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Global Voices et ses traducteurs : Carolina Chandra Rumuat

Catégories: Indonésie, Maroc, Langues, Liberté d'expression, Technologie, Portrait de blogueur

Carolina Chandra Rumuat représente une nouvelle planète dans la galaxie des langues qu'offre le projet Lingua [1], qui traduit Global Voices de l'anglais vers de multiples langues : Global Voices en Bahasa Indonesia [2]. En quoi ? En Bahasa Indonesia [3], la langue officielle de 237 millions d'Indonésiens, pas moins. En digne représentante de la mondialisation en cours, Carolina traduit et veille sur le tout nouveau site indonésien du projet Lingua depuis…Le Maroc !

Carolina Chandra Rumuat

Carolina Chandra Rumuat

Carolina, l'Occident ignore pratiquement tout de votre langue natale. Que devrions-nous savoir  ?

On recense environ 700 langues en Indonésie, presque toutes sont encore parlées. En 1928, l'Indonésie a déclaré le Bahasa Indonesia langue nationale, la langue de l'unité pour tous dans ce pays qui est en fait un archipel [4] de plus de 18 000 îles. L'Indonésien – ou le bahasa Indonesia – est la quatrième langue la plus parlée dans le monde.

Comment vous inscrivez-vous dans ce pays vaste, très contrasté et jeune ?

En Indonésie, je fais partie de trois minorités – du moins, dans le sens que cela avait durant l'ère du   Nouvel Ordre, sous le Président Soeharto [5] : je suis chrétienne (protestante) et pas musulmane, je suis à moitié chinoise et je suis une femme. J'étais très proche de mes grand-parents maternels, qui sont chinois, et qui m'ont pratiquement élevée. Grâce à eux, j'ai appris l'importance de l'éducation, et que certaines vertus résistent au temps. Comme, par exemple : il faut être là pour ceux qui sont dans le besoin, et soutenir ceux qui vivent sous l'oppression. Mes grand-parents sont très chinois  mais heureusement leurs valeurs ne viennent pas seulement du Petit livre rouge. [6] Bien sûr, travailler dur faisait partie de leur règle de vie, mais tout autant que les vertus d'un esprit calme (c'est à dire la patience).  Je suis du genre rat de bibliothèque et je ne laisse pas mes passions tiédir.  Ecrire était pour moi un besoin. Ce n'est pas seulement un dérivatif, j'en tire beaucoup de joie. Après l'université, j'ai travaillé comme reporter à Djakarta, puis comme assistante-réactrice dans une agence de presse étrangère, à Bali.

De Bali à Casablanca, au Maroc…Que s'est-il passé ?

A Bali, j'ai rencontré et je suis tombée amoureuse de mon âme soeur. Au bout d'un moment, il nous a fallu affronter la réalité, que son travail nécessitait sa présence au Maroc. Comme nous ne voulions pas être séparés, ni l'un ni l'autre, j'ai simplifié le processus de prise de décision en le suivant au Maroc.

De plus, je me rendais compte que les médias changeaient rapidement.  Les médias en ligne ne sont plus une alternative : c'est le futur. J'ai des sentiments mélangés à ce sujet, mais un des points positifs est que, au moins, nous épargnerons les forêts. Je suis une blogueuse plutôt impulsive sur mon blog Between Birth and Burial [7] [en anglais et en indonésien]  et je suis totalement passionnée par les nouveaux médias.

Quand et comment avez-vous découvert Global Voices  ?

Mon fiancé m'a fait connaître Global Voices l'année dernière. J'ai lu le site et sans même lire le manifeste [8], j'ai compris que Global Voices représentait un des changements dans le journalisme en ligne, le dynamisme. Sans réfléchir plus, j'ai bombardé d'e-mails Leonard [9] et Portnoy [10], les responsables du projet Lingua.  Je tenais à participer car je sais que l'intérêt des Indonésiens pour la lecture est faible. Je pense que, peut-être, si des informations sont publiées dans leur langue, leur intérêt pour l'actualité internationale peut grandir.

Le régime du Président Saeharto a bridé la curiosité des Indonésiens et nous sommes aujourd'hui dans uné période favorable pour y remédier – Indonésie est l'une des démocraties les plus jeunes du monde. C'est pourquoi je pense sincèrement que les Indonésens devraient être mieux informés de leurs droits, dont la liberté d'expression. Ma première traduction a été publiée en décembre 2008, quelques jours après mon inscription. Le projet Lingua est une plateforme utile car elle permet aux gens de ne pas garder leurs soucis pour eux-mêmes, ils peuvent réaliser que, d'une certaine manière, nos vies sont amalgamées avec celles des autres dans le reste du monde, même si nous parlons des langues différentes.

Comment Carolina l'Indonésienne s'est-elle acclimatée au Maroc ?

Le choc culturel a ralenti mon intégration sociale. J'ai décroché un travail il y a deux mois dans une start-up du secteur Internet. Cela me permet d'apprendre de nouvelles choses sur moi-même, sur la gestion des différences culturelles dans le management. Le bon côté de mon job est que je peux rencontrer des gens nouveaux et apprendre comment ils envisagent la vie.

Casablanca me fait beaucoup penser à Jakarta. Une grande ville, qui grandit encore, avec un charme cosmopolite qui attire les personnes des petites ville venues y tenter leur chance. Il y a beaucoup de contradictions. On peut voir des femmes voilées, en train d'attendre à une station d'autobus, à côté d'une fille en mini-jupe et bas résille. La plus grande mosquée du Maghreb se trouve à un jet de pierre du quartier des boites de nuit, ce que je trouve intéressant.  Je n'ai pas eu encore l'occasion de visiter le Maroc. Les Marocains que je connais me disent que Casablanca n'est pas le Maroc. Mais jusqu'ici, je trouve que c'est un pays charmant. Ce n'est pas le pays le plus facile à vivre pour les Asiatiques (moi comprise) mais toutes les expériences sont utiles. Cela me donne de la matière pour mon blog.

Présentez-nous vos premiers traducteurs !

Global Voices en Bahasa Indonesia compte actuellement quatre traducteurs, dont moi-même. Galuh Tahtya [11] est une de mes amies d'université. Après mon déménagement à Casablanca, nous avons commencé à échanger des informations en ligne et un jour, je lui ai parlé du projet Lingua. Elle a décidé  d'en faire partie.

Ensuite est arrivé Ivan Lanin, le responsable de Wikimedia Indonesia [12] [en bahasa indonesia] , qui a témoigné de l'intérêt pour notre site.  Nous avons rencontré Oktavia Sidharta [13] grâce à Portnoy de Global Voices en chinois [14], et notre dernière recrue, Juliana Harsianti [15], est également une de mes connaissances à Jakarta. Elle étudie actuellement à Oslo, en Norvège, grâce à une bourse pour les médias en ligne qu'elle a remportée.

Global Voices en Indonesien est encore un bébé mais nous espérons que le site grandira et deviendra aussi grand que Global Voices en français ou en espagnol. J'ai des projets que je compte mettre en oeuvre bientôt. Je veux faire connaitre Global Voices aux jeunes Indonésiens, surtout à ceux qui vivent sur l'ile de Bali. Je veux aussi prendre contact avec mon ancienne école et leur proposer de participer au projet Lingua. J'aimerai partager le plaisir de la traduction et du volontariat avec les jeunes et les lecteurs indonésiens en général. Global Voices en Indonesien progresse pas à pas, et c'est vraiment un engagement du coeur.

Global Voices en Bahasa Indonesia a une page sur Facebook [16]!