Cuba : Un entretien avec la blogueuse Lizabal Mónica

L'écrivaine cubaine Lizabel Mónica a commencé à bloguer en 2007, à l'occasion du Salon du Livre, sur des oeuvres récentes qu'il lui paraissait important de faire connaître. Même si sa conception des blogs restait étroitement proche de celle du texte imprimé, elle reconnaît que ses premiers billets était trop longs et trop riches en informations. Toutefois, elle est devenue entre-temps tout à fait à l'aise dans l'utilisation des blogs comme outil de communication et elle publie actuellement sur trois blogs différents. La plupart d'entre eux sont étroitement associés à l'art, la littérature et la culture de Cuba. Elle résume ainsi sa vision des blogs : « Les blogs sont en rapport avec ma façon de considérer l'art et la littérature, mais par-dessus tout, et c'est le meilleur côté du phénomène des blogs : enmêler la vie dont nous rendons compte avec celle que nous vivons dans la réalité.»

Photo of Lizabel Mónica and used with permission.       

Photo de Lizabel Mónica – avec permission

Son premier blog palaDeOinDeleite [espagnol] est aussi son blog personnel, et il est consacré à l'art, la littérature, la politique et la société cubaines. Il a évolué pour devenir une vitrine pour d'autres projets culturels sur l'île. Un second blog est intitulé Cuba Fake News [espagnol]. Ce site, comme son nom l'indique, fournit des «fausses nouvelles» bilingues sur Cuba et reçoit des contributions d'auteurs variés.

Le troisième blog de Mónica est Project Deliz [espagnol], qui donne des informations sur le projet culturel, qui a pour but de « bâtir des ponts entre la littérature et l'art national comme international, ainsi que d'explorer la relation entre l'art et la vie.» 

Sur ce blog, on peut aussi télécharger un exemplaire de la revue multi-media.

Voici un extrait d'un entretien avec Mónica sur ses projets et sa participation à la blogosphère cubaine :

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Claudia Cadelo : Parlez-nous un peu du Projet Desliz

Lizabal Mónica : C'est un projet ouvert. Quiconque souhaite participer peut faire partie du projet et y participer autant qu'il le veut. Desliz est un projet inclusif, qui utilise le dynamisme des réseaux sociaux, et notre page continue à ajouter et retirer des participants. Desliz n'est pas un ghetto, mais plutôt une raison d'être, de sorte que chacun de ceux qui rejoignent ce but et participent aux activités fait partie du projet. Quel en est le but ? C'est de construire des ponts : diffuser la culture nationale et promouvoir le dialogue entre les écrivains et artistes cubains qui vivent sur l'île et ceux qui ont émigré ; amener les artistes que nous connaissons sur la scène nationale ; promouvoir le dialogue culturel au niveau national ; explorer les concepts de chaque genre ou domaine, et les concepts de l'art et de la littérature en général. Voilà quelques-uns de nos objectifs. Et un autre, plus évident : rendre la culture, qui est archaïque, plus dynamique alors que souvent elle ne connaît pas ses propres possibilités.

CC : Vos blogs et votre revue numérique Desliz donnent aux artistes et aux écrivains la possibilité d'accéder à l'univers virtuel à Cuba. Pourriez-vous dire quelques mots sur vos objectifs d'utilisation de la technologie pour la promotion artistique ?

LM : Les écrivains, les artistes et les professionnels en général devraient avoir accès à Internet, mais plus important, c'est que tous ceux qui veulent un accès le reçoivent, quels que soient leur métier ou leur emploi, et même, qu'ils travaillent ou non pour la société. L'opinion et la participation de tous sont importantes et c'est de cela qu'il s'agit. Ce qu'il y a à Cuba, c'est un complexe de supériorité de Saint-Simonisme.

Le Projet Desliz remplit une fonction particulière auprès des artistes, mais ce qui nous intéresse, c'est de réaliser, dans le futur proche, quelque chose de semblable pour le citoyen ordinaire. Il y a deux préjugés à Cuba en ce qui concerne la participation ou la présence d'un individu ou d'un groupe sur Internet : ils sont soit artistes soit journalistes indépendants – c'est qu'ils lancent un blog pour faire la critique de la société et/ou du gouvernement. De cette manière, on ne sort pas du cercle vicieux du gouvernement autoritaire. Une des choses que nous comprenons, c'est que notre pays a besoin que les individus prennent en mains leur propre vie, non pas pour une idéologie ou un labeur respectable, mais tout simplement au nom de leurs propres intérêts, quels qu'ils soient. Cuba est en manque de société civile, et ceci est l'un des meilleurs moyens d'aider à en créer une.

CC : Vous démarrez un projet pour soutenir les artistes de façon qu'ils puissent créer des blogs et avoir une présence en ligne. Comment cela marche-t-il ? Comment cela fonctionne-t-il ?

LM : A présent je travaille sur quelques projets artistiques et avec des artistes qui veulent avoir une présence indépendante en ligne. Ils apportent aussi une quantité de bonnes idées. Du  fait qu'Internet est interdit sauf à quelques fonctionnaires d'Etat, c'est très cher – le prix d'un « compte clandestin » équivaut à celui d'un loyer -, et le travail est beaucoup plus lent que ce qu'il serait sans ces autres conditions. Beaucoup de ces artistes n'ont pas Internet, et certains n'ont même pas de compte e-mail, c'est pour cela que nous utilisons le nôtre, limité à un nombre mensuel d'heures – utiliser les heures au-delà revient trop cher, et nous ne pouvons pas nous l'offrir – pour la création de ces blogs, une fois créés, nous les aidons à les tenir à jour. Aucun de ces blogs n'est encore en ligne, nous venons seulement de démarrer, et bientôt vous pourrez voir les résultats.

CC : Avez-vous foi en la blogosphère cubaine ? En quoi avez-vous le sentiment d'y participer ?

Je crois en la façon dont nous pouvons nous développer à travers elle. J'espère qu'elle continuera à se diversifier, même si les voix sont discordantes. Il y a des opinions divergentes, et nous sommes attentifs à nos différences, ce qu'essaie aussi de faire mon blog Desliz. Je me réjouis d'un début de militantisme citoyen qui puisse compter sur des caractéristiques fondamentales telles que l'inclusion, qui se trouve par défaut (prédéterminé) dans le langage et la logique d'Internet, et du lancement d'un changement permanent des structures, ou mieux encore, de l'absence de structures définies. J'y compte bien.

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