Maroc : Après le discours, amour et haine pour Obama

obama-husseinLe discours depuis Le Caire du président américain Barack Obama au monde musulman a suscité des réactions enflammées dans la région et au-delà ; et non des moindres parmi les blogueurs du Maghreb où des billets passionnés sur les blogs et des “tweets” ont balayé un large spectre d'opinions, allant d'un soutien total et sans condition à un scepticisme profond et même au dédain et à la méfiance.

Avant même l'investiture d'Obama, et bien avant qu'il ait décidé quel pays du Moyen-Orient ou d'Afrique du Nord accueillerait son discours de politique étrangère, des Américano-Marocains ont fait pression pour que le Président Obama vienne à Rabat. D'autres suggérèrent Casablanca. Il fut même ouvert un site web, President Obama to Speak in Morocco [en anglais]:

[We invite] President Obama to make Morocco the home for his first foreign policy speech abroad.
Morocco is the ideal country to launch a message of peace to the Muslim world.
A peace loving country with a respected voice in the region, Morocco is a long time friend of the United States and would be proud to host President Barack Obama in this historical event.

[Nous invitons] le président Obama à faire du Maroc le lieu de son premier discours de politique étrangère hors des États-Unis. Le Maroc est le pays idéal pour lancer un message de paix à l'attention du monde musulman. Pays pacifique écouté avec respect dans la région, le Maroc est un vieil ami des États-Unis et serait fier d'accueillir le président Barack Obama pour cet événement historique.

Finalement, et au grand dam de ses nombreux admirateurs marocains, le président américain n'a pas parlé depuis le Maroc mais a préféré – logiquement, d'aucuns diraient – Le Caire, en Égypte.

La blogoma (acronyme pour la blogosphère marocaine) et nombre d'utilisateurs marocains de Twitter ont réagi de manière différente au discours [en anglais] du Caire. Voici un panel de ces réactions.

Longtemps espéré

Le discours d'Obama au Caire était plutôt attendu. “Que ferais-je si je rencontrais Obama ? ” s'interroge Mohamed Malouk. Bloguant sur Elmafjoue [en arabe], il imagine :

لو التقيت أوباما فسأطلب منه أن يقتطع من وقته الثمين جزءا يخصصه لحكامنا الميامين ليمحو عنهم أميتهم في فن التعامل مع الشعوب ، وليلقنهم بعضا من أبجديات اليموقراطية الواضحة ، وليعلمهم كيفية التخلص من عقدة التخوف من المواطنين .

Si je rencontrais Obama, je lui demanderais de consacrer un peu de son précieux temps à nos dirigeants, ainsi il pourrait les débarrasser de leur ignorance quand ils s'occupent de leur peuple, leur enseigner les bases de la démocratie et comment se débarrasser de leur défiance envers leur peuple.

Il continue :

لو التقيت أوباما لقلت له إن سلفكم ما ترك فينا إلا حقدا متصاعدا لأمريكا ، وما أنتج لنا إلا غضبا عليها ، وما صنع بيننا إلا كرها لها ، وانت جئت من كل فج عميق بأمل وأطلقت لكل فئة وعدا ، والعرب والمسلمون قوم تتحول عندهم بين لحظة وأخرى الآمال إلى آلام

Si je rencontrais Obama, je lui dirais que son prédécesseur nous a laissé une haine toujours croissante pour l'Amérique et que seule reste la colère contre elle ; une haine que nous entretenons ; puis, vous êtes arrivé dans un grand espoir et avez fait des promesses à chaque communauté, alors que les Arabes et les musulmans voient régulièrement leurs espoirs transformés en déceptions.

Couverture médiatique

Une des innovations de l'administration Obama fut la possibilité pour le public de suivre le discours du Caire à travers des extraits envoyés par SMS. Le discours était un sujet brûlant sur Twitter où de nombreuses réactions en direct sont apparues.

Larbi_org a suivi l'évènement et a “twitté” :

Plus tard, dans un second “tweet”, Larbi s'est demandé “ce qu'Obama voulait dire par ‘monde musulman’ ?”.

Il y eut aussi des réactions amusées lorsque @annouss a “retwitté” le message de @mbaa [en anglais] :

To all people inside Cairo university, Obama is not Husni Mubarak, you don't have to clap on each sentence.

Aux personnes présentes à l'université du Caire : Obama n'est pas Hosni Moubarak, vous n'êtes pas obligés d'applaudir à chaque phrase.

Analyse

Citoyen Hmida a comparé le discours du Caire au “Ich bin ein Berliner” de John Kennedy. Il a eu cette réflexion :

Le discours prononcé à l’Université du Caire a été ponctué par de nombreux applaudissements. En effet, le fait d’entendre un président américain dire « Assalamou 3alienkoum » peut redonner espoir. Cette formule rappelle le fameux « Ich ben ein Berliner » clamé par J.F.K. lors de sa visite à Berlin-Ouest en juin 1963.
Obama a eu également l’élégance intellectuelle de citer, fort à propos, certains versets du Coran.

Mais Citoyen Hmida ajoute:

(…) ce discours tant attendu n’est en partie qu’un tissu de lieux communs sur la civilisation arabo-musulmane et sur les positions américaines contre « l’extrémisme violent ».

Abdoukili a eu une réaction similaire. Il a écrit [en anglais]:

The words Obama used like quotations from the Koran (to which he referred four times) and Islamic expression like “assalaamu alaykum” , “azaan ” and “Mohammed (peace be upon them) ” is a good public relation strategy to have more effect on the Muslim audience.

Les mots qu'Obama a utilisés, tels que des citations du coran (auquel il s'est référé par quatre fois)  et des expressions propres à l'Islam comme “assalaamu alaykum”, “azaan ” et “Mohammed (que la paix soit sur eux)” sont une stratégie de relations publiques pour obtenir une attention soutenue du public musulman.

Attentisme

D'autres blogueurs, même s'ils ont apprécié le discours d'Obama, ont adopté une position attentiste. Laila Lalami, une auteure marocaine vivant aux États-Unis a écrit [en anglais]:

One important test of this new approach, to my mind, is the settlements. Obama has already told Netanyahu that he wants a complete stop to Israeli settlements and that he won’t accept “natural growth” exceptions. If he can do that, then this speech will be remembered as a turning point; if he can’t, then it will go the way of all the speeches by the previous five administrations: nowhere.

Selon moi, un test important pour cette nouvelle politique est celui de la colonisation [de la Palestine]. Obama a déjà demandé à Netanyahou l'arrêt total de l'expansion des colonies israéliennes et il n'acceptera pas des exceptions dites “extensions naturelles”. S'il réussit, ce discours restera dans les mémoires comme un tournant majeur ; s'il échoue, il ira là où ont fini ceux des cinq administrations précédentes : nulle part.

Le scepticisme

Mais tout le monde n'a pas été  impressionné par les paroles d'Obama. Abdelhak al'Koush, bloguant sur Afinina [en arabe], a lancé une charge virulente à l'encontre du président américain et a interrogé ses motivations dans un article discourtois. Il a déclaré [en arabe]:

توفق الرئيس في شد أنفاس القطيع العربي بمن فيهم البلهى من المثقفين العرب،  ثم لوح بيديه الكريمتين كما يفعل ملوكنا وجبابرتنا الطغاة في لحظات نفاقهم المتميزة ،ـ وصفق له الحاضرون بحرارة ، ولينتهي الفصل الأول من المسرحية
… جاء أوباما  إذن ليقبل العالم العربي الميت ” قبلة الموت”
الحقيقة المرة هو أن أوباما يمنح الولايات المتحدة الأمريكية فرصة أن تلتقط أنفاسها بعد حروب متتالية، اٍذ لم يتردد بوش في [تعبير جارح] العربي البارد ثقافيا وسياسيا  ودينيا وحضاريا ، والحقيقة الأمر  هو أن العدوان الأمريكي سيشتد بعد مرحلة أوباما .

Obama est venu offrir un baiser… “un baiser de la mort” au déjà mort monde arabe […] La vérité est plus amère, Obama offre aux États-Unis la possibilité de reprendre son souffle après les guerres successives contre les arabes, qui sont froids culturellement, politiquement et religieusement. Après Obama, l'agression recommencera. Le président américain à réussi à capter l'imagination du troupeau arabe (sic) dont ces imbéciles (sic) d'intellectuels arabes, et a alors agité ses mains, imitant nos rois et despotes dans leur attitudes hypocrites ; et le public a applaudi chaleureusement, ponctuant la fin du premier chapitre d'une comédie […]

Une dernière note d'espoir

Beaucoup de choses ont été dites à propos du discours d'Obama au Caire : parmi celles-ci, Abdoukili a exprimé une note d'espoir à la fin de son billet en écrivant [en anglais] :

On the whole Obama has carefully chosen his words and said what the majority of Muslims want to hear from him. It remains to see how he can enact his dream of an ideal relationship with the Muslim world where there is so much to do to eradicate the negative views many Muslims have towards the USA.

De manière générale, Obama a choisi avec précaution ses mots et a dit ce que la majorité de musulmans voulait entendre. Il reste à voir comment son rêve d'une entente parfaite avec le monde musulman peut devenir réalité, un monde où il y a tant à faire pour effacer l'image négative des États-Unis qu'ont nombre de musulmans.

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