebaugh and used with permission from the Arca community. [5]

Père Lawrence Rosebaugh, photo utilisée avec la permission de la communauté de l'Arche.

Le Père Rosebaugh a été décrit comme étant “un ami des pauvres [6]” par le blog de la Communauté de l'Arche, en Espagne. Pendant les 74 années qu'il a passées sur la terre, il s'est opposé la guerre du Vietnam et a défendu les plus démunis pendant la guerre civile au Salvador. De plus, il s'est opposé aux armes nucléaires, à l'Ecole des Amériques [7] (NdT : qui entrainait les militaires latino-américains), et a fait plusieurs séjours en prison pour résistance pacifique. Il a choisi ensuite de retourner travailler avec les pauvres dans “El Ixcán”, au Guatémala. Il avait écrit dans son autobiographie :

De vuelta a los Estados Unidos, después de haber estado con los pobres y haber experimentado sus condiciones de vida, me siento como pez fuera del agua. Suspiro por el día en que pueda volver a Guatemala.

De retour aux États-Unis, après avoir vécu avec les pauvres et partagé leurs conditions de vie, je me sens comme un poisson hors de l'eau. Je rêve du jour où je pourrais retourner au Guatémala.

The Ixcán Region by Turn the City and used under a Creative Commons license. http://www.flickr.com/photos/smilegonesour/2869466038/ [8]

La région de l'Ixcán par Turn the City, photo publiée sous licence Creative Commons. http://www.flickr.com/photos/smilegonesour/2869466038/

La communauté de Playa Grande Ixcán [9], située dans El Quiché, avec qui le Père Rosebaugh avait choisi de travailler, est souvent complexe et dangereuse. Le paysage y est magnifique et les habitants sont accueillants, mais ceux-ci ont eu une histoire douloureuse pendant le conflit armé. Une grande partie des communautés qui vivent là-bas font partie de groupes ethniques différents.  Chacune donne une signification différente au nom de leur région, selon les langues qu'elles parlent, comme l'explique le blog Seguimiento Consultas [10] :

Para los kaqchikeles el termino Ixcán significa Mujer Serpiente o Madre Serpiente, haciendo referencia a la forma de serpiente que toma el río Chixoy y el río Ixcán en su trayectoria por el Municipio y dentro del territorio mexicano. En el idioma Canjob'al, Ixcán significa tierra de muchos relámpagos y muchas lluvias, seguramente haciendo referencia a esta característica del Municipio sobre todo en el inicio de la época de lluvias.

Pour les Cakchiquel, le terme “Ixcán” signifie Femme Serpent, ou Mère Serpent, en référence à la forme que prennent les rivières Chixoy et Ixcán quand elles traversent le village et à l'intérieur du territoire mexicain. Dans la langue Q’ anjob’ al, cela veut dire “pays de l'éclair”, parce que les tempêtes orageuses caractérise le village, surtout au début de la saison des pluies.

Cette région a été durement frappée par la guerre civile [11] [en anglais].  Il y a dix ans, la Commission des Nations Unies a déclaré que l'État avait commis un crime contre l'humanité [12] dans la région de l'Ixcán et que ceux qui en étaient responsables devraient être poursuivis.  Un grand nombre de ces crimes visaient des membres de l'église catholique.

James Rodríguez de Mi Mundo explique la présence historique de l'église catholique [13] dans la région [13] [en anglais] et la résistance des communautés envers la répression soutenue par l'État :

Dans les années 60, plusieurs gouvernements et programmes soutenus par l'État ont été développé pour coloniser la région densément boisée de l'Ixcán. Recouvert d'une jungle épaisse, l'Ixcán est situé dans le tiers nord du département de Quiché, qui fait frontière avec le Chiapas, au Mexique. Au début des années 70, les efforts pour peupler la région ont donné naissance aux cinq communautés qui ont formé la Coopérative des Services Divers du Grand Ixcán : Mayalan, Xalbal, Pueblo Nuevo, Cuarto Pueblo, et Los Angeles. En 1975, cependant, un processus graduel de militarisation s'est étendu à travers l'Ixcán, ce qui a coïncidé avec le début des activités de la Guérilla Armée des Pauvres (EGP) dans la région.

En 1982, la répression [par l'armée] des communautés de l'Ixcán a dramatiquement augmenté à cause de la nouvelle politique de contre-insurgence mise en place par les militaires. Connue sous le nom de Campagne des Terres Brûlées, la nouvelle stratégie exigeait l'extermination totale et la destruction de communautés entières pour combattre la guérilla [en anéantissant ce qui était perçu comme leurs structures de base]. C'est sous cette nouvelle politique que les massacres du Cuarto Pueblo ont eu lieu, massacres qui ont certainement eu le plus d'impact historique en Ixcán.

L'église catholique a joué un rôle tout au long de l'histoire de l'Ixcán : dans les années 60 et 70, elle a parrainé de nombreux programmes de colonisation. De plus, grâce au soutien de Monseigneur Julio Cabrera, l'ancien évêque du Quiché, un prêt a été accordé par CARITAS pour que la communauté achète l'ex-Ranch San Isidro en 1996, connu aujourd'hui sous le nom de Communauté Primavera del Ixcán.

Aujourd'hui, des années plus tard, c'est un autre type de violence qui est responsable de la mort du Père Lawrence, lors de ce qu'on décrit comme un cambriolage ou un vol de voiture. Huit autres personnes ont été assassinées dans la même région en moins d'un mois, selon Combate Virtual, un blog qui a republié un communiqué émanant de l'Union Syndicale des Travailleurs Guatémaltèques [14], exigeant que justice soit faite pour ces meurtres récents.