Irak : Réflexions sur l'Iran

A moins que nos aimables lecteurs aient passé les deux dernières semaines au fond d'une caverne, les développements qui ont suivi les récentes élections en Iran ne nécessitent aucune introduction. L'auteur de ce billet présente ici, dans leurs propres mots, les commentaires récents de blogueurs irakiens sur la question. On en a déjà tant dit sur les élections, que la position d'un blogueur pour ou contre les manifestations devient hors de propos. L'important ici, c'est le point de vue irakien. Comment réagissent les Irakiens, après avoir subi les sanctions, le changement forcé de régime, la guerre et la destruction ? Voici des réponses :

Lettre ouverte à l'Iran…
Layla Anwar :   

Une Irakienne vous écrit.      

Je ne vais pas me payer de mots…Je sais que c'est votre spécialité…pas la mienne.

J'ai appris que la vie est trop courte…et je n'ai pas de temps à perdre en mots.

Je vais vous dire, vous livrer les choses comme elles sont…et comme elles devraient être.

Il y a un sentiment d'urgence suspendu au-dessus de ma tête. Et je deviens très impatiente…

J'ai avalé mots, périphrases, phrases, dictionnaires…entiers et sans les digérer.

A présent, navrée, mais j'ai une sacrée indigestion et je dois vomir tout ça…sur vous.

Ecoutez-moi, écoutez bien…

Je ne suis pas une mendiante d'Arabe,

Ni une Palestinienne…

Ce sont vos pions, et ils adorent qu'on joue avec eux…sous les applaudissements.

Je ne suis ni l'un, ni l'autre.

Ni pion ni mendiant.

Et je n'ai pas le temps non plus pour les délicatesses,

Je n'ai pas le temps pour les subtilités.

J'ai inventé la Langue, elle m'appartient.

Je joue avec, j'en tire les ficelles comme d'une marionnette…

Il n'y a rien que vous puissiez m'apprendre, rien que vous puissiez inventer… 

J'ai maîtrisé l'Art

L'art de la tromperie, l'art de l’ hypocrisie, l'art du langage…

J'ai maîtrisé l'Art

de se tenir au bord comme un culbuto, et c'est vous que je vois maintenant vaciller…

Je sais, vous savez, nous savons…

Laissez de côté les formules, jetez la propagande…comme dans un match de football

J'égalise, vous égalisez ? Mais non.

Je sais, je sais.

Je sais et vous me haïssez pour ça.

Je connais vos tortionnaires par leurs noms. Je connais vos agents secrets par leurs codes. Je connais vos identités même si vous vous cachez…

Couvrez-vous, comme vous nous couvrez. Ali, Hassan, Hussein protégez-les en leur faisant porter des étiquettes arabes collées sur leur poitrine, avec le tampon du Hedjaz.

Je vois Darius galoper dans votre esprit, des esprits enturbannés de faux-semblants vous faisant des courbettes à vous-mêmes….vous courbant, vous prosternant devant un saint, le saint de votre imagination…

J'entends un écho…qui retentit à travers des murs de béton aussi épais que vos cerveaux, plus épais que vos cerveaux.

Je vois des couleurs se déverser dans des vestibules,

Je vois le vert je vois le noir je vois le rouge et je vois le blanc de la mort qui plane…
un duvet duvet de coton duvet de nuages qui plane
des bras ouverts recevant des vérités de donjons donjons où des Aryens des Perses basanés interrogent au nom de Mani de Zarathoustra au nom…

De qui était-ce le nom  vous vous souvenez du nom ?

J'ai oublié les noms Je les ai effacés, avec de la craie de la peinture des couvertures noires…une toile épaisse

Une toile épaisse à travers laquelle vous criez maintenant je vous entends je vous entends,

Mais vous ne m'entendez pas dans ce donjon où vous avez gravé mon nom avec l'épée d'un certain Ali où vous m'avez enchaînée avec les chaînes de quelque Hassan et Hussein…

Mes globes oculaires viennent de rouler sur le sol tels les dés du hasard tels les dés d'un jeu de hasard joué dans un château de sable un château de turbans un château de turbans et de femmes qui se lamentent dans l'attente
d'un autre prince…

Je sens des forets de métal qui percent des secrets dans mes membres touchent des nerfs avec lesquels je vais vous réveiller…

Je tire des rideaux épais d'épais rideaux noirs accrochés derrière des barreaux accrochés derrières des cages souterraines je les tire et regarde vos visages crier pour la liberté…

Je vous le crie, je suis Joseph dans le puits donnez-moi la main.

Vous ne m'entendez pas, vous m'avez enterrée vive
Maintenant vous hurlez je vous entends hurler
seuls…

Iraqi Mojo:

Alors que le nombre de morts en Iran se compte par dizaines, provoquant l'indignation des dirigeants américains, la “résistance” en Irak et autres jarab continue à massacrer les Irakiens dans les quantités que nous avons pris l'habitude de voir là-bas, en l'absence de toute indignation exprimée par le Président. On dirait que les vies irakiennes valent moins que celles des Iraniens. Cela me fait penser au mot de Madeleine Albright, sur les sanctions qui en valaient le prix. Les Irakiens ont toujours été jetables. 

Nadia:

Mais oui, je souhaite le mieux aux Iraniens aussi, en tous cas le mieux qu'ils puissent tirer de la situation où ils se trouvent juste en ce moment. Mais comment se fait-il que, lorsque tant de libéraux et de gens de gauche éprouvent le besoin de convaincre les gens de droite que les Iraniens sont des êtres humains, c'est un tableau qu'ils peignent par contraste avec tous ces peuples “spéciaux” dont ils sont entourés ? Je ne suis pas sans savoir déjà que c'était là leur sentiment, car, croyez-moi, ce n'est ni la première ni la dernière fois que j'ai rencontré ce sentiment.

Ce n'est vraiment pas ainsi que je voulais écrire mon premier billet sur les suites des élections en Iran, mais le voilà. Si cela dérange quelqu'un malgré tout, je suis d'accord avec ce type.

Layla Anwar:

Neda Agha Soltani est le nom de la jeune femme assassinée d'une balle dans le coeur par les milices bassidji du gouvernement iranien. Neda n'a pas eu droit à des obsèques familiales.
Sa famille et son fiancé ont été interviewés et la vidéo de son meurtre cruel continue à faire le tour du monde… 

Il n'est pas de média qui n'ait parlé de Neda. Je ne trouve rien à y redire. Mais comment se fait-il qu'il n'y ait aucun organe des médias pour parler des milliers de Nedas en Irak qui ont été brutalement assassinées par les milices chiites irakiennes entraînées, armées et financées par l'Iran ?

Des centaines d'Irakiennes ont subi un sort pire que celui de Neda, et au total seulement 3 articles et deux vidéos ont été diffusés en leur nom. Ou même pas.

Pourquoi ?

L'Irak entier est devenu une Neda avec une balle dans le coeur.

C'est à peu près tout. Pendant que Twitter et les autres blogosphères se sont enflammés de commentaires, les autres blogueurs irakiens ont choisi pour la plupart de consacrer leurs mots à la vie quotidienne ou à Michael Jackson, ou aux gâteaux au chocolat instantanés au micro-ondes. De la part d'un pays qui sera, sans doute, le plus affecté par un soulèvement en Iran, ce manque d'intérêt en dit plus que tous les commentaires du monde.

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