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Azerbaïdjan : Une blogosphère dynamique

Catégories: Azerbaïdjan, Cyber-activisme, Ethnicité et racisme, Jeunesse, Politique

Sur ce qui devient rapidement la blogosphère la plus dynamique du Sud Caucase, et notamment en langue anglaise, les blogueurs azéris continuent à écrire des billets poignants. Dans la foulée du massacre d'étudiants [1] du 20 avril à l'Académie du Pétrole d'Azerbaïdjan, puis de l'arrestation consécutive de dizaines de jeunes activistes et blogueurs [2] [en anglais, comme les liens suivants], Flying Carpets and Broken Pipelines («Tapis volants et pipelines cassés») tient ses lecteurs au courant des suites de cette tragédie [3].

Cela fait 40 jours qu'un tireur nommé Farda Gadirov a pénétré dans les locaux de l'Académie d'Etat du pétrole, tuant 12 personnes, dont lui-même. L'enquête est toujours en cours, sans qu'on connaisse le motif, les instigateurs de l'attentat ni le nombre exact des arrestations.

[…] Et plus l'enquête traîne, plus il y aura de spéculations qui vont circuler. Jusqu'à présent, il n'y a pas eu de revendication. […]

Je suppose qu'il nous faut continuer à attendre…

Sins against Democracy («Péchés contre la démocratie») médite aussi sur la protestation organisée après une fête florale dans la capitale Bakou, alors que des appels à une journée nationale de deuil n'ont rencontré aucun écho. Le blog transmet cependant une vision plus légère des arrestations et du fait qu'une passante innocente a été emmenée par la police tout simplement à cause de ses vêtements [4].

Comme chacun sait, le 10 mai la police a arrêté bon nombre de jeunes qui pleuraient pacifiquement la tuerie à l'Académie d'Etat du pétrole […]. C'était pendant la «Journée des fleurs», un grandiose ‘jour férié» dédié à la mémoire de l'ancien président Heydar Aliyev. J'ai lu sur le blog de Nigar Fatali que parmi les jeunes gens détenus il y avait une fille qui avait été arrêtée pendant qu'elle attendait à l'arrêt de bus, juste parce qu'elle était habillée de noir. Aujourd'hui, j'ai reçu un courriel à son propos, avec une blague, que je veux partager avec vous :

Hier, on a dit que la police détenait Roma, Nigar, Zaur et d'autres encore, qui avaient organisé une procession de deuil le 10 mai. La police a ramassé non seulement nos gars, mais aussi cette fille qui n'y était pour rien, une Gothique, qui était en noir et attendait le bus à un arrêt.

- Je suis en noir, parce que je suis Gothique ! Gothique ! Je suis Gothique ! pleurait-elle pendant que les policiers la traînaient dans leur car.

- Qu'est-ce qu'elle dit ? a demandé le bras de la loi, étonné, lâchant sa proie, sous le coup de la surprise.

- Je suis Gothique ! Je suis Gothique ! a-t-elle  commencé à crier de contentement.

- Elle est russophone, a expliqué avec indulgence l'autre policier, elle ne parle pas bien notre langue (l'azéri). Monte dans le car, fille de G…t, on verra au commissariat si tu es une G…t, ou autre chose.

(explication pour les russophones : «Got» en azéri veut dire «imbécile»)

Mon ami dit que c'est devenu une blague célèbre. Je pense que la bêtise et la vulgarité de notre police (même si c'est une blague) n'est pas drôle, mais plutôt une réalité affligeante…

Pendant ce temps Fighting Windmills ? Take a Pill («En guerre contre les moulins à vent ? Prenez une pilule») se demande pourquoi les blogueurs critiquent souvent les injustices qui sont monnaie courante dans des pays comme l'Azerbaïdjan et ses voisins de la région. La réponse, conclut le blogueur, est simple [5] :

Vous vous êtes sans doute demandés, en lisant mes billets précédents, pourquoi je suis si négative et critique envers l'Azerbaïdjan. Voilà ma réponse : pour la même raison que nos parents nous punissaient pour notre mauvaise conduite : ils savaient que nous pouvions mieux faire.

Mais je dois le reconnaître : il y a des raisons qui me gardent attaché à ce pays d'injustice, d'entêtement et de stéréotypes. Les actes spontanés d'amour, guidés par «je veux» et non «je dois».

[…]

Alors, certes, nous pouvons être entêtés, passifs, puérils, mais je sais que nous pouvons faire mieux.

Et je n'arrêterai jamais d'espérer le changement.

Hélas pourtant, en raison de l’interdiction au début de l'année des émissions de radios étrangères [6] dans le pays, et avec les réformes de la réglementation des ONG [7] dans les tuyaux, nombreux sont ceux qui craignent que les autorités tournent bientôt leur attention vers Internet.