Hijab-blogs : Les réactions internationales sur l'affaire de la burqa en France

Bien que le port du hijab existe depuis les temps pré-islamiques, le débat qui l'entoure s'est amplifié ces dernières années. Si dans certains pays (l'Arabie Saoudite, l'Iran, certaines parties de l'Afghanistan et de l'Indonésie), le hijab est obligatoire, dans d'autres, il a été interdit dans les écoles, sur les lieux de travail, et parfois dans les deux à la fois (en Turquie, en Tunisie, dans certaines parties de la Belgique et de l'Allemagne). Mais qu'il soit imposé ou prohibé, l'habillement des femmes musulmanes est presque toujours un sujet de débats enflammés.

Tout dernièrement, le président français Nicolas Sarkozy a proposé [information CNN, en anglais] une interdiction de la burqa. [NdT : Il a dit, au milieu de son discours du 22 juin devant le Congrès, que «la burqa n'est pas la bienvenue sur le territoire» français. Des députés de droite et de gauche ont constitué le 1er juillet une mission d'information pour dresser «un état des lieux», alors que Jean-François Copé, président du groupe UMP de l'Assemblée nationale, s'était prononcé d'emblée «pour une loi après une phase de dialogue». Selon les services de police, 367 femmes porteraient la burqa en France] Sa proposition fait suite à une loi française de 2004 interdisant le port du hijab à l'école.

Les blogueurs du monde entier, à travers tout le spectre des croyances, se sont exprimés sur la décision du président Sarkozy [voir note ci-dessus]. Sur KABOBfest, la Canadienne Sana écrit [en anglais, comme tous les blogs cités]:

En ciblant la manière dont un petit nombre de Françaises choisissent d'affirmer et de représenter leur sexualité, la France passe à côté des vraies sources du problème, et laisse également entendre que ses fondations sont peut-être bien moins stables qu'elle ne voudrait le faire croire au monde et à ses propres citoyens. Il est temps à présent pour la France de ne pas renoncer aux composantes variées de son identité, mais au contraire d'appréhender ces éléments eux-même dans une perspective plus large. Ses minorités ont depuis des décennies la volonté de s'adapter, mais la France peut-elle accepter une équité minimale comme base pour une égalité plus large, comme nous l'avons fait ici en Amérique du Nord ?

La blogueuse conclut en disant :

M. Sarkozy, vos intentions sont peut-être sincères ; après tout, vous essayez seulement de sauvegarder les critères de ce qui rend assez «Français». Souvenez-vous, pourtant, que dans votre tentative pour libérer la femme de son carcan de tissu, vous restreignez sa sexualité, le sentiment de sa propre individualité et son être aux limites de votre harem en dictant la danse qu'elle doit exécuter et les vêtements qu'elle doit porter pour vous plaire.

Le blogueur algéro-américain The Moor Next Door fait écho à cette manière de voir. Arguant que la proposition de Sarkozy est «du fanatisme déguisé en galanterie» il affirme :

Le problème qui inquiète peut-être les Français, n'est pas la burqa telle qu'elle est portée en France aujourd'hui, mais qu'une telle interdiction, comme cela a été le cas avec le foulard, fera de ce vêtement un symbole plus marqué d'identité musulmane et un signe de défi culturel. Ce que la France a obtenu, c'est de trouver des moyens d'aliéner les minorités raciales et religieuses. Certes, parmi les pays occidentaux elle est à la pointe dans ce domaine. C'est une qualité qui ne fait guère avancer la cause de l'assimilation que poursuivent pourtant si activement les Français. La proposition s'accompagne aussi d'autres accessoires. L'inquiétude (exposée par l'article de the Economist) que cette interdiction proposée pourrait être «mal comprise à l'étranger» paraît sotte. Qu'y a-t-il à mal comprendre ? C'est précisément une tentative de limiter l'expression de la religion, l'Islam en l'occurrence, et cela relève des mêmes motivations que l'interdiction précédente du foulard.

Farah, qui écrit pour le blog collectif Nuseiba, présente une excellente revue d'opinions australiennes sur le sujet, et note :

De nombreux auteurs (dont Posetti et Hussein) opposés à une interdiction soulignent que nombre de femmes ont volontairement choisi de porter la burqa ou le niqab. Tandis que la burqa a été utilisée par des groupes pour soumettre les femmes, ces auteurs mettent en exergue la nécessité de reconnaître la libre décision de ces femmes musulmanes, plutôt que de la leur dénier par une interdiction.

Pour la blogueuse croyante Tracy Simmons, aux Etats-Unis, l'affaire est simple. Demandant au président Sarkozy de ne pas priver les femmes de leur dignité, elle plaide :

Je ne crois pas que les gens comprennent que porter la burqa est un choix pour beaucoup de femmes dans l'Islam. Et parce que c'est un choix, elles ne devraient pas être forcées par un gouvernement à NE PAS la porter.

Bien entendu, tous les blogueurs ne s'opposent pas à l'interdiction de Sarkozy. La célèbre blogueuse et chroniqueuse égyptienne Mona Eltahawy, qui a notoirement enlevé son foulard il y a quelques années (elle a raconté l'expérience sur son blog) a écrit une tribune pour le New York Times, dans laquelle elle a déclaré qu'en tant que femme et musulmane, elle était opposée au port de la burqa où que ce soit.

Une blogueuse américaine, Anne of Carversvilleexprime son soutien à Mona Eltahawy en écrivant :

Je comprends bien que le changement est délicat en politique, mais je n'ai pas vécu jusqu'à ce jour pour m'entendre dire en 2009 que je suis à côté de la plaque, parce que je crois que la burqa avilit les femmes, en les effaçant de la société comme le soutient Mme Eltahawy.

En formalisant ma position contre la burqa, je ne suis absolument pas offensée par la forme plus conservatrice d'habillement choisie par de nombreuses femmes musulmanes. Je ne suis pas opposée aux couvre-chefs de toute sorte.

Plus largement, la blogueuse ajoute :

En même temps, je soutiens et recommande que l'on accepte avec plaisir la sensualité de la vie — la vue, l'ouïe, l'odorat, et toute notre sensibilité pour connaître la vie. Cette idée ne me met pas en contradiction avec la culture musulmane, qui accepte aussi avec plaisir la nature profondément sensuelle de la vie.

J'accepterai la burqa pour les femmes lorsque les hommes seront également obligés d'en porter. Si les deux sexes adoptent la burqa comme un signe de respect pour leur religion (qui ne l'exige pas dans le Coran), alors j'accepte que la burqa soit un signe de culture musulmane et de coutume religieuse.

Cependant, la tribune de Mona Eltahawy n'a pas été sans rencontrer d'opposition dans la blogosphère. Sahar, qui écrit sur Nuseiba, proteste :

…La meilleure façon de soutenir les femmes musulmanes, c'est de respecter leur choix pour exprimer leur religion et leur culture. Ce n'est pas d'imposer ce que nous croyons être bon pour elles. Je trouve paradoxal que Mme Eltahawy, qui se dit féministe, ignore l'importance du choix, de la libre décision et de l'expérience vécue de ces femmes — qui sont des éléments essentiels pour la compréhension des femmes dans l'analyse féministe.

Nous ne sommes pas non plus toutes d'accord avec Mme Eltahawy qui, peut-être du fait de sa position sociale privilégiée, est détachée des motivations sociales, politiques et religieuses du port de la burqa, et ne peut saisir comment elle peut être un outil de réussite pour certaines ou un renforcement dans la fierté de l'identité musulmane pour d'autres. La burqa peut être comprise comme un symbole de l'indignation que ressentent les Musulmans à être exposés à une Europe de plus en plus xénophobe. Elle symbolise une tentative de s'accrocher à une identité qui s'érode dans un environnement hostile. J'écris ceci juste après avoir lu l'histoire d'une Egyptienne qui a été poignardée 18 fois dans un tribunal allemand par l'homme qu'elle avait assigné en justice pour l'avoir harcelée parce qu'elle portait un foulard. Ce n'est pas seulement la burqa que l'on dénigre et discrédite, mais la tenue islamique dans son ensemble. C'est pourquoi l'appel à retirer la burqa ne peut pas être vu hors de ce contexte, et penser, comme Mme Eltahawy, qu'il est viable de séparer sa critique d'un tel contexte est de la naïveté politique.

Reste à savoir si la France décrétera une interdiction de la burqa ; quoi qu'il en soit, une chose est sûre : voilà une question qui polarise fortement les esprits autour de la planète.

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