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Iran : Twitter, mythe et réalité

Catégories: Iran, Cyber-activisme, Gouvernance, Liberté d'expression, Manifestations, Médias citoyens, Politique, Technologie

La couverture médiatique internationale du mouvement iranien de protestation de ces dernières semaines a célébré avec ensemble [1] [sauf mention contraire, les lien sont en anglais] le ‘Twitter power’ comme un outil pour organiser des manifestations et en parler. Toutefois la dépendance envers Twitter a eu des effets à la fois positifs et négatifs lors de cette crise. Nous allons en examiner quelques-uns ici, afin de démythifier leur impact réel.

Sans aucun doute, les citoyens qui ont contesté les résultats de l'élection présidentielle de juin ont fait un usage efficace [2] de Twitter, Facebook, YouTube et des blogs pour ‘immortaliser’ leur mouvement et diffuser les scènes de violence commises par les forces de sécurité, mais au coeur de ce mouvement, il y a les personnes et non la technologie.

Devant des journalistes mis dans l'impossibilité de faire leur travail et un auditoire mondial assoiffé d'informations en provenance d'Iran, les médias citoyens sont de venus une source principale d'information. Malheureusement, la véritable identité et la fiabilité des utilisateurs de twitter n'était pas toujours connue, et nous avons vu des cas où la frontière entre fait et fiction était floue – tout comme elle a pu l'être dans les résultats eux-mêmes de l'élection présidentielle.

1-Outil de communication pour les dirigeants réformateurs

Après l'élection du 12 juin, plusieurs sites web appartenant aux réformateurs ont été filtrés. Les forces de sécurité ont augmenté leur niveau de contrôle des journaux, des réformateurs en vue ont été mis en prison, et ceux qui restaient en liberté ont été interdits d'accès à la télévision et à la radio nationales. Internet est resté pratiquement la seule fenêtre leur permettant de communiquer avec le public. La page Facebook [3] de la campagne de Mir Hussein Mousavi a plus de 100.000 partisans. Sur Twitter [4] sa campagne est suivi par environ 30.000 utilisateurs. Gholamhussein Karbaschi [5] [farsi], un des conseillers principaux de Mehdi Karroubi [6], un second candidat réformateur à l'élection, tweete pour informer des événements ses 5000 “suiveurs”. Twitter et Facebook, accompagnés de sites web réformateurs tels que Ghalamnews [7] [farsi] contribuent à diffuser les décisions des chefs réformateurs et à transmettre leur message.

2-Combler le fossé entre l'Iran et le reste du monde

Les tweets iraniens ont atteint des milliers de lecteurs à travers le monde, et il semble qu'à travers les “suiveurs” (followers) et la retransmission (re-tweeting) les gens se sentent concernés. L’objet de recherche le plus courant [8]  sur Twitter a été pendant des jours #iranelection [9] (le mot-clé (“hashtag”) pour les discussions sur l'Iran), et les organes de médias mondiaux se reposent eux aussi sur les informations et les images disséminées par Twitter. Selon Bloggasm , les tweets émanant d'Iran sont retweetés en moyenne 57.8 fois [10].

3-Twitter n'organise pas les manifestations :

Les dirigeants réformateurs et leurs partisans prennent les décisions d'organiser des protestations et ils les communiquent par différents moyens. Nous n'avons aucune preuve que les gens s'envoyaient des tweets pour organiser une manifestation. Comme Evgeny Mozrov, un membre de l'Open Society Institute à New York l'a dit au Washington Post :

“[Twitter] a été d'une grande aide pour ce qui est de faire sortir l'information du pays. Quant à savoir s'il a aidé à organiser les manifestations — ce que prétendent en ce moment la plupart des médias — rien n'est moins sûr, car, en tant que plate-forme publique, Twitter n'est pas d'un grand secours pour planifier une révolution (les autorités pourraient elles aussi lire ces messages !).”

4-Les tweets peuvent induire en erreur :

Il y a peu, quelqu'un parmi plusieurs autres a tweeté [11]  que 700.000 personnes s'étaient rassemblées à la mosquée Ghoba à Téhéran. Plusieurs personnes ont re-tweeté cela et ont même mis l'information en ligne sur leurs blogs [12]. Dans le même temps, les médias traditionnels internationaux ont estimé [13] que le nombre de manifestants était compris entre 3000 et 5000. Qu'est-il arrivé aux autres 699.500 ?

Comme l'explique [14] le nouveau site web Twitter Journalism [15] de Craig Kanalley, le fondateur de Breaking Tweets  [16]:

“Il est évident que les gens veulent des informations d'Iran, et ils les veulent en temps réel. Alors ça ne coûte rien à quelqu'un de taper “RT” et de retransmettre une information dont ils croient qu'elle pourrait être un “scoop.” Mais où est le gardien ?
Le gardien, c'est celui qui “retweete”, qui jette un coup d'oeil au tweet, et en quelques secondes, décide de sa valeur. Quiconque aperçoit un “retweet” doit garder cela à l'esprit, et considérer chaque tweet avec prudence jusqu'à ce qu'il soit confirmé.”

5-Tweeter, c'est recycler des infos et des conseils

La plupart des gens tweetent ce qu'ils lisent sur la toile, et ils ont aussi partagé des conseils et des informations utiles [17] pour aider les Iraniens à contourner le filtrage et la censure d'Internet. En d'autres termes, tweeter contribue à créer une communauté d'information.

6-Malentendu sur l'émetteur :

Il peut y avoir des ‘émetteurs’, tels que des Iraniens vivant en Occident, par exemple, qui reçoivent une information d'une source sur une manifestation et la tweetent sans vérifier les faits, ou sans mentionner la moindre référence. Les destinataires – surtout s'ils ne sont pas Iraniens – peuvent croire que le gars est à Téhéran et qu'il tweete en première ligne.

7-Activisme et programmes :

La plupart des Iraniens qui tweetent sont des activistes soutenant le mouvement de contestation et défendant une cause. Leurs informations devraient être revérifiées et non pas acceptées comme argent comptant, ou comme témoignage.

En se souvenant de tout cela, il est évident que Twitter est une source d'information autant que de désinformation. Ce sont les gens derrière les écrans qui comptent, autant que ceux qui rapportent leurs dires.