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Brésil : La pression monte contre la Loi sur la cybercriminalité

Catégories: Amérique latine, Brésil, Cyber-activisme, Droit, Gouvernance, Liberté d'expression, Manifestations, Média et journalisme

Le 14 mai dernier, une manifestation [1] [en portugais, comme tous les blogs cités sauf mention contraire] contre la Loi sur la cybercriminalité [2] [en anglais] proposée par le sénateur Azeredo pour préciser les cyber-délits, a eu lieu à São Paulo. Le 25 mai, c'était au tour de Porto Alegre d'abriter une manifestation analogue. [3] Le 1er juin, une troisième a eu lieu dans l'état de Minas Gerais et une autre est programmée [4] à Rio de Janeiro.

Ces manifestations ont été appelées ‘Contre l’ AI-5 numérique’ , faisant référence au slogan ‘No AI-5 [5]‘ [en anglais] contre les lois brésiliennes imposées durant la dictature, dont la cinquième, considéré le plus cruel des 17 décrets présidentiels approuvés par la dictature durant les cinq ans qui ont suivi le coup d'état militaire en 1964. Approuvé en 1968, AI – 5 avait aboli la liberté d'expression en introduisant une censure préliminaire sur la musique, les films, le théâtre et  la télévision. Toute œuvre considérée subversive, contre les valeurs morales du pays, était censurée et les artistes, emprisonnés. La loi AI – 5 a marqué la transition vers la période la plus difficile des violations des droits humains dans l'histoire brésilienne.

Dans tout le Brésil, la mobilisation contre la proposition de loi a été organisée par un collectif de blogueurs, qui ont mis au point ensemble un programme, un compte  Twitter [6] et le blog Mega Não! [7] [Méga Non! en portugais], un blog ayant pour objectif de rassembler des informations et de contribuer à une clarification sur ce que cette loi pourrait signifier pour les utilisateurs d'Internet dans le pays :

A proposta do Mega Não, é ser um meta manifesto, um agregador de informações e de diversas manifestações na Internet e fora dela, com o objetivo de combater o vigilantismo. Diversos núcleos ciberativistas estão surgindo e aumentando o discurso e a pressão popular contra o vigilantismo, tenta agregar, fomentar e ajudar a divulgar estes eventos é a nossa proposta, nos informe de seus movimentos, vamos juntar forças!!!

L'objectif de Mega Não est de créer un métablog, un espace de collecte d'informations sur les différentes manifestations en ligne et dans la rue, dans le but de combattre la censure. De nombreux groupes de cyber-activistes se forment pour enrichir la discussion et augmenter la pression populaire contre la cybersurveillance. Rassembler, encourager et promouvoir ces manifestations sont nos buts principaux!

Une pétition en ligne [8] contre la Loi sur les crimes virtuels lancée depuis 2008 a déjà recueilli 146 627 signatures. Les utilisateurs de Orkut, un des réseaux sociaux en ligne les plus populaires au Brésil, a aussi épousé cette cause, comme plusieurs de ces exigences y sont liées. Une des nombreuses communautés participantes,“Não ao projeto de Azeredo [9]” (Non à la Loi Azeredo) a déjà attiré  6 563 membres.
Les activistes utilisent aussi Twitter comme moyen d'information pour organiser leurs réunions et des blogs collectifs sur le sujet: les mots clés #meganao [10] et #ai5digital [11] sont généralement utilisés par les blogueurs et les utilisateurs de Twitter et représentent une source d'informations pour ceux qui veulent les dernières informations sur comment participer à cette campagne. En outre, on peut retrouver plusieurs des organisateurs des manifestations, supporteurs et des sympathisants sur Twitter, tels que :  @caribe [12], @pauloteixeira13 [13], @samadeu [14], @arlesophia [15] et @myris [16]. Certains militants utilisent aussi la bibliothèque de signets Delicious [17] pour se tenir au courant des répercussions des démonstrations, obtenir des informations sur la Loi Azeredo elle même, et  les rassembler en un seul endroit [18].

"No, Azeredo", in São Paulo. Photo by Andre Deak, published under a Creative Commons lincese. [19]

“No, Azeredo”, à São Paulo. Photo par Andre Deak, publiée sous licence Creative Commons.

Un autre fait à relever est que les médias traditionnels n'ont pas couvert ces événements de manière satisfaisante. Pour de nombreux blogueurs et internautes brésiliens, c'est comme si ces médias, tout comme les entreprises de communication et le gouvernement, semblent souhaiter que cette loi soit approuvée, de manière à garder sous leur contrôle ce que les gens disent et font partout sur le Web.  Antonio Arles (@arlesophia [15]) commente sur son blog [20] et insiste sur l'utilité d'Internet dans la collecte d'informations sur ces manifestation :

Participei (presencialmente ou via Internet) de pelo menos três atos este ano em que a Rede foi importante para a organização, difusão e transmissão: o Ato contra a “Ditabranda” da Folha, o Saia Gilmar e o Ato Contra o AI-5 Digital. E é justamente essa possibilidade de exercício da cidadania um dos motivos da adesão dos oligopólios midiáticos ao AI-5 Digital. A lógica é a mesma da dos órgãos de repressão do Império Soviético ou da Ditadura Civil-Militar Brasileira. Apesar de usaram a máscara de “democratas” – usando argumentos como o da liberdade quando seus interesses estão em jogo, tentando confundir “liberdade de imprensa” com “liberdade da empresa” -, os oligopólios midiáticos são fruto de uma ditadura. Em última análise, são uma das faces da Ditadura Civil-Militar que continuam vivas depois da redemocratização. A questão é que, para além dos interesses econômicos, a tentativa de criminalização e de aprofundar vigilantismo na Internet é uma tentativa de manutenção do monopólio da informação/opinião e, conseqüentemente, do poder.

J'ai participé (personnellement ou en ligne) à au moins trois manifestations cette année pour lesquelles Internet a joué un rôle important dans l'organisation, la promotion et la retransmission : l'action contre l'éditorial “Ditabranda [21]” du journal Folha de São Paulo, la  manifestation Fora Gilmar [campagne pour demander l'expulsion du juge Gilmar Mendes [22] de la Cour suprême du Brésil] et l'action contre la loi Digital AI-5. La logique est la même que dans les manifestations qui demandaient la suppression du régime dictatorial brésilien, de type soviétique. Même s'ils revêtent des masques de démocrates – faisant semblant de soutenir la liberté alors qu'en fait ce sont leurs intérêts qui sont en jeu et en essayant de confondre cette “liberté d'expression” avec celle de la “liberté des entreprises” – les entreprises de communication de masse sont les créatures de la dictature. Dans le dernier cas, elles illustrent la face de la dictature civile et militaire qui survit même après la re-démocratisation. Ce point est: au-delà de leurs intérêts économiques, la tentative de criminalisation et la cybersurveillance sur le Web est en fait une tentative pour garder le monopole de l'information/opinion et par conséquence, le pouvoir.
"No, Azeredo", in São Paulo. Photo by Andre Deak, published under a Creative Commons lincese. [23]

Manifestation à São Paulo. Photo par Andre Deak, publiée sous licence Creative Commons.

Que cette loi soit approuvée ou pas, il semble que le but principal des autorités brésiliennes est de céder aux pressions des multinationales. Dans une  interview au blog de  l’Observatório do Direito à Comunicação [24] [Observatoire pour le droit à la Communication] Paulo Teixeira, un député du PT [Parti du travail] de São Paulo, déclare :

Ele pretende (o Projeto de Lei Azeredo), em primeiro lugar, introduzir no Brasil uma coisa que alguns países estão introduzindo e que no Brasil, na minha opinião, nós não deveríamos permitir que se introduzisse. Ele está querendo introduzir os mecanismos de controle da internet para a garantia do direito autoral.

Elle (la loi Azeredo contre les Cybercrimes) voudrait en réalité introduire au Brésil une pratique que plusieurs autres pays ont adoptée, et que  nous ne devrions pas laisser passer dans notre pays, à mon avis. Elle a pour but d'introduire des mécanismes de contrôle strict sur Internet pour garantir la perpétuité des droits d'auteur.

La Loi sur les délits du cyber-activisme a fait l'objet de discussions dans plusieurs billets sur Global Voices Online [25]. Maintenant, c'est au tour des activistes, des cyber-activistes et des internautes de combattre la Loi sur la cyber-criminalité, avec encore plus de force. Autrement, l'Internet au Brésil pourrait devenir un endroit où les gens sont victimes avant même de réaliser de quoi ils sont accusés…

Logo “Contre le projet de loi Azeredo”

Signs read "Against Azeredo Law Project"