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Malaisie : Non à l'anglais en Science et en Mathématiques

Catégories: Malaisie, Education, Ethnicité et racisme, Politique

Il n'y aura plus d'anglais en science et en mathématiques d'ici 2012. C'est une décision très tardive du Ministère de l'Education sur la politique de l'enseignement des sciences et des mathématiques en anglais (PPSMI). Le ministre de l'Education confirme que c'est une décision purement objective [1] [en anglais] et il renvoie sa raison à l'incompétence en langue anglaise chez les professeurs, qui élargit l'écart de performance entre les écoles rurales et les écoles urbaines. Dans une conférence de presse, il a une fois de plus rejeté l'accusation d'une influence politique dans le processus de cette décision.

Cette décision catégorique sera apparemment maintenue, en dépit du résultat d'un sondage en ligne [2] (mis à jour à 16 :50 GMT+8, le 13 juillet 2009) [en anglais] qui montre que  86% des 81.370 des réponses sont contre cette décision. Ce sondage, qui n'émane de nul autre que l'un des plus énergiques soutiens de la PPSMI, l'ancien premier ministre Dr. Mahathir qui a exprimé sa déception :

Il me semble que le gouvernement n'écoute pas la voix du peuple. Peut-être qu'un sondage sur blog pourrait éclairer le gouvernement sur l'opinion publique.

Cette décision a, à l'évidence, eu très fort impact émotif pour tous les intéressés, que ce soit les groupes de pression influents [3] qui ont momentanément crié victoire, les étudiants désorientés, les parents et les professeurs fatigués, et plus généralement, tous ceux qui sont généralement préoccupés par le progrès d'éducation dans le pays. Alors, est-ce une décision qui reflète l'objectivité ou la pression politique ?

Wong Chun Wai, rédacteur en chef du journal The Star, a commenté sur son blog personnel [en anglais] que c'est un consensus politique rare [4] qui unit les groupes de pression et des partis opposés en faveur du retour au retour au malais, au chinois et au tamoul pour enseigner la science et les mathématiques.

Ainsi, il est assez clair que ces groupes politiques et éducationnels doivent savoir de quoi ils parlent, politiquement s'entend.

Twitter n'est pas resté en-dehors de la discussion en cours [5] sur cette décision. @Asohan [6] note ironiquement que cette décision représente un choc politique, un cas exceptionnellement rare où un chef de l'opposition va soutenir le premier ministre sur un thème de discorde.

En dépit de l'accent mis sur l'objectivité par le ministre de l'éducation, il sera difficile d'ignorer les sentiments et les intérêts politiques qui se voient clairement dans cette question. Comme Ibnu Hasyim [7] a commenté :

Semuanya adalah angkara BN, maka kerajaan BN perlu dihukum kerana sudah membazirkan wang negara, masa dan anak-anak rakyat miskin yang menjadi korban. Hukumlah dengan menolak BN dalam PRU 13 akan datang bermula dengan pilihan raya kecih Manek Urai yang akan diadakan beberapa hari lagi.

C'est un intérêt totalement égoïste de BN (le parti Barisan National), ainsi le gouvernement BN doit être puni pour gaspillage des fonds et du temps du pays, et pour le sacrifice des enfants de familles pauvres. Vous devez les punir en éliminant le parti NB aux élections générales du 13, faites-le en commençant par l'élection partielle de Manek Urai dans quelques jours.

L'association nationale des étudiants islamiques malaisiens (PKPIM) [8] a indiqué :

Keputusan itu merupakan satu tafsiran komitmen kerajaan untuk mempertahan dan mendaulatkan bahasa Melayu sebagai bahasa kebangsaan.

Cette décision traduit l'engagement de gouvernement pour défendre et renforcer le malais comme langue nationale.

L'objectivité de la décision reste difficile à justifier. Il y a un consensus pour dire que la décision de gouvernement est à trop courte vue et n'est pas suffisamment développée pour prendre en considération l'avenir des étudiants et celui de la nation en général.

La militante sociale de premier plan Marina Mahathir [9] déclare sa tristesse en disant [en anglais] :

Triste, parce que nos gouvernants n'ont pas le courage de résister aux intérêts des minorités. Triste, parce que nos enfants sont sacrifiés à la volonté du BN de remporter une élection partielle.

Quand les écoles rurales ne sont pas aussi bien équipées que les urbaines, est ce que ce n'est pas à prévoir ? Si on regarde la performance générale, est-ce que cela ne reste pas vrai de toute façon ? Pourquoi l'anglais devrait-il être érigé en excuse pour la distribution inégale des ressources entre les écoles rurales et urbaines ? Sûrement, quand on voit les mauvais résultats des écoles rurales, le besoin c'est d'améliorer l'enseignement dans ces écoles. Pas d'inverser complètement la politique et réduire les enfants urbains au niveau de tous les autres.

Quelques commentateurs sur Twitter ont déploré l'irrationalité de la décision [en anglais]:

@jay_baharin [10] après 6 années et +RM4 milliards de dépenses ils abandonnent la PPSMI facilement… ma sympathie pour tous les jeunes étudiants qui seront plus confus que jamais….

@waski69 [11] PPSMI – genre Un petit pas politique pour UMNO/BN, un saut géant en arrière pour le futur de Malaisie …

Il y aura beaucoup de conjectures si c'est une décision politique ou une décision objective, seuls les décideurs le sauront vraiment. Mais ce qui ne peut pas être nié est le fait que la Malaisie aura besoin de plusieurs années d'expérimentation encore pour améliorer la maîtrise de l'anglais parmi les étudiants et la méthodologie de l'enseignement des sciences et mathématiques. Malheureusement, le délai d'attente ajoute une grande incertitude à la question qui reste sans réponse, à savoir quelle est la meilleure solution  pratique pour servir la nation ainsi que les étudiants. Comme un étudiant perplexe [12] l'a dit avec justesse :

En deux mots : je suis choqué.

Tous les termes scientifiques et mathématiques en anglais, je les apprends et les applique depuis six ans. Et maintenant je devrai retourner à la case départ en 4ème (la 10e classe) ?

A présent il reste une question : Que dois je faire maintenant?